Déchéance du brevet européen - Recevabilité du recours en restauration - Excuse légitime - Point de départ du délai de recours - Cessation de l’empêchement - Notification de la décision constatant la déchéance au mandataire du breveté - Instructions faites au mandataire
Selon les dispositions des articles L. 613-22, 1° et R. 618-1 du CPI, la décision du directeur de l’INPI constatant la déchéance d’un brevet est publiée et notifiée au breveté. Toute notification est réputée régulière si elle est faite au mandataire du titulaire du brevet.
En vertu de l’article L. 612-16 du CPI, le demandeur qui n'a pas respecté un délai à l'égard de l’INPI peut présenter un recours en vue d'être restauré dans ses droits s'il justifie d'une excuse légitime. Le recours doit être présenté à l’Institut dans un délai de deux mois à compter de la cessation de l'empêchement.
Ainsi, la notification de la décision constatant la déchéance d'un brevet, qu'elle soit faite au breveté ou à son mandataire, fait courir le délai de deux mois pour présenter un recours en restauration des droits sur ce brevet et procéder au paiement de la redevance.
En l’espèce, la société américaine requérante, titulaire d’un brevet européen, avait confié la gestion de celui-ci à un cabinet d'avocats américain, qui avait lui-même sous-traité le paiement des annuités en Europe, et notamment en France, à un mandataire américain, le mandataire inscrit au registre national des brevets français étant un cabinet français. Le paiement de la quinzième annuité n'étant pas intervenu dans les délais requis, la déchéance des droits attachés au brevet a été constatée par décision du directeur général de l'INPI, notifiée au mandataire français et publiée au BOPI. Ce dernier a formé un recours en restauration du brevet et a procédé au paiement de l’annuité plus de deux mois après la notification de cette décision. Le directeur général de l’INPI a déclaré ce recours irrecevable comme étant tardif. La société titulaire a formé un recours contre cette décision.
Après avoir relevé que la décision constatant la déchéance avait été régulièrement notifiée au mandataire français, puis retenu que la cessation de l'empêchement pour régler la redevance et introduire une action en restauration était intervenue, au plus tard, à la date à laquelle la société américaine en charge de la gestion des annuités avait demandé au mandataire français de présenter un recours en restauration, la cour d’appel a pu en déduire que le recours, formé plus de deux mois après cette date, était irrecevable.
La cour d’appel a souverainement écarté la thèse selon laquelle la société titulaire n'avait pas eu connaissance de l'absence de paiement des redevances, au regard de celle qu'en avait eu son mandataire américain, qui avait donné instruction au mandataire français de procéder au paiement et d'introduire une action en restauration.
Cette solution ne vient pas en contradiction avec celle précédemment adoptée par la Cour de cassation, qui avait jugé que l'empêchement devait s'apprécier à l'égard de la personne du demandeur à l'action en restauration de brevet. Dans cette espèce, elle avait censuré une cour d'appel pour avoir retenu comme point de départ le non-respect d'un délai[1] par le mandataire alors que ce non-respect ou ses effets n'avaient fait l'objet d'aucune notification et que le breveté n'en avait été informé que par la publication de ses conséquences au BOPI. Au contraire, dans le présent litige, le non-respect du délai a été régulièrement notifié au mandataire inscrit de la société titulaire, de sorte qu’elle ne pouvait plus se prévaloir d'une excuse légitime à compter de cette date. En retenant la date, plus favorable, à laquelle le mandataire s'était vu confier la mission de procéder au paiement de la redevance et d'introduire un recours en restauration, la cour d'appel a fait une exacte application des articles L. 613-22, 1°, R. 618-1 et L. 612-16 du CPI.
Cour de cassation, ch. com., 17 mai 2023, 22-10.744 (B20230025)
Urschel Laboratories Inc. c. INPI
(Rejet pourvoi c. CA Paris, pôle 5, 2e ch., 24 sept. 2021, 20/13869 ; B20210065 ; PIBD 2021, 1169, III-1)
[1] Cass. com., 18 févr. 1986, Shimadzu Corporation c. INPI, 83-15.950 (B19860045 ; PIBD 1986, 390, III-173). Il s’agissait en l’espèce du délai de trois mois (à compter de la publication de la délivrance d’un brevet européen au Bulletin européen des Brevets) pour déposer à l’INPI la traduction en français d’un brevet européen qui n’a pas été rédigé en français. L’INPI publie au BOPI le défaut de remise de traduction.