Jurisprudence
Dessins et modèles

Originalité d’un modèle de borne pour voirie en bois et inox - Caractère fonctionnel

PIBD 1182-III-6
CA Bordeaux, 25 janvier 2022

Protection du modèle au titre du droit d'auteur (oui) - Combinaison - Caractère fonctionnel - Forme imposée par des impératifs techniques - Disposition - Dimensions - Matière - Choix esthétiques arbitraires - Originalité - Empreinte de la personnalité de l'auteur - Effort de création

Contrefaçon de droits d’auteur (oui) - Fabrication, détention, offre en vente et vente - Reproduction servile des caractéristiques protégeables

Concurrence déloyale et parasitaire - Copie servile - Fait distinct des actes de contrefaçon (non) - Reproduction du nom du modèle - Fait distinct des actes de contrefaçon (oui) - Risque de confusion

Préjudice économique - Manque à gagner - Bénéfices réalisés par le contrefacteur - Economies d’investissement et de savoir-faire - Atteinte aux droits privatifs d’auteur - Préjudice moral - Atteinte à l'image

Responsabilité - Marché public - Commande - Donneur d’ordre - Connaissance de cause - Sous-traitant - Participation aux actes incriminés - Partage de responsabilité

Texte

La protection par le droit d'auteur est acquise dès lors que la forme du modèle, bien qu'opportune et fonctionnelle, n'est pas imposée par des impératifs techniques. En l'espèce, si certains des éléments constitutifs de la borne invoquée présentent pour partie des caractéristiques fonctionnelles, qui se retrouvent isolément dans d’autres potelets, leur agencement particulier constitue un choix arbitraire qui n’est pas fonctionnellement contraint. Les deux disques en acier inoxydable de la borne font écho aux deux bandes rectilignes du même métal présentes sur toute sa hauteur. La présence du corps cylindrique en bois brun veiné entre ses deux disques souligne le contraste recherché entre le bois fortement veiné, qui évoque la nature et l'authenticité, et l'acier inoxydable brillant, qui évoque la modernité et l'élégance urbaine. Ainsi, le fait que la partie centrale et les disques en acier posés à chaque extrémité de la borne auraient pour fonction de renforcer la structure de la borne n'imposait pas la taille, la forme et l'emplacement de chacun des disques, ni ne dictait la combinaison des caractéristiques esthétiques de la borne, qui expriment la personnalité de ses auteurs et résultent d'un effort de création. La borne doit donc être qualifiée d'originale et bénéficie de la protection par le droit d'auteur.

En fabricant, détenant, offrant à la vente, vendant et installant dans l'espace public les bornes litigieuses, les sociétés défenderesses ont commis des actes de contrefaçon des droits d'auteur sur la borne invoquée. L’ensemble de ses caractéristiques originales sont reproduites (finition brossée de la borne, dimensions exactes de ses éléments constitutifs), de sorte qu'il s'agit d'une reproduction servile.

La reproduction du nom du modèle constitue un acte de concurrence déloyale distinct des actes de contrefaçon, imputable à la société qui a fabriqué et vendu les produits litigieux, dès lors qu'elle crée un risque accru de confusion avec les produits de la société demanderesse.

Cour d’appel de Bordeaux, 1re ch. civ., 25 janv. 2022, 19/00369 (D20220020)
Ekip SELARL (Me L, en qualité de mandataire liquidateur de la Sté France Inox) c. Entreprise Soubestre SAS et Armar Architecture Maritime SARL
(Infirmation TGI Bordeaux, 1re ch., 27 nov. 2018, 15/08569)