Jurisprudence
Marques

Nullité de la marque ADOPTE UNE DOLL pour atteinte à la renommée de la marque ADOPTEUNMEC

PIBD 1208-III-6
Décision INPI, 31 janvier 2023

Nullité de la marque verbale - Atteinte à la marque de renommée (oui) - Caractère intrinsèquement distinctif - Lien entre la marque renommée et le signe litigieux (oui) - Similarité des produits et services - Risque de profit indu tiré de la renommée de la marque

Texte
Marque n° 4 051 417 de la société GEB AdoptAGuy
Marque n° 4 437 535 de Corine F
Texte

La marque contestée Adopte une doll, enregistrée, notamment, pour des accessoires, jouets et poupées sexuels, porte atteinte à la renommée de la marque antérieure française adopteunmec.

Cette marque bénéficie d’un degré élevé de reconnaissance en France pour des sites de rencontres en ligne, et plus particulièrement des services de « clubs de rencontre sur Internet et réseaux de téléphonie mobile ; organisation de rencontres entre personnes physiques (à but social), à savoir services de clubs de rencontres ; mise en relation d'individus (à but social), à savoir services de clubs de rencontres », ainsi que le montrent notamment la forte présence de cette marque dans les médias, l’importance des campagnes publicitaires, le nombre de personnes inscrites dans ces clubs de rencontres, les différentes références dans la presse au classement de la marque sur le marché des services de rencontres, les récompenses obtenues.

Les consommateurs seront vraisemblablement incités à établir un lien entre les deux signes du fait de leur grande proximité. En effet, les signes sont marqués par une structure et une évocation communes, à savoir l’action d’adopter quelqu’un ou quelque chose, le premier évoquant une « doll », c’est-à-dire une poupée, et le second renvoyant à un « mec ou un homme », en sorte que le consommateur, confronté à la marque contestée, aura comme image de référence la marque antérieure qui bénéficie d’une grande renommée et d’un caractère intrinsèquement distinctif. La marque antérieure adopteunmec apparaît comme une construction inhabituelle à partir du verbe adopter à la deuxième personne du singulier de l’impératif et du terme « mec », et il n’est pas démontré qu’elle soit la désignation nécessaire, générique ou usuelle des produits et services en cause ou qu’elle serve à en désigner une caractéristique. À cet égard, l’usage répandu de l’élément « Adopte un » pour des services de rencontres n’a pas été établi par le titulaire de la marque contestée.

Si les services de la marque antérieure et les produits et services de la marque contestée apparaissent faiblement similaires, ils ont tous trait, directement ou indirectement, aux relations intimes, la marque antérieure bénéficiant d’une renommée pour des services de rencontres en ligne et les produits et services de la marque contestée étant relatifs à des jouets sexuels pour adultes. Il en résulte un certain chevauchement des publics auxquels s’adressent les produits et services en cause.

La marque contestée est susceptible de tirer indûment profit de la renommée de la marque antérieure. En effet, les articles évoquant le classement de la marque et son succès dans le domaine des services de rencontres en ligne reflètent l’image d’une marque occupant une place prépondérante sur ce marché et investissant continuellement pour gagner des parts de marché et gagner en visibilité. Il en découle que la marque contestée pourrait bénéficier du pouvoir d’attraction et de la réputation de la marque antérieure pour ses propres produits et services. Le titulaire de la marque contestée ne peut valablement soutenir ne pas avoir eu connaissance de la marque antérieure lors du dépôt de la marque Adopte une doll compte tenu de la renommée dont bénéficie la marque adopteunmec en France et sa place sur le marché des services de rencontres en ligne au jour du dépôt de la marque contestée. Ce transfert de l’image positive de la marque antérieure pourrait faciliter la mise sur le marché des produits et services de la marque contestée, réduisant ainsi la nécessité d'investir dans la publicité, et permettrait alors au titulaire de la marque contestée de bénéficier, sans contrepartie, des efforts commerciaux déployés par le demandeur pour créer et entretenir cette image.

Décision INPI, 31 janvier 2023, NL22-0053 (NL20220053)[1]
GEB Adoptaguy SARL c. Corine F

[1] Cette décision n’a pas encore fait l’objet d’un recours, lequel est susceptible d’être porté ultérieurement à notre connaissance.