Protection au titre du droit d'auteur (oui) - Conditionnement - Originalité - Œuvre de l’esprit - Combinaison d'éléments connus - Recherche esthétique
Contrefaçon (non) - Impression d'ensemble différente
Parasitisme (oui) - Imitation du conditionnement et de son étiquetage - Volonté de s'inscrire dans le sillage d'autrui et de profiter de ses investissements
Préjudice matériel - Perte de chiffre d’affaires - Investissements réalisés - Préjudice moral - Atteinte au pouvoir attractif
Le conditionnement d’une gamme de sels aromatisés, qui se compose d’un pot en plastique transparent de forme ronde avec un couvercle vissant en aluminium sur lesquels sont apposés des étiquettes et un médaillon, est original.
Il comporte notamment, sur sa face avant, une étiquette rectangulaire aux bords irréguliers comme usés par le temps, sur laquelle figure le logo de l’agriculture biologique. La moitié supérieure de cette étiquette comporte l'inscription « SEL de Guérande » ainsi que celle de l'ingrédient ajouté au sel, qui sont mises en valeur par des lettres noires, le tout sur un cartouche à fond rouge, rose, vert ou bleu turquoise en rappel de la couleur de l'ingrédient ajouté (piment rouge/baies roses/herbes aromatiques/algues de Bretagne). La seconde moitié de cette étiquette, sur fond noir, reprend en bas à gauche et débordant légèrement du cadre le dessin d’une aigrette, qui figure également sur le médaillon apposé sur le couvercle. Sont mentionnés en bas, en lettres capitales blanches, le nom des paludiers ainsi que leurs qualités, ce qui confère une personnalité supplémentaire au conditionnement.
Certes, l'utilisation d'un pot en plastique laissant apparaître le contenu est dorénavant courant pour l'emballage de produits alimentaires, tout comme l'apposition d'une étiquette adhésive sur le couvercle et le pot. De même, la couleur utilisée est appliquée à chaque produit de la gamme en considération de sa recette et la dénomination de ces produits s'impose compte tenu de leur composition. Toutefois, il n’est pas pertinent d’isoler chacune des composantes de l’emballage pour en contester son originalité puisque c'est la combinaison de ces éléments qui est revendiquée comme constituant une œuvre originale.
En l'espèce, le graphisme d'ensemble des étiquettes, l'esthétisme des éléments décoratifs qui y figurent, la sobriété des couleurs utilisées alliée à la transparence du contenant, procurent à ce dernier une élégance qui cherche à rompre avec le caractère basique du produit vendu. L'adoption d'une charte graphique, qui met en avant des symboles identitaires - oiseau caractéristique de la faune saline, savoir-faire (l'ancestralité et la confidentialité de la technique de récolte du gros sel est signifiée par les bords irréguliers de l'étiquette du produit et l'emploi du vocable « paludiers »), couleurs inspirées des cristaux de sel ou de l'argile qui donne au gros sel sa couleur grise - confère à l'emballage un esprit d'appartenance à un terroir, les inscriptions relatives aux producteurs renforçant l'image de proximité.
L'emballage produit ainsi un effet singulier, à la fois soigné et artisanal, qui est évocateur de délicatesse et de tradition. Cet aspect esthétique est le fruit d'une recherche et d'une démarche créative traduisant le parti pris esthétique et l'empreinte de la personnalité de l'auteur.
La contrefaçon n’est pas caractérisée, les emballages de sel en litige ne procurant pas la même impression d’ensemble. Les éléments similaires qui y figurent sont comparables à ce qui est pratiqué pour de nombreux autres emballages alimentaires, notamment de condiments.
Les différences dans la présentation des produits sont notables. Sur les emballages incriminés, les étiquettes adhésives présentent, sur un fond blanc, des inscriptions utilisant une police de caractère lourde et épaisse et ne comportent aucun dessin. Par ailleurs, aucun label n’y figure, alors que le label d'agriculture biologique est mentionné à deux reprises sur l'emballage invoqué, et il n'est pas fait mention du producteur du produit.
Ces différences donnent au conditionnement contesté un aspect d'ensemble plus moderne, essentiellement informatif, beaucoup moins sophistiqué et presque « industriel », qui s’oppose au caractère raffiné qui se dégage du conditionnement invoqué.
En revanche, le parasitisme est retenu. Le fait que l'on retrouve le même motif à bords irréguliers sur l'emballage contesté ne peut pas être fortuit. La défenderesse, qui admet avoir renouvelé son packaging pour sa gamme de sels aromatisés, sans pour autant justifier ni de l'antériorité de ce changement, ni d'investissements particuliers, doit être regardée comme ayant repris l'idée novatrice développée par les demanderesses. Ainsi, elle s’est volontairement inscrit dans leur sillage en profitant à moindres frais du pouvoir attractif de cette nouvelle présentation.
Cour d’appel de Rennes, 1re ch., 5 décembre 2023, 21/01537 (D20230047)
Les Délices de Joséphine SARL c. L’Atelier du Sel GAEC et L’Atelier du Sel SARL
(Confirmation partielle TJ Rennes, 4 janv. 2021)