Validité de la marque semi-figurative (oui) - Atteinte aux marques de renommée verbales et semi-figuratives - Public pertinent - Portée et intensité de la renommée - Lien entre les marques renommées et la marque contestée (non) - Services différents - Complémentarité - Similitude visuelle, phonétique et intellectuelle - Terme commun - Lieu géographique - Élément distinctif et dominant - Distinctivité des marques renommées - Marque unique - Famille de marques - Déclinaison - Exploitation indue (non) - Modification du comportement économique du consommateur (non)
Validité de la marque semi-figurative (oui) - Droit antérieur - Dénomination sociale - Mot d’attaque identique - Élément dominant - Substitution du mot final - Services différents - Risque de confusion (non) - Diversification des activités
Contrefaçon de la marque semi-figurative (non) - Dépôt de marque - Usage pour des produits ou services
L’atteinte à la renommée des marques verbales française et de l’Union européenne DROUOT et des marques semi-figuratives de l’Union européenne Drouot et DROUOT PARIS, par l’utilisation de la marque semi-figurative DROUOT SPORT, n’est pas constituée.
Les pièces produites (articles de presse, reportages télévisés, sondages…) démontrent que les marques DROUOT jouissent d'une renommée intense en France, soit sur une partie substantielle du territoire de l'Union européenne, pour les services afférents aux ventes aux enchères et au marché de l'art.
Pour déterminer si l'utilisation de la marque contestée porte atteinte à la renommée des marques antérieures, il convient d'analyser si, compte tenu de tous les facteurs pertinents, un lien ou une association entre les marques sera établi dans l'esprit du public concerné.
Les services pour lesquels la renommée des marques antérieures est établie et les services médicaux (chirurgie orthopédique, médecine du sport, rééducation, radiologie, traitement de l'arthrose…) désignés par la marque contestée sont différents par nature. Ils relèvent de secteurs règlementés totalement différents, étant proposés chacun dans des lieux dédiés très spécifiques et par des professionnels aux qualifications très distinctes, le public étant amené à y avoir recours dans des situations très différentes. Par ailleurs, il n’existe pas de lien de complémentarité entre ces services. Ainsi, le fait que des actions caritatives ou des programmes culturels aux fins d'inclusion des malades et de promotion de la culture au sein des établissements de santé soient organisés ne suffit pas à établir de lien étroit et obligatoire entre eux.
Globalement, les signes en litige présentent des similitudes moyennes.
Visuellement, ils ont en commun le terme « DROUOT », qui est le seul élément des deux marques verbales antérieures. Ce terme est associé, dans une des marques semi-figuratives invoquées, à un « D » majuscule, très présent, et dans l’autre, au terme « PARIS », reproduit en dessous. La marque semi-figurative contestée est constituée, quant à elle, de l'association d'un « D » majuscule, incliné, stylisé et ajouré qui occupe une place prépondérante de fait de sa taille et sa position, et des termes « DROUOT SPORT », mentionnés en majuscules mais en plus petits caractères. Il en ressort, pour les marques semi-figuratives en conflit, des différences visuelles réelles, à relativiser cependant au regard de l'élément verbal commun « DROUOT », le public étant plus enclin à retenir un élément verbal que figuratif.
Intellectuellement, la marque DROUOT SPORT évoque un service lié à une activité physique, signification absente dans les marques invoquées, tandis que le terme « PARIS » au sein de l’une d’elles est fortement évocateur d'un lieu géographique. Le terme « DROUOT » commun aux signes renvoie au quartier parisien situé dans le 9e arrondissement de Paris et, pour une partie du public, en particulier le public amateur d'art et de ventes aux enchères, à l'hôtel des ventes de la société demanderesse, situé dans la rue éponyme. Enfin, la lettre « D » peut être perçue comme une reprise de la lettre du terme « DROUOT ».
Ce terme, arbitraire pour désigner notamment les services de ventes aux enchères, est distinctif et dominant dans les signes en conflit, l'ajout du terme « SPORT » dans le signe contesté, plus descriptif, faisant référence au domaine d'activité de la société défenderesse, soit notamment la prise en charge des pathologies du sport.
Dans l'hypothèse où les signes en conflit présentent une certaine similitude, il y a lieu de procéder à une appréciation globale afin de déterminer si nonobstant le caractère dissemblable des services, il existe en raison de la présence d'autres facteurs pertinents tels que l'importante renommée de la marque antérieure, sa forte distinctivité ou l'existence d'un risque de confusion, un lien ou un risque de lien entre ces signes dans l'esprit du public concerné.
Les marques opposées sont objectivement distinctives pour les services qu’elles visent. Toutefois, le terme « DROUOT » n’est pas uniquement utilisé par la société demanderesse, mais également par d’autres acteurs, en référence à leur implantation dans ce quartier parisien. Ces marques ne sont donc pas « uniques » au sens de l'arrêt Intel de la CJUE[1], et leur degré de distinctivité doit être replacé dans ce contexte.
Dans ces circonstances, la référence au terme « DROUOT » dans la marque contestée a une justification, puisque la clinique éponyme exploitée par la société défenderesse s'est implantée précisément dans ce quartier, et, à l'instar de nombreuses cliniques notamment parisiennes, a fait le choix d'une appellation en lien avec cette implantation géographique.
En outre, si la société demanderesse démontre disposer d'une famille de marques (HOTEL DROUOT, DROUOT IMMOBILIER…) corrélativement à une diversification de ses activités, celles-ci sont toutes en lien avec son cœur de métier, soit les ventes aux enchères et activités liées au marché de l’art. Elle ne peut donc raisonnablement soutenir que le public serait susceptible d'associer la marque DROUOT SPORT, faisant référence à une activité totalement distincte, à une nouvelle déclinaison de ses propres marques.
De plus, si les publics respectivement concernés par les marques en litige, soit le grand public s'agissant des services médicaux pour le signe contesté, et un public spécialisé constitué d'amateurs d'art et de ventes aux enchères pour les marques de renommée DROUOT, se chevauchent dans une certaine mesure, les services sont si dissemblables que la marque postérieure ne sera pas susceptible d'évoquer les marques antérieures auprès du public pertinent.
En conséquence, il n'existe aucun risque que, sans les confondre, ce public puisse établir un lien entre les marques en cause.
Cour d’appel de Paris, pôle 5, 1re ch., 28 février 2024, 22/04646 (M20240066)
Drouot Patrimoine SA c. Holding Drouot Sport SAS
(Confirmation TJ Paris, 3e ch., 1re sect., 27 janv. 2022, 20/02292)
[1] CJUE, 1re ch., 27 nov. 2008, Intel Corp. c. Orange SA et al., C‑252/07, points 55 et 56 : « Dès lors, aux fins d’apprécier l’existence d’un lien entre les marques en conflit, il convient de prendre en considération le degré de caractère distinctif de la marque antérieure. À cet égard, dans la mesure où l’aptitude d’une marque à identifier les produits ou les services pour lesquels elle est enregistrée et utilisée comme provenant du titulaire de ladite marque et, partant, son caractère distinctif sont d’autant plus forts que cette marque est unique – c’est-à-dire, s’agissant d’une marque verbale telle qu’INTEL, que le mot dont elle est constituée n’a été utilisé par qui que ce soit pour quelque produit ou service que ce soit hormis par le titulaire de cette marque pour les produits et services qu’il commercialise –, il convient de vérifier si la marque antérieure est unique ou essentiellement unique. »