Jurisprudence
Dessins et modèles

Cession implicite des droits d’auteur sur des modèles invoqués au soutien d’une action en contrefaçon

PIBD 1190-III-7
CA Bordeaux, 15 mars 2022

Action en contrefaçon de droits d’auteur et de modèles - Recevabilité (non) - Créateur - Titularité des droits d’auteur (non) - Protocole d’accord relatif à une prise de participation dans une société - Cession des droits d’auteur - Existence d’une cession après l’expiration du protocole (oui) - Cession implicite - Preuve

Texte

La cour d’appel de Bordeaux reconnaît la possibilité d’une cession de droits implicite sur des modèles déposés et non déposés. Le créateur des modèles de luminaires invoqués est irrecevable à agir en contrefaçon à défaut d’être titulaire des droits d’auteur qu’il revendique.

En effet les dispositions de l’article L. 131-3 du CPI, relatives au formalisme de la cession de droits d’auteur, ne visent que les seuls contrats énumérés à l'article L. 131-2[1], alinéa 1er, à savoir les contrats de représentation, d'édition et de production audiovisuelle qui doivent être constatés par écrit, et ne s'appliquent pas aux autres contrats. Il s'ensuit que la cession d'exploitation sur des modèles n'est soumise à aucune exigence de forme et que la preuve peut en être rapportée selon les prescriptions des articles 1341 à 1348 du Code civil, devenus les articles 1359 à 1362, auxquelles l'article L. 131-2, alinéa 2, renvoie expressément[2].

En l’espèce, le demandeur a signé un protocole d’accord qui a organisé l'entrée partielle d’une société tierce dans le capital de sa société. Aux termes de cette convention, il autorisait la société qu’il dirigeait à exploiter à titre gracieux, pour une durée limitée, tous les modèles qu’il avait déposés en son propre nom et s’engageait à ce qu’ensuite, tous les nouveaux modèles soient déposés au nom de la société. Il était également stipulé que les modèles déposés au nom du demandeur, dont la société avait l’usage exclusif à titre gracieux, lui seraient cédés pour le prix d’un euro symbolique.

Après l’expiration du protocole, devenu caduc, le demandeur a déposé, au nom de la société, divers modèles de luminaires auprès d’une société privée afin de donner date certaine aux créations. Il a également effectué, auprès de l’INPI, un dépôt de plusieurs modèles à son propre nom et déposé des enveloppes Soleau. La société a continué d'exploiter les modèles créés par le demandeur sans que celui-ci exige une contrepartie financière et sans qu'aucune convention écrite régisse les droits d'auteur attachés à ces modèles, qu’ils soient déposés ou non.

Le demandeur ne reconnaît qu'une autorisation d'exploitation octroyée à titre gratuit. Cependant, l'existence d'une mise à disposition gratuite et temporaire est contredite tant par les termes du protocole d'accord que par les dépôts de modèles ultérieurs et l'absence de mention du nom du demandeur dans la plupart des catalogues commerciaux. La société, dont le demandeur est resté longtemps le dirigeant associé, a été créée par lui afin d'exploiter ses créations, ce qu'elle a fait avec son assentiment et sans autre contrepartie financière que sa rémunération de dirigeant.

Il se déduit de tous ces éléments la preuve de la cession des droits d'exploitation sur les modèles litigieux à la société.

Cour d’appel de Bordeaux, 1re ch. civ., 15 mars 2022, 19/02176 (D20220023)
Corep SAS et Marketset SAS c. Christophe L.
(Infirmation TGI Bordeaux,1re ch, 16 avril 2019, 17/01800)

[1] La cour d’appel applique l'article L. 131-2 du CPI dans une version antérieure à la loi n° 2016-925 du 7 juillet 2016 qui l’a modifié en étendant, à l’alinéa 2, l’exigence d’un écrit pour constater l’existence du contrat à tout contrat par lequel « sont transmis des droits d'auteur ».

[2] Cf. Cass. 1re civ., 21 nov. 2006, Emmanuel C c. EOS SA, 05-19.294 (D20060172 ; PIBD 2007, 846, III-123).