Jurisprudence
Marques

Atteinte à la renommée et contrefaçon des marques de l’UE FACEBOOK par l’exploitation d’un site de rencontres pour adultes

PIBD 1195-III-5
CA Paris, 28 octobre 2022

Atteinte aux marques verbales de renommée de l’UE (oui) - Intensité de la renommée - Caractère distinctif intrinsèque - Similitude visuelle, phonétique et intellectuelle - Similarité des services - Public pertinent - Lien entre les marques - Dépréciation (oui) - Volonté de tirer indûment profit de la renommée des marques (oui) - Dilution (non) - Modification du comportement économique du consommateur - Juste motif (non)

Contrefaçon des marques verbales et figurative de l’UE (oui) - Imitation - Logos - Similitude visuelle, phonétique et intellectuelle - Similarité des services - Risque de confusion ou d’association - Déclinaison

Recevabilité de l’action en concurrence déloyale (oui) - Intérêt à agir - Prescription quinquennale - Demande nouvelle en appel

Concurrence déloyale (oui) - Atteinte au nom commercial et au nom de domaine - Fait distinct des actes de contrefaçon - Risque de confusion - Parasitisme (oui) - Volonté de profiter des investissements et de la notoriété d'autrui - Imitation du site internet

Texte
Marque n° 004 535 381 de la société Meta Platforms, Inc. (anciennement Facebook, Inc.)
Marque n° 009 724 774 de la société Meta Platforms, Inc. (anciennement Facebook, Inc.)
Texte

L’usage des signes verbal et semi-figuratif « Fuckbook » pour désigner un site internet porte atteinte à la renommée des marques verbales de l’Union européenne FACEBOOK. Il est établi que ces marques jouissent d’une intense renommée en France et dans l’Union européenne en ce qu’elles visent les services en lien avec un réseau social et qu’elles présentent un caractère distinctif intrinsèque pour ces services.

Les signes contestés sont composés de l'expression « Fuckbook » inscrite, pour le signe semi-figuratif, en lettres de couleur blanche dans un cartouche noir, la lettre « f » présentant une calligraphie particulière. Si les syllabes d’attaque des signes en cause peuvent avoir une évocation différente, la seconde ayant une connotation sexuelle comprise du public que ne comporte pas la première, elles sont associées au même suffixe « book » pour former, chacune, une expression de consonance anglaise dépourvue de signification. Les quelques différences entre ces syllabes ne sont donc pas de nature à écarter les grandes ressemblances entre les signes pris dans leur ensemble, tant au plan visuel que phonétique ou conceptuel.

Les services en présence (réseau social et site internet avec la création d’un profil pour la mise en relation de personnes) appartiennent à la même catégorie des réseaux sociaux et doivent donc être considérés comme ayant des nature, fonction et destination proches. Le fait que le site internet s'adresse à un public plus restreint, que le réseau social, destiné au grand public, est insuffisant pour considérer que ces services sont différents. Par ailleurs, le critère d’origine commune des services en cause est indifférent s’agissant de l’appréciation de l’atteinte à des marques de renommée. Le public concerné est donc le public qui utilise les réseaux sociaux, quel que soit les fins auxquelles il l’utilise.

Il résulte de ces éléments que ce public fera un lien entre les signes litigieux, utilisés pour des services de rencontres à caractère sexuel en réseau et les marques, ce qui ternit la renommée de ces dernières, leur titulaire ayant fait le choix de ne pas laisser diffuser sur son réseau social des contenus à caractère sexuel explicite. Il en découle une dépréciation de l'image positive des marques. De même, la société défenderesse s'approprie leur caractère attractif et leur pouvoir publicitaire et tire indûment profit de leur renommée. En revanche, l'usage des signes litigieux n’emporte pas dilution des marques, faute pour la société demanderesse d'établir une modification du comportement économique du consommateur moyen des services en cause consécutivement à l'usage des signes critiqués. Enfin, la société défenderesse ne peut invoquer un juste motif tiré d'une coexistence paisible des signes pendant plusieurs années. En effet, les usages antérieurs du signe litigieux pour des sites pour adultes ne sont pas avérés en France ou sont le fait de tiers dont il n'est pas démontré qu'ils aient un lien avec elle.

La contrefaçon par imitation des marques verbales et figurative de l’Union européenne FACEBOOK est également constituée. Les marques verbales et le signe litigieux, sous sa forme verbale et semi figurative, présentent des grandes ressemblances visuelles, auditives et conceptuelles. Il en est de même s’agissant de la marque figurative invoquée et du signe semi-figuratif contesté. Les logos ont en commun la lettre « f » stylisée de couleur blanche inscrite dans un carré de couleur. Les différences tenant à la couleur du carré, la calligraphie et la position du « f » ne sont pas de nature à écarter les ressemblances entre les signes, le public pertinent pouvant être amené à croire que le logo critiqué est une déclinaison de la marque antérieure. La circonstance que ces icônes informatiques symbolisant un site web soient couramment utilisées est indifférente.

Cour d’appel de Paris, pôle 5, 2ch., 28 octobre 2022, 20/16611 (M20220282)
Cargo Média AG c. Meta Platforms Inc. (anciennement Facebook Inc.)

(Confirmation TJ Paris, 3e ch. 1re sect., 6 août 2020, 16/10973)