Opposition à enregistrement - Marque figurative composée d’idéogrammes chinois - Comparaison des signes - Reproduction - Adjonction d’idéogrammes - Structure différente - Élément dominant - Langue étrangère - Public pertinent - Impression d’ensemble différente - Risque de confusion (non) - Déclinaison
L’opposition à l’enregistrement d’une marque figurative comprenant quatre idéogrammes chinois, désignant certaines boissons alcoolisées, qui a été formée sur la base d’une marque figurative composée de deux idéogrammes et désignant les vins, a été rejetée.
Le signe contesté reproduit les idéogrammes de la marque antérieure, en y ajoutant deux autres idéogrammes de même taille, placés sur la même ligne. Les deux idéogrammes repris en position d’attaque n'ont aucune signification pour le public français d'attention moyenne auquel il convient de se référer, les signes en cause visant des produits de consommation courante. En effet, ce public ne parle ni ne déchiffre le mandarin, quand bien même une communauté chinoise importante réside en France.
La requérante ne peut être suivie lorsqu'elle fait valoir le caractère particulièrement distinctif de la marque antérieure, qui serait la translitération en mandarin de la dénomination « Penfolds », désignant un domaine australien ancien et des vins reconnus, distingués par plusieurs récompenses, et qui est largement exploitée dans le monde ainsi que dans les territoires de langue chinoise. En effet, le public pertinent percevra cette marque comme un signe purement figuratif sans signification particulière.
Le signe contesté sera également perçu par ce même public comme un signe figuratif dépourvu de signification particulière, celui-ci n'appréhendant pas les deux derniers idéogrammes comme signifiant « vignoble ».
Ce signe figuratif est visuellement plus long que celui constituant la marque antérieure. Les deux idéogrammes qui composent la marque antérieure, bien que placés en attaque, se fondent dans le signe contesté et perdent leur caractère dominant, le public qui ne comprend ni le lit le mandarin ne retenant pas ces deux premiers idéogrammes complexes et ne pouvant faire un rapprochement entre les signes en présence.
En conséquence, les ressemblances sont insuffisantes à caractériser un risque de confusion ou d'association pour le public entre les signes en présence, et ce malgré l'identité et la similarité des produits en cause.
Cour d’appel de Paris, pôle 5, 2e ch., 27 janvier 2023, 21/18978 (M20230026)[1]
Southcorp Brands PTY Ltd c. INPI et Shanghai Benfu Trading Co. Ltd
(Rejet recours c. décision INPI, 26 juill. 2021, OP21-0539, O20210539)
[1] Un arrêt similaire opposant les mêmes parties a été rendu le même jour, à propos d’une décision du directeur général de l’INPI ayant rejeté l’opposition à l’enregistrement de la marque semi-figurative RUSH RICH formée sur la base de la même marque figurative antérieure composée de deux idéogrammes chinois (CA Paris, pôle 5, 2e ch., 27 janv. 2023, 21/18979, M20230027). La cour d’appel a notamment relevé que le public pertinent « ne percevra pas la marque antérieure comme la translitération de la dénomination "Penfolds" ainsi que le soutient la requérante, ni ne prononcera celle-ci "Ben Fu" qui signifierait en chinois "vers les riches" comme la demande d'enregistrement. Le public visé appréhendera la marque antérieure comme un signe purement figuratif sans signification particulière ».
Dans une autre affaire rendue antérieurement en matière d’opposition, une cour d’appel avait rejeté le recours formé contre la décision de l’INPI de rejet partiel d’une demande d’enregistrement, en retenant un risque de confusion entre les deux signes en cause composés de la juxtaposition de quatre idéogrammes chinois, dont les deux premiers étaient identiques (CA Versailles, 12e ch., 29 avr. 2014, Jean Yves SARL c. INPI et al., 13/08389, M20140224). Elle a estimé que « le risque de confusion doit être apprécié au regard du public du territoire sur lequel la marque antérieure est protégée, en l'espèce, l'ensemble des consommateurs français, de sorte que cette appréciation ne saurait se limiter à une partie de ces consommateurs, chinois ou d'origine chinoise, et ce d'autant que s'agissant de diverses boissons alcooliques visées par les marques en présence, ces produits sont de consommation courante, destinés au consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, lequel n'est pas familier de la langue chinoise ». Mais elle a déclaré que, sur le plan visuel, les deux premiers idéogrammes allaient retenir l'attention du consommateur de référence, qui ne percevra pas immédiatement les différences entre les deux derniers idéogrammes.