Validité de la marque verbale (oui) - Marques françaises et de l’UE antérieures - Identité des produits - Public pertinent - Consommateur d’attention élevée - Différences visuelle, phonétique et intellectuelle - Adjonction d’un mot d’attaque distinctif et dominant - Mot final commun - Position distinctive autonome (non) - Risque de confusion
Contrefaçon des marques verbales (non) - Différences visuelle et phonétique - Similitude intellectuelle - Adjonction d’une marque ombrelle - Substitution du mot d’attaque - Mot final commun - Position distinctive autonome (non) - Risque de confusion
Concurrence déloyale (non) - Atteinte à la dénomination sociale, au nom commercial et au nom de domaine - Fait distinct des actes de contrefaçon - Risque de confusion (non) - Parasitisme (non) - Volonté de se placer dans le sillage d’autrui et de profiter de ses investissements
La demande en nullité de la marque verbale française COURREGES COLOGNES IMAGINAIRES, désignant notamment les parfums, en raison de l’atteinte aux marques verbales françaises et de l’Union européenne antérieures LIQUIDES IMAGINAIRES, qui visent des produits identiques, est rejetée.
S’agissant d'une demande en nullité de marque, il convient de procéder à la comparaison entre les marques telles que déposées.
Pris dans leur ensemble, malgré la présence commune de l’adjectif « imaginaires » placé en position finale, les signes présentent des différences sur les plans visuel (« Courrèges Colognes » vs « Liquides » en position d’attaque), phonétique (rythmes et sonorités nettement distincts) et intellectuel. De ce dernier point de vue, en raison de la présence du mot « Courrèges » en position d'attaque, la marque litigieuse renvoie immédiatement à des eaux de Cologne de la maison de couture éponyme, tandis que les marques antérieures évoquent des éléments fluides créés en faisant appel à l'imagination.
Cette analyse est renforcée par la prise en compte des éléments distinctifs et dominants des signes. Ainsi, dans les marques antérieures, le terme « liquides » est peu distinctif, voire descriptif pour désigner les parfums, qui sont le plus souvent présentés sous une forme liquide à vaporiser. L’adjectif « imaginaires » est quant à lui souvent utilisé dans le domaine de la parfumerie, et largement utilisé dans la communication autour de ces produits, de sorte qu’il ne peut être considéré comme particulièrement distinctif pour les parfums, ni dominant, dans la mesure où il se rapporte directement au nom qui le précède et qu'il qualifie. Au contraire, dans la marque contestée, si les termes « colognes imaginaires » sont peu distinctifs, voire descriptifs pour la référence à l'eau de Cologne, le terme « Courrèges » est distinctif et dominant comme faisant immédiatement référence à la Maison de couture, dont la notoriété n’est pas contestée.
Le consommateur moyen des produits, soit le grand public, fait preuve d’un degré d'attention élevé lors de l’achat de parfums, bien que ces produits ne constituent plus nécessairement des produits de luxe, compte tenu de l'importance qu’il accorde à leur composition, packaging ou fragrance. Même s'il doit se fier à l'image imparfaite des marques qu'il garde en mémoire, il sait, sans doute possible, quand il achète un produit revêtu de la marque COURREGES COLOGNES IMAGINAIRES, qu'il s'agit d'un parfum de la marque Courrèges commercialisé par la maison Courrèges et non d'un produit d'une gamme d'eaux de Cologne de la marque LIQUIDES IMAGINAIRES ou de la société du même nom.
La société demanderesse ne peut être suivie lorsqu'elle soutient que le terme « imaginaires » conserverait une position distinctive autonome dans la marque contestée. En effet, si les marques en litige ont en commun le terme « imaginaires », qui est le seul terme repris dans la marque seconde, ce composant n'est pas susceptible de dominer à lui seul l'image de la marque COURREGES COLOGNES IMAGINAIRES, que le public pertinent garde en mémoire. En effet, les autres composants de cette marque ne sont nullement négligeables dans l'impression d'ensemble qu’elle produit.
Il résulte, en conséquence, de la comparaison globale des signes en présence, nonobsant l'identité des produits visés, qu'il n'existe pas de risque de confusion ente la marque contestée COURREGES COLOGNES IMAGINAIRES et les marques antérieures LIQUIDES IMAGINAIRES.
La demande en contrefaçon des marques LIQUIDES IMAGINAIRES est également rejetée.
La contrefaçon s'apprécie en comparant les marques invoquées telles qu'enregistrées et le signe litigieux tel qu'exploité en pratique.
En l’espèce, la marque COURREGES COLOGNES IMAGINAIRES n'est pas utilisée telle que déposée par les sociétés défenderesses. En effet, les éléments « Colognes Imaginaires » sont isolés sur les affiches, emballages et étiquettes apposées sur les produits qu’elles commercialisent, et mis en avant par une police de taille plus importante sur les flacons d'eaux de Cologne, l'ordre des termes étant en outre inversé sur ces derniers, l'élément « Courrèges » étant placé en position finale. De plus, la marque ombrelle « Courrèges » est toujours présente, les termes « Colognes Imaginaires » n'étant jamais employés seuls. A ce titre, le fait que certains opérateurs tiers puissent faire usage des seuls termes « Colognes Imaginaires », sans la marque ombrelle, n'est pas imputable aux sociétés défenderesses.
Par ailleurs, les éléments « Colognes Imaginaires » revêtent un rôle central dans la présentation des produits et leur désignation auprès du public pertinent et remplissent, en ce sens, la fonction de garantie d'origine attribuée à la marque en permettant au consommateur de les distinguer parmi une gamme plus large de parfums de la même collection. En effet, le signe « Courrèges » ainsi présenté sur ces visuels ne fait figure que de marque ombrelle. Le public pertinent des parfums, étant habitué à ce que ces produits portent une double référence, dont une marque ombrelle, porte son attention spécifiquement sur le signe identifiant un parfum particulier.
La comparaison visuelle, phonétique et conceptuelle doit donc s'opérer sur les seuls termes « Colognes Imaginaires », la marque ombrelle ayant vocation à être prise en compte au stade de l'appréciation d'un éventuel risque de confusion.
Il résulte de cette comparaison que les signes, pris dans leur ensemble, présentent certaines différences sur les plans visuel et phonétique. Conceptuellement, l'emploi du terme « Imaginaires » au pluriel, fait référence dans les deux signes au côté imaginé, inventé, poétique et créatif des produits concernés, mais il est utilisé comme un adjectif se rapportant aux noms qui le précèdent, de sorte que la similitude conceptuelle est moyenne.
Cette analyse est renforcée par la prise en compte des éléments distinctifs et dominants des signes. À cet égard, comme il a été vu plus haut, l'adjectif « imaginaire » ne peut être considéré comme particulièrement distinctif pour des parfums, ni dominant. En outre, si le terme « colognes » est largement descriptif des eaux de Cologne qu'il désigne, conférant au signe seconde « colognes imaginaires » une distinctivité assez faible, la même analyse doit être faite pour les marques invoquées, dès lors que le terme « liquides » est pareillement évocateur, si ce n'est descriptif des parfums.
Ainsi, la proximité conceptuelle des signes ne peut être considérée comme particulièrement significative pour le public pertinent à l'attention un peu plus élevée, qui sera naturellement porté à associer l'univers du parfum à l'imaginaire au sens large. Il sera en outre porté, en présence de deux signes proches, à davantage s'attarder sur les différences existant pour mieux les distinguer, et ce d'autant que sur l'ensemble des usages incriminés, les termes « Colognes Imaginaires » ne sont jamais présentés seuls mais toujours et systématiquement associés à la marque ombrelle « Courrèges » nettement visible et mise en valeur par une présentation spécifique.
Ainsi, le consommateur moyen des produits, même s'il est habitué à voir figurer une double référence sur ce type de produits, sait, sans nul doute possible, que quand il achète le produit « Colognes Imaginaires », il ne s'agit pas d'un parfum de la marque LIQUIDES IMAGINAIRES ou de la société du même nom.
En outre, le terme « Imaginaires » ne conserve pas une position distinctive autonome au sein du signe contesté tel qu'exploité, pour les mêmes raisons qu’évoquées au titre de la demande en nullité.
Il résulte ainsi de la comparaison globale des signes en présence qu'il n'existe pas de risque de confusion entre le signe contesté COLOGNES IMAGINAIRES et les marques antérieures LIQUIDES IMAGINAIRES, l'omniprésence de la marque ombrelle « COURREGES » venant encore davantage écarter tout risque de confusion.
Cour d’appel de Paris, pôle 5, 1re ch., 25 septembre 2024, 22/11173 (M20240217)
Liquides Imaginaires SAS c. Courrèges Parfums SAS et Courrèges Distribution SAS
(Confirmation TJ Paris, 3e ch., 2e sect., 22 avr. 2022, 20/12008 ; M20220351)
[1] Dans une affaire précédente, le tribunal judiciaire de Paris a jugé qu’il existait un risque de confusion entre la marque verbale DIVINE, qui désigne des produits de parfumerie, et le signe « GAULTIER DIVINE » utilisé sur des emballages et sur le site internet de la société poursuivie pour désigner des produits identiques ou fortement similaires, dans lequel le mot « divine » conserve une position distinctive autonome (TJ Paris, 3e ch., 2e sect., 1er déc. 2023, M. [Y] [M] et al. c. Puig France SAS, 23/11158 ; M20230262 ; PIBD 2024, 1220-III-3, avec une note sur les décisions récentes des juridictions françaises traitant de la notion de position distinctive autonome).