Jurisprudence
Marques

Charge de la preuve de l’usage sérieux d’une marque dans le cadre d’une action en déchéance

PIBD 1180-III-1
CJUE, 10 mars 2022

Action en déchéance de la marque - Usage sérieux - Droit de l’UE - Charge de la preuve - Compétence des États membres - Règle procédurale nationale obligeant le demandeur à effectuer une recherche sur le marché concernant l’usage de la marque

Texte

La demande de question préjudicielle a été présentée dans le cadre d’une procédure de déchéance de marque pour non-usage devant les tribunaux allemands. Le droit allemand met à la charge du demandeur à une action en déchéance l’exposé des faits, c’est-à-dire l’exposé de manière étayée des éléments factuels tendant à démontrer le non-usage de la marque. La juridiction de renvoi a saisi la Cour de justice de l’Union européenne d’une question préjudicielle sur l’interprétation de l’article 19 de la directive (UE) 2015/2436. Elle s’interroge sur la conformité du droit allemand au droit européen en matière de charge de la preuve du non-usage de la marque.

La question de la charge de la preuve de l’usage sérieux d’une marque, au sens de l’article 19, §1, de la directive précitée, ne constitue pas une disposition de procédure relevant de la compétence des États membres. En effet, si tel était le cas, il pourrait en résulter, pour les titulaires de marques, une protection variable en fonction de la loi concernée, de sorte que l’objectif d’une « même protection dans les systèmes juridiques de tous les États membres », visée au considérant 10 de la directive et qualifié d’« essentiel » par celui-ci, ne serait pas atteint.

Il incombe au titulaire de la marque de rapporter la preuve de l’usage sérieux de celle-ci au sens de la directive. Ce principe n’est qu’une application du bon sens et traduit une impératif élémentaire d’efficacité procédurale. En effet, c’est le titulaire de la marque contestée qui est le mieux à même de rapporter la preuve des actes concrets permettant d’étayer l’affirmation selon laquelle sa marque a fait l’objet d’un usage sérieux. Le risque de prolifération des demandes abusives de déchéance pour non‑usage et le risque que ces procédures entrainent la divulgation des secrets commerciaux du titulaire de la marque, évoqués par la juridiction de renvoi, n’a pas d’incidence sur cette interprétation.

En conséquence, l’article 19 de la directive (UE) 2015/2436 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une règle procédurale d’un État membre qui, dans une procédure de demande de déchéance pour non‑usage d’une marque, impose à la partie demanderesse d’effectuer une recherche sur le marché concernant l’éventuel usage de cette marque par son titulaire et de présenter à cet égard, dans la mesure du possible, des observations étayées à l’appui de sa demande.

Cour de justice de l’Union européenne, 10e ch., 10 mars 2022, C-183/21 (M20220078)[1]
Maxxus Group GmbH & Co. KG c. Globus Holding GmbH & Co. KG
(
Décision préjudicielle)

[1] Dans le présent arrêt, la Cour de justice de l’Union européenne confirme sa jurisprudence en matière de charge de la preuve de l’usage sérieux d’une marque. Voir notamment : CJUE, 4e ch.,  22 oct. 2020, C-720/18 et C-721/18 (M20200235 ; PIBD 2020, 1149, III-3) ; CJUE, 4e ch., 26 sept. 2013, C609/11 P et C610/11 P (M20130800 ; PIBD 2014, 999, III-95 ; Propr. Industr., déc. 2013, p. 28, note de A. Folliard-Monguiral). Le principe selon lequel c’est au titulaire de la marque contestée de prouver qu’il n’est pas susceptible d'être déchu de ses droits sur celle-ci, et donc qu’il en fait un usage sérieux pendant une période ininterrompue de cinq ans, est également retenu par le droit français et résulte, désormais, non plus de l’article L. 714-5 al. 5 du CPI mais de son article L. 716-3-1, tel qu’issu de l’ordonnance n° 2019-1169 du 13 novembre 2019.