Jurisprudence
Brèves de jurisprudence

Panorama en matière de marques et de dessins et modèles

PIBD 1229-III-4
Titre
MARQUES
Texte

Validité de la marque (non) - Dépôt de mauvaise foi (oui) - Contrariété à l’ordre public (non)

Marque n° 4 752 691 de M. [L] [G]

La décision de l’INPI ayant annulé la marque verbale Vite Ma Dose sur le fondement du dépôt de mauvaise foi est confirmée. Le déposant a réservé des noms de domaine vitemadose et conversé sur un réseau social, le 3 avril 2021, avec le créateur de l’outil du même nom qui permet de gérer les rendez-vous vaccinaux imposés par la pandémie de Covid-19. Il a ensuite déposé, le 8 avril 2021, une demande d’enregistrement de la marque Vite Ma Dose. Cette concordance de dates et le délai particulièrement court entre l’annonce, le 1er avril 2021, de la création de l’outil, largement relayée par les médias nationaux et régionaux, et les agissements du déposant permettent de caractériser son intention malveillante. Il n’a en effet agi que dans le seul souci de priver le créateur de l’outil de l’usage d’un signe nécessaire à son activité. La décision de l’INPI est également confirmée en ce qu’elle a rejeté la demande en nullité pour contrariété à l’ordre public. Ce motif de nullité suppose l’existence d’une contravention aux normes sociales auxquelles la société adhère, celle-ci remettant en cause le fonctionnement de la société ainsi que la pérennité de l'État et des institutions. Or, la marque, déposée pour les mêmes services que l’outil de régulation de la vaccination qui permet la vaccination rapide du plus grand nombre, ne comporte, en soi, rien de contraire à l’ordre public. 

CA Bordeaux, 1re ch. civ., 14 mai 2024, M. [L] [G] c. Association Covidtracker et. al., 23/00065 (M20240118)
(Confirmation décision INPI, 8 déc. 2022, NL 21-0266 ; NL20210266 ; PIBD 2023, 1196, III-7)

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Demande de suppression de comptes sur les réseaux sociaux - Procédure accélérée au fond - Hébergement de contenus illicites - Contrefaçon de marque (oui)

Marque n° 4 072 938 de la société Lutecia Medical

La société demanderesse, spécialisée dans la greffe de cheveux et titulaire de la marque verbale DHI désignant notamment les appareils chirurgicaux et implants artificiels, a sollicité selon la procédure accélérée au fond prévue à l’article 6-I-8 de la LCEN1 la suppression de deux comptes Facebook et Instagram proposant des greffes capillaires selon la technique « DHI ». Il lui appartient de prouver que le contenu est hébergé par un service de communication au public en ligne, qu’il est prohibé par la loi française et qu’il lui est personnellement dommageable. Les contenus litigieux ont été publiés sur les réseaux sociaux Facebook et Instagram, qui sont des services de communication au public en ligne hébergés par la société défenderesse. S’agissant du caractère illicite des contenus, les publications en cause démontrent l’utilisation répétitive du signe « DHI » pour désigner des services de greffe capillaire. L’usage de ce signe dans la vie des affaires est donc établi. Il en résulte un risque de confusion dans l’esprit du public, d’autant plus que le centre médical de la demanderesse est le seul en France à détenir la certification officielle DHI. Ainsi, la contrefaçon de la marque DHI est démontrée. Enfin, le caractère dommageable des publications résulte de leur caractère illicite, puisqu’elles sont contrefaisantes des droits détenus par la société demanderesse sur le signe DHI. Les contenus publiés par l’exploitant des comptes litigieux démontrent l’intention de s’approprier des résultats qui ne sont pas les siens. En outre, ces usages ont conduit à une banalisation et une déperdition du caractère distinctif de la marque de la demanderesse ainsi qu’à une économie d’investissements promotionnels réalisée par l’auteur de l’atteinte aux droits. La suppression définitive des comptes contrefaisants, qui ont causé un préjudice à la demanderesse, est donc ordonnée.

TJ Paris, 3e ch., 3e sect., 29 mai 2024, Lutetia Médical SAS c. Meta Platforms Ireland Ltd, 24/02828 (M20240133)

1L’article 6-I-8 de la LCEN a été introduit par la loi n° 2021-1109 du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République. Depuis la loi SREN n°2024-449 du 21 mai 2024, les dispositions de cet article se trouvent à l’article 6-3 de la loi LCEN.
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Atteinte aux marques de renommée (oui) - Exception de parodie - Étendue territoriale du préjudice - Brexit

Marque n° 000 015 610 de la société Louis Vuitton Malletier
Marque n° 009 844 391 de la société Louis Vuitton Malletier
Jouet "Poopsie Pooey Puitton" - source : https://www.auchan.fr/giochi-preziosi-poopsie-pooey-puitton/pr-C1132798

La société titulaire de la marque verbale de l’UE LOUIS VUITTON et de la marque figurative de l’UE constituée d’un monogramme, désignant toutes deux notamment les sacs à main, a assigné des sociétés spécialisées dans la conception et la commercialisation de jeux pour enfants, ainsi que leurs distributeurs, pour atteinte à la renommée de ses marques. Le jouet incriminé est constitué d’une mallette en plastique reprenant la forme de l’émoticône « caca » et renfermant des ingrédients pour réaliser une pâte colorée et malléable. Le signe litigieux « Pooey Puitton » figurant sur l’étiquette du jouet est un signe de fantaisie, même si le terme « poo » signifie « caca » en anglais. Il diffère conceptuellement de la marque verbale LOUIS VUITTON qui renvoie à un prénom et à un nom. En revanche, visuellement et phonétiquement, les signes en conflit présentent une similitude importante, d'autant plus que les société défenderesses présentent ce rapprochement comme un « clin d’œil » à la marque LOUIS VUITTON. Par ailleurs, la comparaison entre la marque figurative invoquée, composée des initiales LV entourées de motifs figuratifs floraux, et le motif de la mallette révèle une étroite proximité entre ces motifs, malgré l’absence de lettres ou d’initiales reproduisant ou imitant le monogramme LV. Compte tenu de l'intensité de la renommée des deux marques, il existe bien un lien dans l’esprit du public pertinent, principalement composé d’adultes, entre celles-ci et les signes litigieux malgré la différence de nature et de fonction des produits en cause. En définitive, l’atteinte à la renommée des marques invoquées est caractérisée, les sociétés défenderesses ayant tiré indûment profit de leur renommée exceptionnelle et de leur caractère très fortement distinctif. L’exception de parodie invoquée en défense est inopérante en droit des marques. En ce qui concerne la réparation du préjudice subi, il convient de tenir compte des faits de contrefaçon commis, non seulement sur le territoire de l'Union européenne, mais aussi au Royaume-Uni, les jouets litigieux ayant été vendus dans ce pays avant son retrait de l'Union.

TJ Paris, 3e ch., 1re sect., 25 avr. 2024, Louis Vuitton Malletier SAS c. MGA Entertainment Inc. et al., 19/01735 (M20240109) 

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Annulation partielle de la marque - Usage légalement interdit - Caractère trompeur

Marque n° 4 678 306 de la société Unilever IP Holdings

La demande en nullité de la marque figurative LE BOUCHER VÉGÉTARIEN est partiellement justifiée. L’usage de la marque contestée n’est pas légalement interdit, les dispositions invoquées1 par le demandeur encadrant l'exercice des activités de boucher mais n’interdisant pas expressément le dépôt d’une marque incorporant le nom de cette profession réglementée. En revanche, la marque est susceptible, au jour de son dépôt, de tromper le public particulièrement attentif et réfléchi ainsi que le grand public moyennement attentif et non nécessairement végétarien, s’agissant des substituts à des produits de boucherie et des services pouvant avoir pour objet de tels substituts. En effet, du fait de la présence du terme « boucher » au sein du signe contesté, le public pertinent est à même d’attendre légitimement de ces produits, les mêmes caractéristiques qu’un produit ou service désignant traditionnellement des denrées alimentaires d’origine animale. La présence du terme « végétarien » et la représentation graphique de carottes ne sont pas de nature à écarter le risque grave de tromperie, en ce qu’ils ne permettent pas d’écarter les attentes du consommateur quant aux caractéristiques attendues de ces produits et services. En revanche, s’agissant des autres produits alimentaires visés au dépôt ne constituant pas des produits traditionnellement proposés par un boucher, le signe contesté n’est pas trompeur.

Décision INPI, 18 mars 2024, Interlev (Association) c. Unilever IP Holdings B.V., NL 23-0089 (NL20230089)

1 Article 16 de la loi n° 96-603 du 5 juillet 1996 relative au développement et à la promotion du commerce et de l'artisanat, abrogé en 2023 mais applicable au jour du dépôt de la marque et décret n°98-246 du 2 avril 1998 relatif à la qualification professionnelle exigée pour les activités prévues à l'article 16 de la Loi n°96-603.
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Titre
DESSINS ET MODELES
Texte

Protection par le droit d’auteur (oui) - Contrefaçon (non)

Source : https://www.etoffe.com/papier-peint/27214-papier-peint-panoramique-white-spirit-pascale-risbourg.html

Le décor mural en papier peint texturé, dénommé « white spirit », est protégeable au titre du droit d’auteur. La créatrice a fait le choix, de manière arbitraire, de superposer des modules ou formes graphiques monochromes découpés au cutter dans du papier afin de renforcer l’impression de profondeur des angles, ce qui confère à l’ensemble un aspect visuel en trois dimensions. Ces caractéristiques combinées, qui ne se réduisent pas à une idée ou à un simple savoir-faire technique mais révèlent un travail innovant sur le volume, traduisent la personnalité de leur auteur. En effet, l'illusion d'optique ainsi créée par la mise en relief des formes et le jeu d'ombres portées évoquent la représentation d'une sculpture de papier, dans une esthétique qui s'avère singulière s'agissant d'une tapisserie murale. La contrefaçon de ce papier peint par celui de la société défenderesse n’est en revanche pas caractérisée, faute de reproduction de la combinaison des caractéristiques protégées par le droit d’auteur. Si certains éléments (formes graphiques, aspect monochrome) de l’œuvre opposée sont repris, le décor mural incriminé figure des lignes dont le tracé rappelle celui d'une aiguille de potier dans de l'argile ou d'un tracé dans de la pierre, pour représenter des formes différentes. Ainsi, le rendu particulier de la matière, recherché avec réalisme par la créatrice, ne se retrouve pas de la même manière dans la création de la défenderesse, qui affirme la réaliser sur un logiciel. Les quatre autres papiers peints décoratifs opposés par la créatrice sont quant à eux dénués d’originalité. En effet, les caractéristiques revendiquées pour chacun d’eux, qui ne relèvent que de la description d'un genre, ne sont pas en tant que telles susceptibles d'appropriation.

TJ Paris, 3e ch., 1re sect., 25 avr. 2024, Mme [V] [G] c. Eijffinger BV, 23/04554 (D20240027)

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