Contrat de travail - Rémunération du créateur salarié - Cession des droits d’auteur à l'employeur - Étendue des droits cédés - Œuvres de commande effectuées pour des tiers - Rémunération complémentaire (non)
Contrefaçon sur le fondement du droit d'auteur (non) - Validité de la clause de cession des droits d’auteur à l’employeur (oui) - Cession globale des œuvres futures - Rémunération forfaitaire
Procédure abusive (non)
La demanderesse, créatrice de mode, est liée à la société poursuivie par un contrat de travail. Ayant exécuté des prestations pour des entreprises tierces dans le cadre de contrats de collaboration conclus par son employeur, elle demande une rémunération complémentaire au titre des droits patrimoniaux d’auteur sur ces créations.
Il résulte des dispositions du contrat de travail, qui sont explicites et ne prêtent pas à interprétation, que la créatrice a cédé à son employeur ses droits patrimoniaux d'auteur sur les créations réalisées dans le cadre de ses fonctions salariées de styliste-directrice artistique.
Elle ne peut être suivie lorsqu’elle soutient que les travaux exécutés dans le cadre de contrats de collaboration avec des entreprises tierces ne relèveraient pas de son contrat de travail et ne seraient pas couverts par la clause de cession de droits figurant dans ce contrat. En effet, le contrat de travail stipule que l'employeur exercera les droits, objets de la cession, soit directement, soit par le biais de cessions à des tiers. Ainsi, l’employeur, cessionnaire des droits de la salariée sur les créations réalisées dans le cadre de son contrat de travail, se trouvait autorisé à conclure avec des entreprises tierces des contrats de collaboration en vue de l'exploitation, par ces entreprises, des créations de sa salariée.
En outre, l'avenant au contrat de travail, destiné à préciser les fonctions de la salariée, les modalités d'exécution de son contrat de travail et les conditions de sa rémunération, prévoit que celle-ci s'engage à consacrer tout son temps de travail et tous ses efforts au profit exclusif de l’employeur et ne peut exercer une activité professionnelle pendant la durée du présent contrat, sauf accord préalable exprès et écrit de son employeur. Or, la créatrice salariée ne justifie pas d’un tel accord pour des prestations fournies à des entreprises tierces en exécution de commandes dont elle prétend, à tort, qu'elles ont été passées directement auprès d'elle. En effet, les contrats de collaboration désignent l’employeur comme partie au contrat et ont pour objet des commandes passées à celui-ci. Si chacun des contrats a été conclu en présence de la créatrice salariée, elle n’est pas pour autant partie au contrat, même si elle figure au nombre des signataires.
La créatrice salariée ne saurait sérieusement soutenir que son employeur n'est intervenu aux contrats de collaboration qu'en sa qualité de titulaire des droits sur la marque correspondant aux prénom et nom de la créatrice, sur laquelle il bénéficie d’une licence exclusive d'exploitation. En effet, les droits d'utilisation conférés aux sociétés tierces ne concernent pas seulement cette dénomination, mais portent expressément sur les créations qui auront été réalisées par la salariée dans le cadre des contrats de collaboration conclus par son employeur avec ces sociétés. Par conséquent, les rémunérations perçues par l’employeur en contrepartie de ces contrats l'ont été en sa qualité de bénéficiaire de la cession des droits d'auteur consentie par sa salariée et non pas, en qualité de mandataire de celle-ci. La créatrice est dès lors déboutée de sa demande d’une rémunération complémentaire.
La demande en contrefaçon, présentée à titre subsidiaire, est également rejetée. La clause de cession de droits figurant au contrat de travail est valable, dès lors qu’elle délimite le champ de la cession à des œuvres déterminables et individualisables, à savoir celles réalisées par la salariée dans le cadre de son contrat de travail, au fur et à mesure de leur réalisation. Ainsi, elle n'encourt pas le grief de cession globale d'œuvres futures en application de l’article L. 131-1 du CPI, puisqu'elle ne vise pas globalement les œuvres objets de la cession et qu’elle porte sur des œuvres réalisées, la cession n'opérant qu'au fur et à mesure de la réalisation.
Par ailleurs, la clause litigieuse n’est pas dénuée de contrepartie financière pour la cédante. Une rémunération forfaitaire n'opérant pas de distinction entre la rémunération de la prestation de travail et la contrepartie de la cession des droits d'auteur est licite. En l’espèce, le contrat de travail, tel que modifié par l'avenant, prévoit pour la salariée une rémunération fixe, une rémunération variable en fonction des résultats obtenus au regard des objectifs arrêtés par son employeur et un budget mensuel pour les frais. En outre, la créatrice, associée au sein de la société poursuivie, bénéficie nécessairement des résultats de celle-ci auxquels elle est directement intéressée par la perception de dividendes.
Cour d’appel de Paris, pôle 5, 1re ch., 25 janvier 2023, 19/15256 (D20230011)
Mme [A] [H] c. OLT SAS, Abitbol & Rousselet SCP (Me F, admin. jud. de la Sté OLT), Axyme SELARL (Me E, mand. jud. de la Sté OLT)
(Confirmation TGI Paris, 3e ch., 3e sect., 5 juill. 2019, 17/09426)