Jurisprudence
Marques

Absence de caractère distinctif d’une marque tridimensionnelle représentant un luminaire tubulaire

PIBD 1191-III-6
CA Paris, 15 juin 2022

Validité de la marque tridimensionnelle (non) - Forme du produit - Caractère distinctif - Droit de l'UE - Norme ou habitudes du secteur - Forme imposée par la nature ou la fonction du produit - Valeur substantielle du produit - Acquisition du caractère distinctif par l'usage

Parasitisme (oui) - Copie quasi-servile des produits - Notoriété de l’entreprise - Situation de concurrence - Volonté de profiter des investissements et de la notoriété d’autrui

Texte
Marque n° 3 311 926 de la Société d’Application des Méthodes Modernes d’éclairage Electrique
Texte

La marque tridimensionnelle française[1] représentant un luminaire tubulaire doté d’embouts en inox est annulée pour défaut de caractère distinctif.

La forme du luminaire ne présentait pas, à la date du dépôt, des caractéristiques suffisamment inhabituelles et étrangères au domaine en cause pour frapper particulièrement l’attention du consommateur moyen. En effet, les luminaires en forme de tube sont très courants depuis les « tubes au néon » du début du XXème siècle de sorte que le consommateur visé percevra le signe en cause comme l’une des formes habituelles de ces produits. Par ailleurs, des éléments le composant, tels que le bandeau de fixation ou les embouts circulaires métalliques, apparaissent comme étant utilitaires. Les caractéristiques techniques et utilitaires du luminaire sont, en outre, prépondérantes dans le choix de l'acheteur. Ainsi, le signe, pris dans son ensemble, constitué d’une forme imposée par la nature et la fonction du produit, et qui confère à ce dernier sa valeur substantielle, ne diverge pas de manière suffisamment significative des luminaires tubulaires habituels pour permettre au consommateur de le percevoir comme une indication d’origine des produits.

En application du dernier alinéa de l'article L. 711-2 du CPI, dans sa version applicable au litige, dans le cas où les signes sont constitués exclusivement par la forme imposée par la nature ou la fonction du produit, ou conférant à ce dernier sa valeur substantielle, le caractère distinctif ne peut pas être acquis par l'usage. 

En revanche, la société poursuivie a commis des actes de parasitisme en commercialisant des luminaires dont l’apparence est quasiment identique à celle des différents modèles de la société demanderesse. Cette dernière justifie de ses efforts en matière de communication pour faire connaître son savoir-faire et ses produits, par une abondante revue de presse, des catalogues de présentation de ses produits ou encore par sa présence lors de salons ou de foires d’exposition. Ces éléments, ainsi qu’un sondage qui révèle qu’elle est reconnue par un nombre significatif d’acteurs du marché, établissent une valeur économique individualisée. En outre, la comparaison des produits des deux sociétés en litige prouve que les modèles sont déclinés dans les mêmes formats et que les gammes sont présentées de la même manière. Il résulte de ces constatations que la société poursuivie s’est placée dans le sillage de la société demanderesse, afin de bénéficier de la notoriété que cette dernière tire de son savoir-faire particulier et de ses investissements.

Cour d’appel de Paris, pôle 5, 1re ch., 15 juin 2022, 20/03271 (M20220187)
Société d'Application des Méthodes Modernes d'Éclairage Électrique (SAMMODE) c. Airfal International SL
(Confirmation TGI Paris, 3e ch., 1re sect., 17 oct. 2019, 17/09029, M20190375 ; rectifié par TJ de Paris, 3e ch., 1re sect., 16 janv. 2020, 19/12341, M20200174)

[1] Par une décision du 7 juin 2007, la chambre de recours de l’OHMI a estimé que l’examinateur avait retenu, à juste titre, que la partie communautaire de la marque internationale tridimensionnelle représentant le même appareil d’éclairage devait être refusée à l’enregistrement pour défaut de caractère distinctif, et que le signe n’avait pas davantage acquis ce caractère distinctif du fait de son usage (OHMI, 2e ch. de recours, 7 juin 2007, Sammode Éclairage SA, R 136/2007-2).