Jurisprudence
Marques

Recevabilité du licencié à agir en référé aux côtés du titulaire - Absence d’usage sérieux de la marque invoquée du fait de l’usage d’autres marques appartenant à une même famille

PIBD 1177-III-4
CA Paris, 17 décembre 2021

Recevabilité de la demande d’interdiction provisoire (oui) - Licencié exclusif - Qualité à agir - Action en contrefaçon aux côtés du titulaire de la marque - Droit de l’UE - Défaut d’inscription du contrat de licence au registre des marques

Interdiction provisoire (non) - Provision (non) - Contestation sérieuse - Caractère vraisemblable de l'atteinte aux droits sur la marque de l'UE - Usage sérieux (non) - Preuve - Usage à titre de marque - Exploitation de marques semi-figuratives enregistrées - Famille de marques

Texte
Marque de l’UE n° 009 828 518 de Soraya E
Marque  semi-figurative n° 3 816 487 de Soraya E
Marque semi-figurative n° 4 345 887 de Soraya E
Marque de l’UE n° 17785932 de Soraya E
Marque de l’UE n° 18 179 062 de Soraya E
Texte

La société licenciée de la marque de l’Union européenne SORAYA est recevable à agir en référé, conjointement avec le titulaire de la marque. En effet, tout licencié est recevable à intervenir dans la procédure en contrefaçon engagée par le titulaire de la marque afin d’obtenir réparation du préjudice qui lui est propre. Par ailleurs, selon la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, le licencié peut agir en contrefaçon bien que le contrat de licence n'ait pas été inscrit au registre des marques de l'Union européenne. Si l’accomplissement des formalités de publicité du contrat de licence est une condition d'opposabilité aux tiers de celui-ci, le défaut d'inscription au registre des marques de ce contrat n’ôte pas à la société licenciée sa qualité à agir en référé aux côtés du titulaire de la marque.

La demande en interdiction provisoire formée par la titulaire de la marque et la société licenciée est rejetée. Afin de justifier de l’usage sérieux de la marque verbale de l’Union européenne opposée, les demanderesses se prévalent de l’exploitation de plusieurs marques semi-figuratives. Ces dernières reproduisent intégralement l'élément distinctif « soraya » avec l'ajout d'un élément, graphique ou verbal, les différenciant les unes des autres et sont exploitées de manière indépendante de la marque invoquée pour désigner les maillots de bain et articles de plage. Ces différentes marques faisant partie d'une même série ou famille de marques, les demanderesses ne sont pas fondées à invoquer leur usage pour justifier celui de la marque opposée, dès lors que le but est d'établir l'utilisation d'un nombre suffisant de marques d'une même « famille »[1].

Cour d’appel de Paris, pôle 5, 2e ch., 17 décembre 2021, 20/17286 (M20210305)
Lou’ben GmbH Co. KG EURL et Soraya E c. Soraya GmbH

(Confirmation partielle TJ Paris, ordonnance de référé, 19 oct. 2020, 20/54429)

[1]  Cet arrêt est à rapprocher de l’arrêt Rintisch de la Cour de justice de l’Union européenne, qui, interprétant l’article 10, § 2, a), de la directive 89/104/CEE, a précisé que, dans le contexte particulier d’une « famille » ou d’une « série » de marques, «  l’usage d’une marque ne saurait être invoqué aux fins de justifier de l’usage d’une autre marque, dès lors que le but est d'établir l'utilisation d'un nombre suffisant de marques d'une mêmefamille’ » : CJUE, 3e ch., 25 oct. 2012, C-553/11, (M20120525 ; PIBD 2012, 973, III-779 ; Propr. industr., déc. 2012, p. 23, note d’A. Folliard-Monguiral ; Europe, déc. 2012, p. 33, note de L. Idot ; Comm. com. électr., déc. 2012, p. 22, note de C. Caron ; RLDA, 78, janv. 2013, p. 23, note de J. de Romanet ; Propr. industr., janv. 2014, p. 8, note de J. Passa). Cette solution a  notamment été appliquée par la Cour de cassation, dans le contexte de l'appartenance de la marque MICRO RAIN à une « famille » de seize marques composées autour du terme « Rain », utilisé comme suffixe ou préfixe : Cass. Com., 19 janv. 2016, Ocmis Irrigazione SpA et al. c. Otech SAS et al., 14-18.434 (M20160028 ; PIBD 2016, 1045, III-188 ; Dict. perm. droit des aff., bull., 817, mars 2016, p. 20, note de D. Roblin-Lapparra ; D, 18, 19 mai 2016, p. 1041, note d'A. Le Bras ; Europe, juill. 2016, p. 15, note de L. Leblond ; Propr. Intell., 60, juill. 2016, p. 362, note de J. Canlorbe).