Jurisprudence
Marques

Absence de renommée de la marque CORA pour les produits destinés au ménage et à la cuisine malgré la forte notoriété de l’enseigne éponyme

PIBD 1177-III-3
Cass. com., 5 janvier 2022

Atteinte à la marque de renommée - Preuve de la renommée - Forte notoriété de l’enseigne

Contrefaçon de marque - Imitation - Adjonction d’une syllabe finale - Impression d'ensemble différente - Risque de confusion

Atteinte à la dénomination sociale et au nom commercial - Forte notoriété de l’enseigne - Risque de confusion

Texte
Marque n° 1 274 805 de la société Cora
Marque n° 011 363 496 de la société Coravin
Texte

La cour d’appel a rejeté la demande formée au titre de l’atteinte à la renommée de la marque CORA. Elle a notamment relevé que la société Cora est une société ancienne et connue comme exploitant des hypermarchés et qu'elle jouit d'une forte notoriété sur sa zone de chalandise. Elle a toutefois retenu que les éléments versés aux débats étaient insuffisants pour justifier de la renommée de la marque éponyme auprès du public concerné par les produits qu'elle désigne, relevant en particulier qu'un sondage montre que les personnes interrogées n'associent pas, dans leur très grande majorité, l'enseigne à la marque, et qu'il n'est pas démontré que les dépenses de publicité sont consacrées à la marque plutôt qu'à l'enseigne. De ces constatations et appréciations, faisant ressortir que la renommée du signe « Cora », en tant qu'enseigne de la grande distribution, pour une partie significative du public, n'avait pas pour effet de conduire le public concerné à associer ce signe à une marque déposée pour désigner divers produits destinés au ménage et à la cuisine, la cour d'appel a pu exactement déduire que la renommée de la marque n'était pas établie pour ces produits visés à son enregistrement.

La cour d’appel a également rejeté la demande en contrefaçon de la marque CORA par le signe « Coravin » utilisé à titre de nom commercial, d’enseigne et de marque. Elle a retenu que la ressemblance visuelle, tenant à la reprise en attaque des lettres formant la marque CORA, est largement occultée par le fait qu'elles sont insérées dans un terme comportant trois lettres supplémentaires en finale dans le signe contesté et que, phonétiquement, cette adjonction modifie sensiblement la prononciation et la sonorité des signes. Intellectuellement, après avoir relevé que l'élément « cora » pouvait être perçu comme un nom sans signification particulière, même s'il peut directement renvoyer à un prénom féminin, évocation totalement inexistante dans le signe « Coravin », elle a estimé que ce dernier sera compris comme formant un tout dénué de sens particulier, même si vraisemblablement en lien avec le vin, compte tenu de la compréhension immédiate de son élément final. Elle a ajouté que la perception du signe « Coravin », présenté sans césure, n'incitera pas le public concerné à comprendre le signe contesté en deux termes « cora » et « vin », soit en une déclinaison du terme « cora ». Selon elle, cette perception renverra spontanément à la contraction de l'expression « cor à vin », usuelle tant en la forme que phonétiquement, même si le sens du mot « cor » voulue par l'inventeur du système Coravin n'est pas nécessairement compris comme signifiant « au cœur du vin », mais peut être perçu comme un terme de fantaisie. De ces constatations et appréciations, faisant ressortir qu'aux yeux du consommateur d'attention moyenne, l'impression d'ensemble résultant de la comparaison des signes opposés était suffisamment différente pour exclure tout risque de confusion, voire d'association, même pour des produits ou services similaires, la cour d'appel qui n'était pas tenue de répondre au moyen tiré de la connaissance de la marque première, inopérant dans la mesure où elle avait exclu toute similitude entre les signes, a légalement justifié sa décision.

Enfin, l'arrêt a retenu que si la dénomination sociale, le nom commercial et l'enseigne Cora sont connus en France dans le domaine de la grande distribution, il ne pouvait pour autant en être déduit qu'il existait un risque de confusion avec la dénomination « Coravin », dès lors que la comparaison des signes opérée au titre de la contrefaçon avait fait ressortir que les ressemblances relevées étaient insuffisantes pour établir l'existence d'un risque de confusion, voire d'association entre les signes en cause, y compris pour des produits identiques. Il a ajouté que la société poursuivie s'était fait connaître en France comme une société innovante dont la dénomination, comme les noms de domaine, correspondent au nom donné à son dispositif et ses accessoires, qu'elle a toujours présentés comme le fruit de ses propres recherches. Il a pu conclure, qu'en dépit de la connaissance de l'enseigne Cora sur le marché de la grande distribution, il n'existait pas de risque de confusion entre les dénominations sociales et noms commerciaux en présence.

Cour de cassation, ch. com., 5 janvier 2022, 19-22.673 (M20220004)
Cora SAS et Louis Delhaize Financière et de Participation SA c. Coravin Inc.
(Rejet pourvois c. CA Paris, pôle 5, 2e ch., 14 juin 2019, 17/21460 ; M20190168 ; PIBD 2019, 1121, III-382)