Concurrence parasitaire (non) - Absence de droit privatif - Volonté de s'inscrire dans le sillage d'autrui, de profiter de ses investissements et de sa notoriété
La preuve d’agissements parasitaires résultant de la commercialisation de parts de pizza sous la dénomination « pizza giant Sodebo » n’est pas rapportée.
Le parasitisme consiste, pour un opérateur économique, à se placer dans le sillage d'un autre afin de tirer profit, sans rien dépenser, de ses efforts et de son savoir-faire, de la notoriété acquise ou des investissements consentis. Le risque de confusion n'est pas une condition de la concurrence parasitaire.
La société demanderesse, dont la marque GIANT a été annulée en cours de procédure pour défaut de caractère distinctif[1], fait état d'investissements publicitaires importants pour promouvoir ses gammes de produits, notamment antérieurement au lancement des produits revêtus de la dénomination litigieuse. Toutefois, ces campagnes publicitaires ne concernent pas le hamburger GIANT, mais l'ensemble des hamburgers commercialisés par l'enseigne Quick, le terme « giant » n'apparaissant qu'associé à un autre terme pour le lancement de nouveaux produits ou de nouveaux espaces de ventes.
De plus, et à supposer que la preuve de la notoriété du hamburger GIANT et des investissements spécifiques effectués pour ce produit ait été rapportée, la société demanderesse n’établit pas en quoi la seule utilisation de ce terme accolé à celui de « pizza » et avec la précision constante de la marque SODEBO, pour commercialiser, non pas des hamburgers vendus dans des restaurants fast-food, mais des parts de pizza commercialisées dans le rayon frais de supermarchés et nécessitant d'être réchauffées au micro-onde avant d'être mangées, caractériserait la volonté de la société poursuivie de se placer dans le sillage de la société demanderesse et de profiter indûment de ses investissements.
Par ailleurs, aucun élément ne démontre que l'utilisation du terme évocateur, voire descriptif, « giant » pour promouvoir une part de pizza, voulue plus grande que la norme, aura un effet positif sur le consommateur par l'association qu'il ferait de la pizza au hamburger du même nom vendu par la société demanderesse.
Cour d’appel de Paris, pôle 5, 2e ch., 18 novembre 2022, 21/09228 (M20220308)
France BKR SAS (anciennement dénommée France Quick) c. Établissements Bougro Sodebo SASU
(Confirmation TGI Paris, 3e ch., 4e sect., 24 oct. 2013, 12/10515, M20130678 ; sur 2e renvoi après cassation : Cass. com., 27 janv. 2021, 18-20.702, M20210032, PIBD 2021, 1158-III-6, Contrats, conc. consom., mai 2021, comm. 84, note de M. Malaurie-Vignal, Légipresse, 390, mars 2021, p. 78, RJDA, juill. 2021, p. 744, RTD Com, 2, avr.-juin 2021, p. 345, note de J. Passa, Légipresse, 397, nov. 2021, p. 568, note de C. de Marassé-Enouf ; CA Paris, pôle 5, 1re ch., 3 juill. 2018, 17/17762, M20180271, PIBD 2018, 1101-III-597 ; sur 1er renvoi après cassation : Cass. com., 8 juin 2017, 15-20.966, M20170306, PIBD 2017, 1076-III-546, RJDA, oct. 2017, p. 779, note, RTD Com, 4, oct.-déc. 2017, p. 879, note de J. Azéma, Propr. intell., 67, avr. 2018, p. 59, note de J. Canlorbe ; CA Paris, pôle 5, 1re ch., 14 avr. 2015, 14/14110, M20150150, PIBD 2015, 1028-III-382, Propr. intell., 56, juill. 2015, p. 310, note d’A. Bouvel)
[1] Dans cette affaire, la décision de la cour d’appel de renvoi rendue après le premier arrêt de cassation a notamment annulé la partie française de la marque internationale verbale GIANT. Elle a considéré qu’à la date du dépôt, le signe était dépourvu de toute distinctivité intrinsèque pour désigner des produits alimentaires ou des services de restauration. Elle a relevé que ce mot anglais était nécessairement compris du consommateur francophone de ces produits (en particulier des articles de fast-food), comme signifiant géant et, par extension, énorme. Il en désignait ainsi une caractéristique. La cour d’appel a ajouté que la banalité de l'usage de mentions anglaises exprimant la quantité dans le secteur du fast-food imposait que ces signes usuels restent à la disposition de toutes les personnes qui y exercent leur activité et qu'aucun concurrent ne puisse les monopoliser et priver les autres de leur libre usage dans leur profession. Enfin, elle a dit que la preuve de l’acquisition du caractère distinctif par l’usage n’était pas rapportée à la date à laquelle la société poursuivie avait commencé à utiliser le signe litigieux, soit en l'espèce la date du dépôt de la marque PIZZA GIANT SODEBO. La cour d’appel a notamment relevé que la preuve n'était pas suffisamment rapportée que ce signe ait été alors connu et identifié par le public pertinent, consommateur de produits alimentaires, en tant que marque et non comme une caractéristique quantitative des produits vendus.