Jurisprudence
Marques

Défaut de caractère distinctif intrinsèque de la marque Vendôme évoquant, pour les produits de bijouterie-joaillerie visés, une image de prestige liée à la place Vendôme

PIBD 1187-III-7
Décision INPI, 1er juillet 2022

Demande en nullité - Recevabilité (oui) - Références de la marque contestée - Exposé des moyens - Régularisation de la demande

Validité de la marque (non) - Application de la loi dans le temps - Droit de l’UE - 1°) Caractère distinctif intrinsèque (non) - Fonction d’indication d’origine - Public pertinent - Nom géographique - Renommée - Caractère laudatif - 2°) Dépôt de mauvaise foi (non) - Dépôt frauduleux - Nom d’une collectivité territoriale - Détournement du droit des marques - Défaut d’usage - Cession - Intention de nuire - Volonté de priver autrui d’un signe nécessaire à son activité - Dépôts successifs - Volonté d’échapper à la déchéance

Texte
Marque n° 4 515 840 de Louis Vuitton Malletier
Texte

Aucune disposition n’empêche la régularisation d’une demande en nullité à condition qu’il n’y ait pas d’extension à d’autres produits ou services que ceux visés dans la demande initiale. Est donc recevable en l’espèce la demande en nullité de la marque Vendôme.

La marque ayant été déposée antérieurement à l’entrée en vigueur de l’ordonnance n° 2019-1169, le 11 décembre 2019, la validité du signe doit être appréciée au regard de la loi n° 92-597 du 1er juillet 1992 dans sa version en vigueur au jour du dépôt. Les dispositions de l’article L. 711-2 du CPI, dans sa version applicable à l’espèce, doivent être interprétées au regard de la directive 2008/95/CE selon laquelle le caractère distinctif est une exigence autonome correspondant à la fonction d’indication d’origine de la marque.

La marque Vendôme a été déposée par la commune de Vendôme pour les produits de la bijouterie, de la joaillerie et de l’horlogerie. Il ressort des articles de presse que la place Vendôme bénéficie d’une grande renommée dans ces domaines, entraînant ainsi une assimilation, dans l’esprit du consommateur français, entre le terme « Vendôme » et ce lieu dans lequel sont situées plusieurs maisons prestigieuses évoluant dans le même secteur. Il découle de cette association immédiatement perceptible avec la place Vendôme, qui véhicule une image de prestige et de luxe étroitement liée aux produits de la bijouterie, de la joaillerie et de l’horlogerie, que le terme « Vendôme », en lien avec de tels produits, est susceptible de susciter des sentiments positifs. Il sera ainsi perçu par le public pertinent comme un argument de vente capable d’influencer les préférences des consommateurs, de sorte qu’il ne sera pas perçu comme une garantie de l’origine commerciale des produits. Le signe « Vendôme » n’apparaissant pas à même de remplir la fonction essentielle de la marque, celle-ci doit être annulée pour les produits allégués, faute de caractère distinctif intrinsèque.

Conformément à l’adage « fraus omnia corrumpit » ainsi qu’à la jurisprudence, l’enregistrement d’une marque déposée de mauvaise foi peut être déclaré nul[1]. La revente de la marque Vendôme ne suffit pas à établir la mauvaise foi de la commune de Vendôme, l’objectif spéculatif du dépôt ne permettant pas à lui seul de la caractériser, faute pour le demandeur de démontrer  une intention malhonnête lors du dépôt. Or, si la commune de Vendôme a déposé la marque contestée dans l’intention de s’éviter les déboires de la commune de Laguiole, il ne peut en être déduit, même en l’absence d’activité économique dans les domaines concernés, une volonté de se constituer un droit sur le terme « Vendôme » et non de proposer, dans la vie des affaires, les produits visés à l’enregistrement. Par ailleurs, rien ne permet d’affirmer que la commune a déposé la marque dans le but de mettre en place une position de blocage susceptible de nuire aux intérêts des tiers en tirant profit de la réputation de la place Vendôme. De même, le simple fait de procéder à un nouveau dépôt, partiellement identique, du même signe dans le but d’échapper à la déchéance et ainsi créer une situation de blocage, ne saurait suffire à lui seul pour caractériser la mauvaise foi.

Décision INPI, 1er juillet 2022, NL 21-0116 (NL20210116)
Van Cleef & Arpels et Cartier International AG c. Louis Vuitton Malletier SAS

[1] À ce sujet, se reporter à l’étude « De la fraude à la mauvaise foi : un passage de relais ou une continuité en matière de nullité du dépôt d'une marque française ? » de Cécile Martin, publiée au PIBD 2022, 1175, II-1.