Doctrine et analyses
Compte rendu

Un conte de deux dérogations à la compétence de la JUB

PIBD 1214-II-1

d’après l’article de Paul England* : A tale of two UPC opt-outs, in IAM, 14 octobre 2023

Texte

Cet article rend compte de deux décisions rendues par des divisions locales de la Juridiction unifiée du brevet (JUB) portant sur la dérogation à la compétence exclusive de la JUB.

En vertu de l’article 83 de l’accord relatif à une juridiction unifiée du brevet (ci-après dénommé « l’accord »), le titulaire d’un brevet européen dit « classique » peut, pendant une période transitoire de sept ans, choisir entre la JUB et une juridiction nationale pour statuer sur un litige mettant ce brevet en cause. Il dépose pour cela une déclaration de dérogation qu’il a la possibilité de retirer par la suite1.

L'accord et le règlement de procédure de la Juridiction unifiée du brevet prévoient cependant quelques exceptions. Ainsi, si une action a déjà été engagée devant la JUB, la déclaration de dérogation est dépourvue d’effet pour le brevet concerné. 
À l’inverse, le retrait d’une déclaration de dérogation n’est plus possible si une action a été préalablement engagée devant une juridiction nationale. Ces deux exceptions s’appliquent que l’affaire soit en cours ou qu’elle soit terminée.

Dans l’affaire Cup&cino2, une demande de dérogation a été déposée après qu’a été formée une demande de mesures provisoires. Alpina a fait valoir que la dérogation était effective parce que l’exception à la dérogation ne s’appliquait pas aux demandes de mesures provisoires.

La division locale de Vienne a confirmé que le terme « action » incluait à la fois la procédure au fond et la demande de mesures provisoires. En effet, parmi les actions relevant de la compétence exclusive de la JUB, l’article 32, paragraphe 1, point c) de l’accord cite les « actions visant à obtenir des mesures provisoires et conservatoires et des injonctions ». La formation de la demande de mesures provisoires bloque le dépôt ultérieur de la déclaration de dérogation, la JUB est donc compétente pour statuer sur la demande de mesures provisoires.

L’affaire AIM c. Supponor porte sur le retrait d’une déclaration de dérogation à la compétence de la JUB. AIM a formé une demande de mesures provisoires à la JUB concernant un brevet européen pour lequel il souhaitait retirer sa déclaration de dérogation. Le brevet en question faisait déjà l’objet d’une procédure nationale en Allemagne. AIM a argué que la procédure nationale n’empêchait pas le retrait de la déclaration de dérogation car ce blocage ne s’appliquait pas aux procédures nationales qui avaient été engagées avant le 1er juin 2023, date d’entrée en activité de la JUB.

La division locale d’Helsinki en a jugé autrement : le retrait de la déclaration de dérogation est bloqué par la procédure nationale, quelle que soit la date à laquelle l’action nationale a été engagée. Pour cette raison, la JUB n’est pas compétente pour connaître de la demande de mesures provisoires, ni pour aucune autre action en contrefaçon qui serait engagée ultérieurement.

* Taylor Wessing.
1 Règle 5 du règlement de procédure de la Juridiction unifiée du brevet.
2 
CUP&CINO Kaffeesystem-Vertrieb GmbH & Co. KG c. Alpina Coffee Systems GmbH. Cette décision n'est pas disponible à ce jour.

Texte

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