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Annulation d’un dessin ou modèle communautaire fondée sur l’atteinte à une marque nationale antérieure (EUIPO, 3e ch. recours, 14 déc. 2023, aff. R. 1016/023-3)

PIBD 1218-IV-1
Par Maxime Bessac, responsable du pôle juridique de l'INPI
Texte

Par Maxime Bessac, responsable du pôle juridique de l'INPI

DMC n° 3 438 852-0001
Marque roumaine n° 142 285

                                                                          

L’article 25 du règlement (CE) n° 6/2002 du Conseil du 12 décembre 2001 sur les dessins ou modèles communautaires énumère les motifs de nullité, et prévoit la nullité d’un dessin ou modèle communautaire (DMC) s’il est fait usage d’un signe distinctif antérieur et que le droit communautaire ou la législation de l’État membre concerné régissant ce signe confère au titulaire du signe le droit d’interdire cette utilisation. La décision1 rendue par la 3ème chambre de recours le 14 décembre 2023 est l’occasion de revenir sur l’examen par l’EUIPO de ce motif.

Dans cette affaire, une société roumaine titulaire de différentes marques nationales KRAX a formé une demande en nullité d’un DMC enregistré au nom d’une société turque et incorporant un élément verbal « CRAX ».

L’EUIPO rappelle en premier lieu que l’article 25 exige qu’il soit « fait usage » du signe distinctif dans le DMC. Une demande en nullité ne peut aboutir que si le public pertinent considérera que, dans le DMC, il est fait usage du signe distinctif invoqué à l’appui de la demande en nullité (TUE, 12 mai 2010, T-148/08, point 1052). Pour autant, l’article 25 n’implique pas nécessairement la reproduction intégrale du signe distinctif antérieur, et l’usage du signe peut être caractérisé quand bien même certains éléments du signe seraient absents ou ajoutés dans le DMC, a fortiori lorsque les éléments omis ou ajoutés sont d’une importance secondaire (même arrêt, point 50).

En l’espèce, tant la marque antérieure que le DMC contesté comportent le « même élément verbal » malgré une différence au niveau de la première lettre (KRAX/CRAX), il est donc possible de considérer qu’il y a bien un usage du signe dans le DMC.

La chambre de recours de l’EUIPO rappelle ensuite que lorsqu’un signe distinctif est utilisé dans un DMC enregistré, il est considéré que « l’usage a lieu dans la vie des affaires, pour les produits dans lesquels le dessin ou modèle contesté est destiné à être incorporé ou auxquels il est destiné à être appliqué ». Il s’agit de l’indication de la destination du DMC, condition à laquelle tout dépôt de DMC doit satisfaire (art. 36 du règlement). Bien que cette indication ne « porte pas atteinte à l’étendue de la protection du dessin ou modèle en tant que tel » (même article), elle révèle ici toute son importance.

Le titulaire du DMC a indiqué, lors du dépôt, qu’il était destiné à des « sacs [emballages] (ornementation pour-) », tandis que la marque roumaine invoquée est enregistrée pour différents produits dont les « préparations faites de céréales » en classe 30, ce qui permet à l’EUIPO de considérer les produits comme étant similaires en raison de leur lien de complémentarité, les premiers étant destinés à l’emballage de produits alimentaires tels que des snacks. Il est intéressant de noter que l’EUIPO conclut à la destination alimentaire du DMC en prenant en compte les autres éléments graphiques et en particulier la représentation de bâtonnets (snack sticks). En effet, au-delà de l’indication de sa destination, l’EUIPO prend également en compte le DMC lui-même, dans la mesure où il précise la nature du produit, sa destination ou sa fonction (TUE, 18 mars 2010, T-9/07, point 563).

L’EUIPO procède enfin à une appréciation classique du risque de confusion, ici caractérisé au regard notamment du degré d’attention moyen du consommateur, du caractère distinctif intrinsèque normal de la marque antérieure, de la similarité des produits en cause et des similitudes entre le signe antérieur et le DMC aux plans phonétique et visuel, le terme distinctif CRAX étant l’élément dominant au sein du DMC. Un consommateur confronté au DMC apposé sur des emballages de produits alimentaires pourrait dès lors supposer que les produits proviennent de la société roumaine, ce qui justifie l’annulation du DMC contesté.

1 EUIPO, 3e chambre de recours, 14 déc. 2023, aff. R. 1016/023-3
2 Cf. PIBD 2010, 925, III-629.
3 Cf. PIBD 2010, 921, III-463.