Jurisprudence
Marques

Absence de contrefaçon des marques semi-figuratives Socca Chips par la dénomination « Chips de Socca » apposée sur des paquets de chips à base de farine de pois chiche

PIBD 1182-III-5
CA Paris, 22 février 2022

Contrefaçon des marques semi-figuratives française et de l’UE (non) - Imitation - Différence visuelle - Étiquette sur conditionnement - Partie figurative différente - Éléments verbaux dominants - Caractère descriptif - Caractère faiblement distinctif - Similitude phonétique et conceptuelle - Impression d’ensemble - Risque de confusion - Notoriété des marques invoquées - Preuve

Concurrence déloyale (non) - Imitation des marques - Faits distincts - Imitation du produit et du conditionnement - Banalité - Risque de confusion - Parasitisme (non) - Projet de collaboration - Reprise d’une idée

Texte
Marque n° 4 234 375 de M. S
Texte

En commercialisant des chips à base de farine de pois chiche dénommées « chips de socca » ou « chips socca », la société poursuivie n’a pas commis d’actes de contrefaçon des marques semi-figuratives française et de l’UE Socca Chips, qui désignent des produits identiques.

Les éléments figuratifs utilisés par cette société sur ses conditionnements sont très différents de ceux des marques semi-figuratives invoquées (tas de pois chiche sortant d'un sac, vendeurs ambulants en front de mer, immeuble évoquant un palace de Nice pour le signe litigieux et élément ovale traversé en son centre par un bandeau rouge foncé, personnage féminin habillé en costume traditionnel niçois, lignes en éventail de couleur jaune évoquant un champ cultivé pour les marques). En ce qui concerne les éléments verbaux des marques, les termes « socca chips », inscrits en blanc dans le bandeau rouge, sont dominants. En effet, la mention « la couhina nissarda per lu mourre-léc croustihant de soca farina de cée », figurant dans le pourtour de l’ovale, est peu visible et n’attire pas l'attention du consommateur moyen de produits locaux du sud de la France. Ces deux termes « chips » et « socca » sont repris intégralement dans les visuels litigieux, où ils sont également dominants.

Cependant, ils sont très faiblement distinctifs pour les produits visés. En effet, ils peuvent servir à en désigner la nature (des chips) et la composition (la socca est une galette à base de farine de pois chiche). L'inversion des termes dans les marques, qui renvoie à une construction grammaticale anglaise, ne suffit pas à conférer à la combinaison « socca chips » une distinctivité particulière, le consommateur français étant habitué à ce type de construction. Il en résulte que les différences sur le plan visuel des signes pris dans leur ensemble sont telles qu'elles excluent un risque de confusion. La preuve de la notoriété des marques invoquées n’est pas rapportée. En effet, elle ne peut résulter de quelques articles de presse, de la participation comme sponsor du Tour de France en 2020 (le signe utilisé à cette occasion étant différent des marques invoquées), de la présence sur des foires ou salons professionnels ou encore de la réalisation de chiffres d'affaires importants.

La concurrence déloyale n’est pas constituée. L'idée de réaliser des chips avec de la farine de pois chiche est de libre parcours et sa reprise par un concurrent n’est pas fautive en soi. La forme triangulaire des chips, le conditionnement dans des sachets transparents ou opaques ouvrables par le haut et l'utilisation des couleurs rouge et jaune sont banals. Le caractère fautif de l'utilisation par la société défenderesse d’une photographie en noir et blanc représentant deux vendeurs de socca à Nice, également utilisée par les sociétés demanderesses sur leurs paquets de chips et dans leur communication, n'est pas démontré. Il s’agit en effet d’un visuel reflétant le caractère traditionnel de la socca à Nice. De surcroît, les parties ne l’utilisent pas sur leurs paquets de chips dans la même forme et au même endroit. Par conséquent, il n’existe pas de risque de confusion, les consommateurs étant simplement enclins à penser que les produits contenus dans les deux paquets sont des chips de socca et pas nécessairement qu’ils ont la même origine commerciale.

Le parasitisme à l’encontre des sociétés demanderesses n’est pas davantage constitué. Le demandeur avait présenté son projet de chips de socca à la société défenderesse en vue d’une collaboration. La reprise par cette dernière, fût-ce à l'issue de cette réunion, de l'idée de fabriquer et de commercialiser de telles chips, n'apparaît pas fautive mais relève de l'exercice, certes offensif, de la liberté du commerce et de l'industrie.

Cour d’appel de Paris, pôle 5, 1re ch., 22 février 2022, 19/18163 (M20220073)
Luc S, La Niçoise SAS, Nice Gourmet SAS et al. c. Cami SARL

(Infirmation partielle TGI Paris, 3e ch., 2e sect., 5 juill. 2019, 17/16627)