Jurisprudence
Marques

Nullité de la marque Aylia&Co by Özge sur le fondement du risque de confusion avec la marque antérieure ALAÏA et de l'atteinte à la renommée de cette marque

PIBD 1209-III-4
Décision INPI, 28 avril 2023

Nullité de la marque verbale (oui) - 1) Risque de confusion avec la marque de l’UE antérieure (oui) - Appréciation globale - Identité des produits et services - Élément distinctif et dominant - Caractère distinctif élevé de la marque antérieure - Risque de confusion (oui) - 2) Atteinte à la renommée  de la marque antérieure (oui) - Portée de la renommée - Durée et intensité de l'usage - Comparaison des produits et services - Diversification - Public pertinent - Lien entre la marque renommée et le signe litigieux - Caractère distinctif intrinsèque - Dilution du caractère distinctif (non) - Risque de profit indu tiré de la renommée de la marque (oui) - Juste motif (non)

Texte
Marque n° 002 613 461 de la société Azzedine Alaia
Marque n° 4 808 908 de Mme Ö C
Texte

La marque contestée AYLIA&Co by Özge, déposée pour désigner de nombreux produits, notamment en classe 14 et 25, est annulée sur le fondement du risque de confusion avec la marque de l’Union européenne ALAÏA, et sur le fondement de l’atteinte à la renommée de cette même marque, pour l’ensemble des produits désignés.

Les produits de la marque contestée sont identiques à certains produits de la marque antérieure.

Les signes en cause présentent des ressemblances visuelles et phonétiques faibles et des différences conceptuelles. Toutefois, celles-ci se trouvent compensées par la prise en compte de leurs éléments distinctifs et dominants. En effet, les termes « Aylia » pour le signe contesté et « Alaïa », seul élément constitutif de la marque antérieure, ne présentent pas de lien direct et concret avec les produits visés, ni n'en indiquent ou n'en évoquent une caractéristique précise. En outre, le terme « Aylia », mis en exergue dans le signe contesté par sa position en attaque, apparait comme l’élément essentiel de la marque contestée, la séquence « &CO », universellement utilisée dans un contexte commercial pour désigner la société, le groupe ou l'entreprise qui produit les biens, étant perçue comme une indication accessoire. Par ailleurs, si l’ensemble verbal « By Özge » apparaît distinctif au regard des produits en cause, il est néanmoins situé en fin d’un signe long.  De plus, avec le terme « By », il évoque immédiatement une marque ombrelle ou la signature d’un créateur, de sorte que le terme « Aylia », placé en attaque, bénéficie au sein de cette marque d’une distinctivité autonome et d’un caractère essentiel.  

Il ressort des documents produits au cours de la procédure que la marque antérieure bénéficie d’une connaissance par une partie significative du public pertinent sur le territoire de l’Union Européenne et principalement en France pour désigner une partie des produits jugés identiques, à savoir les « Vêtements (habillement) ; chaussures ; chapellerie ; ceintures (habillement) ». La marque antérieure sera donc considérée comme ayant un caractère distinctif accru du fait de sa connaissance pour une partie des produits invoqués considérés comme identiques.

Compte tenu de la stricte identité des produits en cause, des ressemblances d’ensemble entre les signes, renforcées par la prise en compte de leurs éléments distinctifs et dominants, et du caractère distinctif élevé de la marque antérieure, en raison de sa connaissance sur le marché, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public pertinent. En conséquence, la marque contestée doit être déclarée nulle pour l’ensemble des produits visés.

La marque litigieuse porte également atteinte à la renommée de la marque de l'Union européenne ALAÏA. Une telle atteinte suppose l’existence d’une renommée de la marque antérieure invoquée en France ou dans le cas d’une marque de l’Union européenne dans l’Union, qui correspond au seuil de connaissance qui n'est atteint que lorsque la marque antérieure est connue d'une partie significative du public concerné par les produits ou services qu'elle désigne, l’existence d’un lien entre les signes dans l’esprit du public et la démonstration d’une atteinte à la renommée. Ces trois conditions sont cumulatives, de sorte que l’absence de l’une d’entre elles suffit à écarter l’atteinte.

Au vu des documents fournis, la marque antérieure ALAÏA, doit être considérée comme ayant acquis une renommée principalement en France, pour les vêtements, chaussures, chapellerie, ceintures (habillement), sacs à main et parfumerie.

Afin d’apprécier l’existence d’un lien entre les signes dans l’esprit du public, il convient de tenir compte notamment  du degré de similitude entre les signes, de la nature des produits et des services (y compris du degré de similitude ou de dissemblance entre ces produits et services) ainsi que du public concerné, de l’intensité de la renommée de la marque antérieure (afin de déterminer si celle-ci s’étend au-delà du public visé par cette marque), du degré de caractère distinctif intrinsèque ou acquis par l’usage de la marque antérieure et de l’existence d’un risque de confusion dans l’esprit du public.

Comme indiqué pour l’analyse du risque de confusion auquel il convient de se référer, les signes présentent des ressemblances importantes compte tenu de leurs éléments distinctifs et dominants. Les pièces fournies par le demandeur justifient de la renommée de la marque antérieure laquelle porte principalement sur le territoire français. À ce titre, il y a lieu de relever que les consommateurs des produits de la marque française contestée auront nécessairement connaissance de la marque antérieure de sorte qu’ils seront davantage susceptibles d’établir un lien entre les marques en cause du fait de la coïncidence des territoires.

S’agissant de la nature des produits en présence, force est de constater que les produits d’habillement de la marque contestée sont identiques à certains des produits de la marque antérieure et qu’un risque de confusion sur l’origine des deux marques a été établi au regard de ces produits.  Si les produits de « bijouterie » de la marque contestée ne présentent pas les mêmes nature, destination ou méthode d’utilisation que les produits de la marque antérieure pour lesquels la renommée est démontrée, à savoir « Vêtements (habillement); chaussures; chapellerie; ceintures (habillement) ; sacs à mains ; parfumerie », et si les points de vente de ces produits sont habituellement différents, il y a lieu de relever, comme le souligne à juste titre le demandeur, que certaines enseignes qui produisent des vêtements de mode, de même que des sacs à main ou encore des parfums vendent également des bijoux sous leur marque. Il existe donc un chevauchement des consommateurs des produits de la marque antérieure considérés comme renommée et de ceux de la marque contestée.

La marque antérieure étant dépourvue de signification particulière en langue française elle présente un caractère arbitraire et bénéficie d’une distinctivité intrinsèque outre celle acquise du fait de l’intensité et de la durée de son usage. Par conséquent, les consommateurs des produits de la marque contestée qui connaissent nécessairement la marque antérieure seront susceptibles de faire un lien avec celle-ci lorsqu’ils rencontreront la marque contestée.

L’atteinte à la renommée de la marque antérieure est constituée par un usage sans juste motif de la marque contestée qui soit tire ou tirerait indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure, soit porte ou porterait préjudice à son caractère distinctif, soit porte ou porterait préjudice à sa renommée. Un seul de ces trois types d’atteinte suffit pour que la protection de la marque de renommée puisse s’appliquer.

Le préjudice tenant à la dilution du caractère distinctif de la marque antérieure n’est pas démontré. En revanche, force est de constater que la marque antérieure bénéficie d’une image positive, fortement ancrée dans l’esprit du consommateur compte tenu de la durée et de l’intensité de l’usage de cette marque et tenant à la qualité et au perfectionnement de ses créations, pour certaines qualifiées « d’iconiques ». Il existe donc un risque que les consommateurs, qui établiront un lien entre les marques en cause, projettent les caractéristiques de la marque antérieure sur la marque contestée.

Dès lors, ce transfert de l’image positive de la marque antérieure pourrait faciliter la mise sur le marché des produits de la marque contestée, réduisant ainsi la nécessité d'investir dans la publicité, et permettrait alors au titulaire de la marque contestée de bénéficier, sans contrepartie, des efforts commerciaux déployés par le demandeur pour créer et entretenir cette image. Par conséquent, il apparaît que la marque contestée est susceptible de tirer indument profit de la renommée de la marque antérieure, et ce pour tous les produits enregistrés.

Enfin, en l’absence de toute réponse du titulaire de la marque contestée à la présente demande en nullité et en l’absence de toute indication contraire, il convient de considérer que le titulaire n’a aucun juste motif pour utiliser la marque contestée.

Décision INPI, 28 avril 2023, NL22-0170 (NL20220170)