Jurisprudence
Marques

Absence de risque de confusion entre les marques LE GALANGA et GALANGA BY MONSIEUR GEORGE visant des services de restauration - Caractère faiblement distinctif du terme « galanga » qui désigne une épice utilisée dans la cuisine asiatique

PIBD 1211-III-6
TJ Paris, 11 mai 2023

Contrefaçon de la marque (non) - Preuve - Renonciation à des marques contestées - Aveu judiciaire (non) - 1) Dépôt des marques - Usage dans la vie des affaires (non) - 2) Exploitation de la marque - Usage dans la vie des affaires (oui) - Imitation - Identité des services - Différence visuelle, phonétique et intellectuelle - Suppression de l’article - Terme commun évocateur - Caractère faiblement distinctif - Position distinctive autonome (non) - Droit de l’UE - Adjonction d’une expression - Élément dominant - Risque de confusion (non) - Public pertinent

Concurrence déloyale (non) - Fait distinct des actes argués de contrefaçon (non) - Risque de confusion (non) - Clientèle et secteur géographique différents - Parasitisme (non) - Pratiques commerciales trompeuses (non)

Texte
Marque n° 4 432 004 de la M. [B] [G]
Marque n° 4 786 454 de la société HN6 Signature
Texte

Une société qui exploite un restaurant thaïlandais sous le nom « le galanga » et son dirigeant, titulaire de la marque le galanga, enregistrée notamment pour les services de restauration, ont assigné en contrefaçon les sociétés défenderesses. La première exploite l’hôtel « Monsieur George » qui propose à ses clients un restaurant d’inspiration asiatique dénommé « Galanga » et la seconde a déposé les marques GALANGA, GALANGA PARIS et GALANGA BY MONSIEUR GEORGE pour désigner également les services de restauration.

La renonciation de la seconde société aux marques GALANGA et GALANGA PARIS dont elle était titulaire ne constitue pas un aveu judiciaire de l'existence de faits de contrefaçon au sens de l'article 1383-2 du Code civil. En effet, l'aveu ne peut résulter que de la reconnaissance en justice d'un fait par une partie et exige, de la part de son auteur, une manifestation non équivoque de sa volonté de reconnaître pour vrai un fait de nature à produire contre lui des conséquences juridiques, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.

Par ailleurs, les demandeurs ne rapportent pas la preuve que ces marques ont été utilisées dans la vie des affaires avant la renonciation. Or, un simple dépôt de marque ne peut constituer un acte de contrefaçon à défaut de démonstration d'un tel usage[1]. En effet, la demande d'enregistrement d'un signe en tant que marque ne constitue pas un acte de contrefaçon dès lors qu’une telle demande, même lorsqu'elle est accueillie, ne caractérise pas un usage pour des produits ou des services en l'absence de tout début de commercialisation de ceux-ci sous le signe et qu’en pareil cas, aucun risque de confusion dans l'esprit du public et, par conséquent, aucune atteinte à la fonction essentielle d'indication d'origine de la marque, ne sont susceptibles de se produire. La demande en contrefaçon ne peut donc prospérer concernant ces deux marques.

En revanche, la société défenderesse est toujours titulaire de la marque GALANGA BY MONSIEUR GEORGE qu'elle utilise pour désigner le service de restauration de l'hôtel « Monsieur George », ce qui constitue un usage dans la vie des affaires.

La marque seconde est une marque composée, visuellement plus longue que la marque première. Elle se distingue également sur le plan phonétique par des sonorités différentes. Le terme « galanga » se situe certes, dans la marque contestée, en position d'accroche à laquelle le consommateur accorde traditionnellement une attention plus importante. Cependant, en sa qualité d'épice utilisée en particulier dans la cuisine asiatique, il constitue un terme évocateur de cette cuisine du monde, et ne peut que conférer à la marque première une faible distinctivité pour désigner un service de restauration asiatique. Il en résulte que dans la marque seconde, le terme « galanga » perd sa position distinctive autonome au profit des termes « by Monsieur George », qui sont arbitraires pour désigner les services concernés et constituent l'élément dominant de cette marque. Ces termes mettent par ailleurs en évidence l'origine du service proposé comme un élément « signature », ce qui permet également de différencier sur le plan conceptuel la marque seconde de la marque première, qui ne fait que référence à l'épice.

Les signes en cause présentent ainsi de nettes différences tant sur les plans phonétiques et visuels que conceptuels, si bien qu'un risque de confusion dans l'esprit du public pertinent, composé du consommateur de produits de restauration, amateur de restaurants, en particulier de cuisine asiatique, apparaît exclu, ce consommateur étant en mesure de différencier l'origine des services couverts par les deux marques.

Tribunal judiciaire de Paris, 3e ch., 1re sect., 11 mai 2023, 21/14390 (M20230131)
Jin Hui SAS et M. [B] [G] c. GW Hôtel SASU et HN6 Signature SASU

[1] Deux arrêts de la Cour de cassation du 13 octobre 2021 ont marqué clairement un revirement de sa jurisprudence sur la question de savoir si un simple dépôt de marque constitue un acte de contrefaçon : Cass. com., 13 oct. 2021, Compagnie méditerranéenne des cafés SA c. Cafés Richard SA et al., 19-20.504, B20210070 ; PIBD 2021, 1170, III-2 avec une note ; D IP/IT, nov. 2021, p. 537, N. Maximin ; Propr. industr., févr. 2022, p. 60, P. Tréfigny ; Légipresse, 399, janv. 2022, p. 42, Y. Basire et V. Mauriac ; D IP/IT, mars 2022, p. 148, I. Hegedüs ; RTD com, 2, avr.-juin 2022, p. 249, J. Passa et Cass. com., 13 oct. 2021, Wolfberger - Cave Coopérative Vinicole d'Eguisheim SCA c. Cécile A et al., 19-20.504, M20210238 ; PIBD 2021, 1172, III-2 ; JCP E, 43-44, 28 oct. 2021, p. 16 ; Gaz. Pal., 38, 2 nov. 2021, p. 36 ; D IP/IT, nov. 2021, p. 537.