Jurisprudence
Marques

Contrefaçon des marques YVES KLEIN par l’utilisation du signe « Klein au paradis » pour identifier un panneau mural - Réparation du préjudice moral subi par l’héritier de l’artiste en raison de l’atteinte au nom patronymique

PIBD 1198-III-4
CA Paris, 6 janvier 2023

Contrefaçon des marques verbales française et de l'UE (oui) - Prénom et nom patronymique - Identité des produits - Imitation - Similitude visuelle et phonétique - Mot d’attaque - Élément dominant - Nom patronymique - Similitude intellectuelle - Référence à l’artiste peintre - Risque de confusion

Préjudice - Absence de commercialisation du produit incriminé - Bénéfices tirés des actes incriminés (non) - Gain manqué (non) - Dépréciation (oui)

Parasitisme (non) - Volonté de profiter de la notoriété et des investissements d’autrui - Preuve des investissements réalisés

Atteinte au nom patronymique (oui) - Utilisation à des fins commerciales - Usage à titre de référence pour des produits et des couleurs - Absence d’autorisation de l’héritier - Préjudice moral

Texte
Marque n° 017 896 410 de la société Blue Bay Limited
Texte

La commercialisation d’un panneau mural bleu sous le nom « Klein au Paradis » constitue la contrefaçon des marques française et de l'Union européenne YVES KLEIN, opposées par l’une des sociétés demanderesses, constituée par les ayants-droits de l'artiste.

Ce panneau est un produit identique ou très fortement similaire aux « papiers peints, papiers peints textiles » visés par les marques opposées. Les signes en conflit ont en commun le patronyme « Klein », qui se trouve en attaque dans le signe contesté et occupe ainsi une place prépondérante, tant sur le plan visuel que phonétique. D'un point de vue conceptuel, les deux signes font expressément référence à l'artiste. Dès lors, l'utilisation du signe « Klein au paradis » crée dans l'esprit du public, acheteur de papiers muraux, un risque de confusion quant à l'origine des produits. Il ne peut en revanche être reproché à la société défenderesse les agissements de ses revendeurs, qui ont maintenu l'offre en vente du panneau litigieux sur leurs sites internet, alors qu’elle leur avait adressé un mail indiquant que le produit devait être supprimé et qu'elle en avait cessé la livraison.

Les demandes en concurrence parasitaire fondées sur l'association de la désignation « Klein au paradis » avec une citation expressément attribuée à l'artiste et sur l’utilisation des expressions « Bleu Klein » ou « Klein » pour identifier les coloris de certaines références de tissus et de papiers peints sont rejetées.

Il n'est justifié d'aucun investissement financier de l'une ou l'autre des sociétés demanderesses qui aurait été détourné par la société poursuivie. En effet, les créations et citations critiquées sont le fait de l'artiste et non de ces sociétés, créées plus de cinquante ans après son décès. La société qui assure la gestion et l'administration des archives de l'artiste indique dépenser des sommes conséquentes pour promouvoir son patrimoine artistique. Toutefois, elle ne justifie pas avoir un quelconque rôle dans des partenariats, ni dans l'organisation ou la promotion des diverses expositions consacrées à l'artiste dans le monde. La société titulaire des marques YVES KLEIN ne justifie d'aucun autre investissement, ni d’aucune activité.

Si le droit au nom est essentiellement attaché à la personne de son titulaire et s'éteint en principe avec le décès de celui-ci, il peut également présenter un caractère patrimonial qui permet d'en monnayer l'exploitation commerciale et se transmet aux héritiers. Les descendants d'une personne défunte sont ainsi en droit de protéger sa mémoire, sa réputation et sa pensée.

En l’espèce, la société défenderesse a utilisé des dénominations contenant le patronyme de l’artiste et fait usage des termes « Bleu Klein » pour désigner une couleur bleue afin de référencer des panneaux muraux. L'utilisation du nom patronymique qui est à la fois celui de l'artiste et celui de son fils, partie à la procédure, qui porte les mêmes prénom et nom que son père, a été effectuée sans autorisation, à des fins commerciales, pour désigner des produits ou des couleurs en référence à l'artiste. Cette utilisation injustifiée du patronyme cause un préjudice moral au demandeur, porteur du nom, agissant en qualité d'héritier.

Cour d’appel de Paris, pôle 5, 2° ch., 6 janvier 2023, 21/03680 (M20230002)
Yves K, R.U.K. SASU et Blue Bay Ltd c. Texdecor SAS
(Infirmation partielle TJ Paris, 3e ch., 3e sect., 18 déc. 2020, 18/12560)