Jurisprudence
Marques

Déchéance de la marque ERHEL HYDRIS - Usage sérieux pour des pièces nécessaires à la fabrication, la maintenance ou le dépannage des véhicules visés au dépôt

PIBD 1168-III-6
CA Rennes, 15 juin 2021

Demande en dommages-intérêts à l’encontre d’une des sociétés défenderesses - Redressement judiciaire - Déclaration de créance - 1) Créance sur le fondement du dépôt frauduleux des marques - Fait générateur - Dépôt des marques - Recevabilité de la demande (non) - 2) Créance sur le fondement de la contrefaçon des marques et de la concurrence déloyale - Recevabilité de la demande (oui)

Déchéance de la marque (non) - Recevabilité (oui) - Usage sérieux - Droit de l'UE - Pièces détachées - Usage consistant en l’entretien de produits déjà commercialisés - Fonction d'indication d'origine - Usage à titre de marque - Usage par le cessionnaire de la marque - Juste motif - Procédure judiciaire - Reprise de l'exploitation

Déchéance de la marque (oui) - Usage sérieux - Preuve - Exploitation d’une marque déposée similaire - Produits et services partiellement différents

Revendication de propriété - Dépôt frauduleux - Mauvaise foi - Connaissance de cause - Atteinte à une marque antérieure - Principe de spécialité

Contrefaçon de la marque verbale - Imitation - Élément distinctif et dominant - 1) Marques semi-figuratives - Principe de spécialité - 2) Nom de domaine - Interdiction d’usage pour des produits ou services identiques ou similaires - 3) Exception - Référence nécessaire (non) - Confusion sur l'origine

Préjudice - Dépôt frauduleux et contrefaçon - Préjudices non distincts - Atteinte aux droits privatifs - Préjudice moral - Atteinte à la valeur patrimoniale de la marque - Durée des actes incriminés - Poursuite des actes incriminés - Responsabilité du gérant (oui) - Faute personnelle

Validité de la marque (oui) - Dépôt frauduleux (non) - Dépôt par un CPI - Dépôt au nom d’une société en liquidation judiciaire - Marque antérieure non déchue

Texte
Marque n° 97 661 561 de la société France Hayon Service
Marque n° 97 658 943 de la société France Hayon Service
Marque n° 3 989 166 de la société Metalic
Marque n° 4 050 913 de la société Laser Force
Texte

La déchéance des droits sur la marque verbale ERHEL HYDRIS n’est pas encourue en ce qu’elle désigne les hayons élévateurs et les véhicules équipés de tels engins. Selon l’arrêt de la Cour de justice Ansul[1], l'usage d’une marque peut, dans certaines conditions, revêtir un caractère sérieux pour des produits déjà commercialisés, pour lesquels elle a été enregistrée, et qui ne font plus l'objet de nouvelles offres de vente. Ainsi, en l’espèce, doit être considéré comme caractérisant un usage sérieux de la marque le maintien de la commercialisation de pièces détachées sous ce nom, dès lors que cette marque était alors utilisée pour garantir l'identité d'origine des pièces nécessaires à la fabrication, la maintenance ou le dépannage des produits pour lesquels elle a été enregistrée.

L’interruption de l’usage de la marque ERHEL HYDRIS peut s’expliquer par des justes motifs tenant à la procédure en contestation, par les défendeurs à l’action en contrefaçon, de l’ordonnance du juge commissaire qui avait autorisé la cession de la marque au profit de la société demanderesse. En effet, une remise en cause de cette cession aurait fait courir le risque, en cas d’exploitation de la marque, d’une action en contrefaçon de la part des sociétés défenderesses qui entre temps avaient déposé leurs propres marques concurrentes. 

À la date du dépôt des marques semi-figuratives ERHEL HYDRIS par les sociétés défenderesses, leur dirigeant savait que celles-ci portaient atteinte à la marque antérieure verbale ERHEL HYDRIS en ce qu’elles reprenaient le même signe verbal dominant. Les dépôts ont donc été opérés de mauvaise foi, non pas pour distinguer des produits et services originaux qu'auraient voulu créer les sociétés défenderesses, mais pour s'approprier la notoriété d'un signe déjà protégé. Ainsi, les marques ont été déposées afin de s'approprier le signe verbal «Erhel Hydris» sur lequel le titulaire de la marque antérieure disposait pourtant d'une exclusivité, et ce afin d'entraver l'activité du repreneur potentiel de la marque antérieure. Il est notamment indifférent pour la caractérisation de la fraude que les marques litigieuses aient été déposées pour des produits et services plus larges voire partiellement différents de ceux de la marque antérieure. Le transfert des marques litigieuses n’est toutefois justifié que dans la seule limite des produits et services jugés communs, par identité, similarité ou complémentarité, à l’ensemble des marques considérées.

Cour d’appel de Rennes, 3e ch. com., 15 juin 2021, 19/00919 (M20210143)
Gilles D, Laser Force SARL et Metalic SARL c. France Hayon Service SAS
(Infirmation partielle TGI Rennes, 10 déc. 2018)

[1] CJCE, 11 mars 2003, Ansul BV c. Ajax Brandbeveiliging BV, C-40/01 (M20030458 ; D. Cah. dr. des aff., 39, 6 nov. 2003, p. 2691, note de S. Durrande ; Propr. intell., 9, oct. 2003, p. 429, note de G. Bonet ; Propr. industr., 2003, comm. 43, note d’A. Folliard-Monguiral).