Jurisprudence
Dessins et modèles

Annulation d’un modèle de porte-clés composé d’une tour Eiffel et de pampilles - Divulgation notamment dans le catalogue d’un fournisseur chinois du défendeur

PIBD 1191-III-8
CA Paris, 14 septembre 2022

Validité du modèle (non) - Nouveauté - Divulgation - Antériorités - Connaissance par les professionnels du secteur - Caractère propre - Impression visuelle d'ensemble - Observateur averti - Liberté laissée au créateur

Validité du modèle (oui) - Nouveauté - Divulgation au public - Antériorité d'un modèle du défendeur - Connaissance par les professionnels du secteur - Caractère propre

Contrefaçon (oui) - Reproduction des caractéristiques - Dimensions - Différences mineures - Couleur - Impression visuelle d'ensemble

Préjudice - Dommages-intérêts - Quantité limitée de produits contrefaisants

Texte
Modèle n° 20 165 402 de la société Happy Days in Paris
Modèle n° 20 173 903 de la société Happy Days in Paris
Texte

Selon l'article L. 511-6 du CPI, un modèle est réputé avoir été divulgué s'il a été rendu accessible au public par une publication, un usage ou tout autre moyen. Il n'y a pas divulgation lorsque le modèle n'a pu être raisonnablement connu, selon la pratique courante des affaires dans le secteur intéressé, par des professionnels agissant dans la Communauté européenne, avant la date du dépôt de la demande d'enregistrement.

Le premier modèle de porte-clés revendiqué, composé d’une tour Eiffel en métal, d’un macaron et d’un nœud vichy, est dépourvu de nouveauté. Le catalogue d’une société chinoise versé aux débats établit qu’un modèle de porte-clés comportant en guise de pampilles une tour Eiffel avec des strass et un macaron rose assorti d'un nœud vichy rose et blanc, identique au modèle invoqué, a été divulgué antérieurement à la date de dépôt de la demande d'enregistrement de ce modèle. Les catalogues, attestation et fiches techniques du fournisseur chinois de la société poursuivie présentent, par ailleurs, des porte-clés très proches. La seule différence de détail réside dans l’ajout d’une pampille en forme d’Arc de triomphe, plus petite et moins visible que la tour Eiffel et le macaron. En tout état de cause, l’impression visuelle d'ensemble produite sur l'observateur averti par le modèle n'est pas différente de celle qui se dégage de ces porte-clés, alors que la liberté laissée au créateur dans la réalisation d'un porte-clés fantaisie est très importante.

La société demanderesse ne peut soutenir que le modèle présenté dans le catalogue du fournisseur de la société poursuivie ne pouvait être raisonnablement connu par les professionnels du secteur. En effet, les catalogues, bien que rédigés en anglais, s'adressent manifestement à l'ensemble des opérateurs du secteur du marché des souvenirs, notamment d'Europe, qui se fournissent principalement en Chine et se tiennent raisonnablement informés des tendances proposées. La société demanderesse revendique d’ailleurs, sur son site internet, être une experte des tendances du marché du souvenir.

Le second modèle invoqué est nouveau. Le dépôt Fidealis produit par la société poursuivie, portant sur un porte-clés présentant les mêmes caractéristiques que le modèle invoqué, ne peut constituer une divulgation au sens de l’article L. 511-6 précité. En effet, aucun élément ne vient établir qu'il a été rendu accessible au public par une publication, un usage ou tout autre moyen et qu'il a été raisonnablement connu par les professionnels du secteur concerné.

La contrefaçon de ce modèle est constituée. Le porte-clés incriminé présente les mêmes caractéristiques (tour Eiffel métallique et strassée, chaînette sur laquelle sont répartis cinq charms en forme de cœur, de couleur rouge, bleue ou blanche, sur lesquels sont apposées les lettres du mot « Paris ») et les mêmes proportions que le modèle enregistré. Les différences de détails tenant à la couleur du métal (argenté pour le modèle et doré pour le produit litigieux) et à la répartition de la couleur des charms n'altèrent pas l’impression visuelle d'ensemble identique qui se dégage du modèle enregistré et du produit incriminé.

Cour d’appel de Paris, pôle 5, 1re ch., 14 septembre 2022, 19/07484 (D20220051)
Aker SARL et Souvenirs de Rivoli SARL c. Happy Days In Paris SARL

(Infirmation TJ Paris, 3e ch., 3e sect., 29 mars 2019, 18/02536, D20190064)