Jurisprudence
Marques

Concurrence déloyale non caractérisée par la reprise de l’univers des oliviers et de la Provence dans des publicités pour des cosmétiques vendus sous la marque LA PROVENÇALE BIO

PIBD 1204-III-4
CA Paris, 1er mars 2023, avec une note de Cécile Martin

Concurrence déloyale (non) - Imitation de la publicité - Risque de confusion entre les marques - Thème commun - Banalité

Parasitisme (non) - Volonté de s'inscrire dans le sillage d'autrui - Volonté de profiter des investissements et de la notoriété d'autrui - Reprise d'une idée

Procédure abusive (non) - Dénigrement (non) - Publicité donnée à la procédure - Presse - Réseau social

Texte

La société demanderesse produit et distribue des produits cosmétiques naturels sous la marque Le Petit Olivier depuis 2003. Elle reproche à la société défenderesse, qui a déposé en 2018 la marque La Provençale Bio, la diffusion d’une publicité télévisuelle reprenant de nombreux éléments de deux de ses campagnes publicitaires. Selon elle, le fait de lancer des produits directement concurrents sous cette marque, en reprenant l'atmosphère, les images et le style très particuliers de ses publicités, constitue un acte de concurrence déloyale. Les éléments communs seraient susceptibles de créer chez le consommateur une confusion ou, à tout le moins, une association entre les deux marques, celui-ci pouvant penser que les produits concernés par les publicités sont issus d'une même gamme.

Cependant, les reprises incriminées, à savoir un olivier au milieu d'une oliveraie dans le premier plan, ensuite une jeune femme châtain clair, vêtue de blanc, avec les cheveux mi-longs ondulés en plan serré au milieu des oliviers, puis un plan sur sa main attrapant une branche d'olivier, puis un plan serré sur la jeune femme assise se touchant le visage, enfin cette même jeune femme dans une balancelle suspendue à un olivier de forme arrondie et en osier, sont pour l'essentiel des éléments banals d'une communication publicitaire centrée sur la composition à base d'huile d'olive de produits cosmétiques. Sont en effet montrés, comme dans un spot plus ancien d’un autre acteur du marché, des oliviers, la cueillette des olives, les bienfaits du produit en terme de douceur sur le visage, ainsi qu'une image de la douceur de vivre dans le soleil du Sud représentée notamment par une balancelle ou un hamac. Le fait de terminer le film publicitaire par un visuel des produits est également banal, tout comme le choix d'un fond clair permettant de les mettre en valeur, la présence de l'ombre de feuilles d'oliviers étant, quant à elle, à peine perceptible et, en tout état de cause, traitée différemment. Par ailleurs, ces images ne sont pas les seules du film incriminé, lequel comprend d’autres éléments marquants totalement étrangers aux films invoqués.

La société demanderesse a également diffusé sur Internet un film sur les producteurs d'olives avec lesquels elle travaille. Elle reproche à la société défenderesse d'avoir diffusé deux vidéos reprenant le concept de mettre en avant le moulinier, qui est la personne qui extrait l'huile des olives. Toutefois, cette société est libre de présenter les étapes de fabrication d'un des composants de ses produits, comme le font de nombreux acteurs du secteur cosmétique. De plus, les éléments prétendument communs, à savoir un champ d'oliviers, le visuel du professionnel sur un fond d'oliviers, l'inscription de son nom et de sa profession, ainsi que les images de cueillette d'olives et de paniers remplis d'olives, sont banals pour communiquer sur les récoltes d'olives en Provence, à partir desquelles sont produites l'huile utilisée dans les produits cosmétiques.

Le prétendu risque de confusion est d'autant moins avéré que les films publicitaires de la société demanderesse ont été diffusés à la télévision de 2011 à 2014, soit plus de quatre ans avant la diffusion du spot incriminé et qu’elle ne conteste pas avoir choisi depuis 2016 d'autres axes de communication, dénués de toute référence à l'olive ou à la Provence. Les films invoqués sont certes toujours présents sur les réseaux sociaux, mais avec un nombre de vues tout à fait réduit pour un produit de grande consommation. Enfin, les articles d'un journaliste ou les commentaires des internautes, opérant des rapprochements entre les films en cause pour en souligner les ressemblances, ne peuvent fonder la démonstration d'un risque de confusion fautif susceptible de constituer un acte de concurrence déloyale.

Aucun acte de parasitisme n'est non plus caractérisé, la société demanderesse échouant à démontrer la valeur économique individualisée qui aurait été indûment captée par la société défenderesse. Ainsi, les éléments du film publicitaire et des vidéos incriminés, pris isolément et dans leur ensemble, sont des idées publicitaires communément répandues pour communiquer sur l'un des ingrédients d'un produit cosmétique, à savoir l'huile d'olive. La société demanderesse ne démontre pas que les éléments de ses films qu'elle invoque s'accompagnent d'une importante notoriété acquise par la marque, ni qu'ils participent fortement à la construction d'une identité visuelle spécifique, reprise d'année en année.

Cour d'appel de Paris, pôle 5, 1re ch., 1er mars 2023, 21/05308 (M20230031 ; Propr. industr., mai 2023, comm. 33, J. Larrieu)
La Phocéenne de Cosmétique SAS c. L'Oréal SA
(Confirmation T. com. Paris, 8 févr. 2021, 2019026356)

Titre
NOTE :
Texte


Sur le grief relatif à la reprise des mêmes codes de communication publicitaire ou de présentation des produits, soulevé sur le fondement de la concurrence déloyale ou du parasitisme, voir notamment les décisions suivantes rendues dans des litiges où étaient également invoqués des droits de propriété intellectuelle :

- CA Paris, pôle 5, 1re ch., 21 sept. 2022, Établissements Marius Fabre Jeune SAS c. Brunel Chimie Dérivés SAS et al., 20/01532 (B20220072 ; PIBD 2022, 1194, III-2) :

« [...] la société Marius Fabre, qui fonde ses demandes uniquement sur le parasitisme, ne justifie pas de l’existence d’une valeur économique fruit d’investissements particuliers [...], s’agissant du lancement d’une gamme de savon noir liquide à l’huile de grignons d’huile d’olive, dont il a déjà été vu qu’il ne bénéficie pas d’une protection au titre de la propriété intellectuelle, dans un conditionnement assez usuel en aspect et en volume, soit en tube, bouteille d’un litre puis bidon de cinq litres, alors que les produits commercialisés par la société Brunel Chimie présentent un visuel et des éléments de communication différents qui sont pour certains très anciens et notamment l’emploi du visuel de la ménagère des années 50. En outre, le fait de mettre en avant les mêmes utilisations du savon noir ou les mêmes recettes ou mode d’emploi courantes et basiques selon les emplois envisagés (ménage, jardin...) ne saurait être qualifié de comportement suiviste, s’agissant d’usages anciens et traditionnels que la société Marius Fabre ne peut s’accaparer.

C’est en conséquence à juste titre que le tribunal en a déduit qu’aucune reprise fautive ne peut être retenue du fait de la présentation des articles de la société Brunel Chimie, qui de la même façon que beaucoup de ses concurrents du même secteur, remet au goût du jour des produits ménagers traditionnels considérés comme plus naturels et respectueux de l’environnement, et a débouté la société Marius Fabre des demandes formulées à ce titre. » ;

- TGI Paris, 3e ch., 3e sect., 12 juill. 2013, Laboratoire Nuxe SAS  c. Lascad SNC et al., 13/05544 (M20130422 ; PIBD 2013, 992, III-1479) :

« Les conditionnements des soins Prodig'huile sont en plastique, de couleur ambrée tirant vers le marron, ne laissant pas apparaître le produit à l'exception de celui de l'huile capillaire, alors que ceux de l'Huile Prodigieuse sont en verre transparent si bien que le produit est visible et que le flacon prend la couleur de l'huile. Ainsi, pour l'Huile Prodigieuse « classique », le flacon prend la couleur jaune de l'huile, qui ne ressemble pas à celle des conditionnements Prodig'huile. Pour l'Huile Prodigieuse « Or », il prend la couleur ambrée des paillettes intégrées à l'huile, qui peut être rapprochée de celle des packagings litigieux. Les bouchons des soins Progi'huile sont de couleur doré tout comme ceux de l'Huile Prodigieuse.

Toutefois, il ressort des pièces produites par les défenderesses que de multiples conditionnements de cosmétiques à base d'huiles reprennent ces mêmes couleurs ambrée et dorée, de sorte qu'il ne peut être reproché à la société Lascad d'avoir utilisé ces couleurs qui évoquent la couleur de l'huile. En outre, les différences de forme et de matière entre les conditionnements sont nombreuses si bien que les packagings Prodig'huile n'évoquent en rien l'Huile Prodigieuse.

Le terme « sublime » est utilisé sur les produits Prodig'huile mais pas sur les flacons d'Huile Prodigieuse, et il constitue par ailleurs un terme banal pour vanter les mérites d'un soin de beauté qui ne peut être approprié par la société Laboratoire Nuxe.

La demanderesse reproche aux défenderesses d'avoir mentionné sur leurs produits « nourrie, protégée et réparée des agressions, votre chevelure retrouve sa matière et sa beauté naturelle » alors que son Huile Prodigieuse « nourrit, répare, adoucit ». Cependant, la société Lascad s'est contentée, par la phrase litigieuse, de mentionner les vertus de ses produits, qui sont extrêmement classiques en matière de soins cosmétiques, qui plus est contenant de l'huile. En outre, la mention en cause figure au dos des conditionnements Prodig'huile, et elle diffère de celle apposée sur l'Huile Prodigieuse, ce qui exclut que soit retenu un acte de concurrence parasitaire sur ce fondement.

Sur le grief d'utilisation de la combinaison de couleurs turquoise et blanche, le tribunal relève après avoir observé l'ensemble des produits de même type versés au débat qu'il est extrêmement courant d'écrire en blanc sur un produit de consommation de couleur et que le flacon d'Huile Prodigieuse ne porte aucune mention en turquoise mais uniquement dans un vert foncé qui diffère de la couleur utilisée pour les produits Prodig'huile.

Aucun acte de concurrence parasitaire n'étant établi, la société Laboratoire Nuxe sera déboutée de ses demandes à ce titre [...]» ;

- CA Paris, pôle 5, 2e ch., 21 oct. 2011, Kenwood Ltd c. Whirlpool Properties Inc. et al., 10/16914 (M20110615 ; PIBD 2011, 952, III-739) :

« Considérant que le produit Artisan est connu par une publicité extrêmement importante qui a été faite et qui est toujours réalisée par la société Whirlpool comme en font foi tous les magazines de vie pratique, vie quotidienne ou féminins produits au débat ; que cette publicité de la société Whirlpool est quasi permanente ;

Qu'il résulte des pièces produites au débat que la société Kenwood Limited a repris dans ses propres publicités la couleur rouge qui est la couleur phare du robot Artisan en utilisant pratiquement [...] le même rouge dans les publicités [...] et une couleur amande très avoisinante des boutons du robot de la société Whirlpool ;

Que, par ailleurs, le modèle kMix est orienté dans la publicité comme son concurrent sur la gauche et ce sans justification technique particulière sur le plan de l'art photographique ;

Considérant que peu de mois après la parution du mixeur l'Artisan tête levée en novembre 2007 dans le journal "Le Figaro Guide Envie" et en décembre 2007, dans le magazine "Maison Française" la société Kenwood a publié exactement dans la même position son batteur en mars 2008 dans le magazine Viva Deco exactement dans les mêmes couleurs ; qu'elle a ainsi voulu se placer dans le sillage de son concurrent, et ne peut se retrancher pour échapper au parasitisme derrière ses publicités de septembre 2007 beaucoup moins dépouillées ; » ;

- CA Paris, pôle 5, 2e ch., 20 mai 2011, H&M Hennes & Mauritz SARL c. Louis Vuitton Malletier SA, 10/10756 (D20110113 ; PIBD 2011, 944, III-498) : 

« Considérant que la société LVM expose que les deux photographies publicitaires sus-décrites, adoptent une mise en scène très voisine de celle qu'elle utilise dans son Look-book et son dossier de presse pour présenter sa collection Prefall 2007, et consistant à présenter un mannequin avec des jambières remontant assez haut alors que la partie supérieure des jambes reste dénudée, et le bras droit placé à hauteur de l'oreille droite tandis que le bras gauche longe le corps ; qu'en outre les mannequins sont "accessoirisés" avec des sacs marrons revêtus de la marque arguée de contrefaçon, présentée de façon bien visible ;

Mais considérant que la décision déférée relève exactement que les mannequins n'ont pas la même posture, ni la même tenue vestimentaire, si ce n'est le port de jambières de hauteurs d'ailleurs différentes ;

Que n'est pas plus fautive la présence de sacs à main de couleur marron, dotés d'un fermoir dont il a été dit qu'il ne constituait pas la contrefaçon de la marque ; » ;

- TGI Paris, 3e ch., 3e sect., 4 juin 2010, Kraft Foods Global Brands LLC et al. c. Sara Lee Coffee And Tea France SNC, 08/16306 (M20100433 ; PIBD 2010, 927, III-714) :

« Sur la publicité des dosettes de café Senseo

[...]

Les sociétés demanderesses soutiennent que le café Maxwell House ainsi que les dosettes de café Carte Noire destinées à la machine Tassimo, d'abord commercialisées en France par la société KFF IP SAS puis par la société KFF SAS, font l'objet d'investissements publicitaires et que les agissements de la défenderesse constituent une reprise délibérée du fruit de leurs investissements pour la commercialisation de ces produits. Elles reprochent notamment à la défenderesse d'avoir non seulement utilisé le slogan "sensationnel jusqu'à la dernière goutte" mais également d'avoir utilisé le dessin d'un visage de profil dans un cercle rouge buvant jusqu'à la dernière goutte s'écoulant de la tasse de café avant que cette goutte ne fusionne avec le visage de profil pour former la lettre S de la marque Senseo, dessin qui évoque directement l'illustration de la "dernière goutte" des publicités Maxwel House, de même que la dernière image du film publicitaire diffusé au mois de septembre 2008, qu'il y aurait donc reprise par un concurrent sur le marché du café d'éléments situés "au cœur de l'univers de communication du café Maxwell House".

Le film publicitaire de la défenderesse diffusé en 2007 contient un dessin animé représentant une personne de profil qui boit la dernière goutte de son café. Quant au film publicitaire de 2008, il montre une femme buvant complètement le contenu de sa tasse de café.

Le tribunal constate que les sociétés demanderesses exploitent habituellement, sur les conditionnements des produits Maxwell, le dessin d'une tasse, isolée, portant un liseret bleu inclinée à la verticale accompagnée d'une goutte jaune placée juste en dessous.

Dès lors, les images figurant dans les films publicitaires de la société défenderesse montrant un personnage dessiné ou une actrice en train de boire une tasse en la renversant complètement, d'un caractère banal, s'agissant de campagne publicitaire pour la vente d'un café, ne reprennent pas le dessin de la tasse, isolée, accompagnée d'une goutte, utilisé par les sociétés demanderesses.

Ce n'est qu'en 2001 que lors d'une campagne de publicité les sociétés demanderesses justifient avoir utilisé dans un film publicitaire l'image d'un comédien faisant mine d'avaler la goutte dessinée s'échappant de la tasse inclinée, figurant sur le conditionnement d'un paquet de café Maxwel, illustrant une affiche.

Il convient d'observer qu'alors que dans les deux films publicitaires de la défenderesse, le personnage dessiné ainsi que la comédienne porte à leurs lèvres une tasse, dont elles font mine de boire la dernière goutte, dans une attitude banale, le fond de la tasse étant placé à l'opposé du sujet, dans le film publicitaire de 2001 des sociétés demanderesses, le comédien fait certes mine de boire la dernière goutte de café qui s'échappe du dessin d'une tasse, mais celle-ci est placée sur l'affiche en position inversée, le fond de la tasse étant placé vers le sujet, de sorte que l'attitude de l'homme n'est pas naturelle.

Dans ces conditions, outre le fait que les sociétés demanderesses ne font pas habituellement usage de l'association d'un visage et d'une tasse, l'association des deux utilisée par la société défenderesse dans les deux films, sous une forme banale, ne reprend pas l'association réalisée par les sociétés défenderesses dans son film publicitaire de 2001 et ne présente pas de caractère fautif.

Les sociétés demanderesses soutiennent également que le film publicitaire diffusé en 2007 par la défenderesse présente une ressemblance avec le film "la première fois" consacré à la publicité de la machine Tassimo et des dosettes Carte Noire, compte tenu de sa thématique, de son scénario de son atmosphère et de son contenu ce film mettant en scène un couple dont le personnage masculin en terminant sa tasse de café, propose à sa partenaire de céder à la tentation en renonçant à une sortie, sous la forme "et si on restait", pourrait facilement être compris comme étant la suite du film "la première fois" qui met également en scène un couple dont le personnage féminin qui s'apprêtait à partir subrepticement, se laisse tenter par une tasse de café et dit à son partenaire "je reste". Il serait selon elles, en effet fréquent que des annonceurs choisissent de présenter des publicités sur les mêmes thèmes divisées en épisodes.

La société défenderesse conteste le lien pouvant être fait entre ces publicités au motif notamment que son propre film s'inspirerait d'un film publicitaire pour le savon Camay dans laquelle une femme après avoir pris un bain, à la question "si on sortait ?" répond "si on restait".

Il est certain que les trois films mettent en scène des couples. L'action du film des demanderesses se déroule le matin de la première nuit d'un couple, le personnage féminin qui s'apprêtait à partir choisit finalement de rester. Dans le film de la défenderesse il s'agit d'un couple qui se prépare à sortir, l'homme en attendant la femme se prépare un café, finalement la femme renonce à s'habiller, et sur la tasse de l'homme apparaît la mention "si on restait".

Même si les petits scénarios de ces films ont des points semblables (couple, thématique érotique suggérée) pour autant ils sont différents (scénario), et aucune confusion ne peut naître dans l'esprit du consommateur entre les deux films. Celui-ci ne peut davantage être amené à penser que le deuxième film est la suite du premier, le lien entre les deux étant trop ténu, d'autant que le film publicitaire Camay montre que le thème est couramment traité dans la publicité.

[...]

Sur le café L'Or noir sublime

[...]

Les sociétés demanderesses reprochent également à la société défenderesse d'avoir utilisé une communication publicitaire directement inspirée de son univers, puisque ses propres messages publicitaires mettent notoirement et continuellement en scène, depuis de nombreuses années le slogan "un café nommé désir". Les publicités de la société défenderesse mettent en scène une jeune femme dévêtue entièrement maquillée de noir, dans la pénombre, ce qui permet d'évoquer directement les thèmes du désir et de la sensualité qui sont intrinsèquement rattachés aux publicités de la marque Carte Noire depuis plus de vingt ans.

Il résulte du visionnage des films publicitaires des demanderesses depuis 1993, auquel a procédé le tribunal, que la plupart de ces films sont illustrés par la chanson "Try to remember", accompagnés d'un commentaire en voix off dit par une voix sensuelle, et ont pour thème le désir, slogan du café Carte Noire "un café nommé désir".

Le film publicitaire litigieux met en scène une femme nue, maquillée de noir saupoudrée d'or, qui caresse ses épaules. Une voix masculine, sur un fond de musique classique dit que "L'or noir sublime habille vos sens d'une nouvelle émotion".

Dire comme le fait la société défenderesse que le film a pour thème le plaisir de humer ou de déguster un café alors que les films de la demanderesse auraient pour thème le désir est manifestement inexact.

Certes le film de la défenderesse renvoie directement à la sensualité et donc au désir et au thème de prédilection de la communication des demandeurs, mais les thèmes du désir, du plaisir et de la sensualité sont d'une grande banalité dans la communication publicitaire et les sociétés défenderesses ne sauraient en avoir le monopole.

En l'espèce, le film publicitaire de la société demanderesse de même que les affiches réalisées qui représentent la tête et les épaules d'une jeune femme nue, entièrement maquillée de noir et saupoudrée d'or, s'inscrivent dans la déclinaison du thème de l'or précédemment développé dans des films publicitaires précédemment réalisés pour le produit "L'or sublime". Il n'est pas établi par les sociétés demanderesses que la société défenderesse ait cherché à se placer ainsi dans leur sillage en réalisant les publicités litigieuses. Dans ces conditions, aucune faute constitutive de concurrence déloyale ne peut lui être reprochée. » ;

- Cass. com., 2 févr. 2010, Dan Foam APS et al. c. Chaîne française de l'ameublement SARL et al., 09-11.303 (M20100015 ; PIBD 2010, 914, III-167) :

« Attendu que la société Tempur France fait grief à l'arrêt de l'avoir déboutée de sa demande en concurrence déloyale, alors, selon le moyen :

[...]

2°) que les juges ne peuvent dénaturer les écrits soumis à leur appréciation ; qu'en l'espèce, la couverture du catalogue Tempur représentait une femme, jambes nues, endormie sous un drap blanc, en situation d'apesanteur au-dessus de son matelas ; que celle du catalogue Sompur représentait une femme nue endormie sous un drap blanc au-dessus d'un trait blanc et du slogan "vivez en apesanteur" ; qu'en affirmant que les deux couvertures "donnaient banalement à voir, s'agissant de promouvoir des articles de literies, une femme endormie, mais dans une pose et suivant un cadrage différents", quand les deux femmes n'étaient pas endormies "banalement" sur un lit, mais toutes deux en situation d'apesanteur, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil ;

[...]

Attendu, en second lieu, que l'arrêt [...] constate également que les brochures commerciales des parties présentent chacune une physionomie propre ; [...] qu'en l'état de ces constatations et appréciations, [...] la cour d'appel qui a fait ressortir, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation, l'absence de tout risque de confusion entre les gammes de produits en cause, sans avoir à s'expliquer sur les éléments qu'elle n'a pas pris en compte, a légalement justifié sa décision ; » ;

- TGI Paris, 3e ch., 2e sect., 1er févr. 2008, Sogeval SA c. Novartis Santé Animale SAS, 05/07588 (B20080036 ; PIBD 2008, 873, III-275) :

« Attendu que la société Sogeval fait à ce titre valoir qu'elle a, depuis une dizaine d'années, connu un très fort développement grâce notamment à une politique marketing innovante axée sur le concept de médicaments appétents vendus sous la marque "Delicament" et présentant, selon ses brochures, un "arôme appétissant, taille et forme facilitant la préhension, texture et goût agréable" ;

Qu'elle ajoute avoir communiqué sur ce thème auprès des vétérinaires et par l'intermédiaire de son réseau de vente, tant par la distribution de très nombreuses brochures publicitaires que par la diffusion de films de promotion et la réalisation d'une importante campagne publicitaire documentaire ;

Qu'elle reproche à la société Novartis de s'être placée dans son sillage en axant son thème principal de publicité sur la notion d'appétence, et plus particulièrement en présentant, tout comme elle le fait, le résultat de tests d'appétence à l'intérieur de sa brochure publicitaire intitulée "Le goût est-il vraiment important ?", en réalisant un film, joint sur CD-Rom à cette même brochure, intitulé "Les images parlent d'elles-mêmes" directement inspiré de ses propres séquences animées, et en utilisant pour promouvoir un médicament dénommé "Milbemax" une photographie similaire à celle exploitée pour ses propres campagnes publicitaires ;

Que la société défenderesse oppose que de nombreux laboratoires vétérinaires se sont attachés avant elle à donner aux médicaments une saveur apte à en faciliter l'ingestion par les animaux, que la société Sogeval, au cours de ces dernières années, n'a pas été le seul laboratoire à utiliser la palatabilité des médicaments vétérinaires comme thème de campagne publicitaire et que ses propres documents publicitaires ne reproduisent pas les éléments distinctifs de ceux de la demanderesse ;

Attendu que s'il est établi que la société Novartis a récemment mis en avant le caractère "incomparablement appétent" du médicament qu'elle commercialise sous la dénomination "Fortekor 2.5", dans sa brochure intitulée "Le goût est-il vraiment important ?" diffusée en mai 2005, de tels agissements ne sauraient cependant être retenus au titre de la concurrence déloyale ou parasitaire dès lors qu'il est par ailleurs démontré par les nombreuses pièces en ce sens versées aux débats par cette dernière que le thème de l'appétence est couramment utilisé en matière de publicité pour produits vétérinaires, et plus particulièrement dans le domaine des médicaments, tels que des vermifuges, des traitements contre les infections urinaires ou les douleurs arthrosiques, et ce depuis 1995 ;

Qu'il ne saurait pas plus lui être reproché de faire figurer dans cette même brochure les résultats des tests d'appétence réalisés en 2002 par ses propres services, précédemment évoqués, dès lors que leur présentation se distingue nettement de ceux apparaissant dans les brochures de la société demanderesse ;

Attendu en revanche que le film intitulé "Les images parlent d'elles-mêmes - Miammm...", joint à ladite brochure, présente, à l'instar des films réalisés en 2003 par la société Sogeval pour promouvoir ses propres produits, un chat avalant spontanément des comprimés ;

Qu'en reprenant une telle séquence, de nature à frapper les esprits de par son caractère inhabituel, et dont la défenderesse ne démontre nullement la prétendue absence de distinctivité, en tout état de cause inopérante en la matière, la société Novartis a entendu se placer dans le sillage de la société Sogeval pour profiter indûment des investissements réalisés par cette dernière dans le domaine des médicaments appétents ;

Qu'elle s'est ainsi rendue coupable d'actes de parasitisme, constitués, contrairement à ce que soutient la société défenderesse, en dehors de tout risque de confusion entre les produits en cause ;

Que de la même manière, la brochure publicitaire intitulée "Milbemax - Efficacité et simplicité maximum" diffusée par la société Novartis, qui représente, aux côtés d'un chien pareillement positionné, la tête d'un chat, dont la langue est tirée et sur laquelle est posé un comprimé sécable de couleur brun clair et de forme ovale, doit s'analyser en un comportement parasitaire ;

Que les éléments ainsi énumérés reprennent en effet les caractéristiques d'une photographie utilisée par la société Sogeval pour promouvoir ses comprimés "Pet-Phos félin spécial pelage" depuis mai 1996, ainsi qu'il résulte de la date portée sur la publicité versée aux débats et tirée d'un magazine, et ne s'en différencient que par le positionnement vertical et non horizontal du comprimé. ».

Cécile Martin
Rédactrice au PIBD