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Études

De la fraude à la mauvaise foi : un passage de relais ou une continuité en matière de nullité du dépôt d'une marque française ?

PIBD 1175-II-1
Par Cécile Martin
Texte

Par Cécile Martin, rédactrice au PIBD

Dans un arrêt récent[1], la Cour de cassation a affirmé que toute marque déposée en fraude des droits d'autrui était nécessairement déposée de mauvaise foi. Elle en a conclu que les décisions de justice françaises[2] rendues avant et après la directive 89/104/CEE du 21 décembre 1988, selon lesquelles l’annulation d’une marque déposée en fraude des droits d’autrui peut être demandée sur le fondement du principe « fraus omnia corrumpit », s'inscrivaient bien dans le cadre des motifs d'annulation pour dépôt de mauvaise foi prévus par les articles 3, § 2, d) et 4, § 4, g) du texte communautaire. Elle a ajouté que cette jurisprudence ancienne et constante satisfaisait aux exigences de la Cour de justice de l’Union européenne en matière de transposition des directives.

La Cour a dès lors approuvé la cour d’appel de Paris pour avoir annulé la marque française New York Fair & Lovely au motif qu’elle avait été déposée de mauvaise foi et en fraude des droits de la société Unilever. Les juges du fond avaient retenu que l’adage selon lequel « la fraude corrompt tout », qui, appliqué au droit des marques, permet d'annuler un enregistrement, supposait que soit établie la mauvaise foi du déposant. Ils avaient retenu, à partir de différents éléments de fait, que la marque avait été déposée par la société Technopharma en parfaite méconnaissance des intérêts légitimes de la société Unilever qui exploitait ses produits à l’étranger sous le signe Fair & Lovely, afin de lui bloquer l’accès au marché français.

Cette décision nous donne l’occasion de revenir sur les différents critères d’appréciation qui ont été mis en lumière par la jurisprudence française en matière de nullité de marque, au fil des nombreuses décisions rendues sur le fondement de la théorie générale de la fraude, tout en exposant en miroir les critères issus de l’interprétation, par la Cour de justice, des dispositions des textes de l’Union européenne relatives au dépôt de mauvaise foi.

1. Le cadre légal : un motif de nullité unifié en droit des marques au sein de l’Union européenne

Lors de la mise en œuvre de la réforme européenne du droit des marques, dite du « Paquet Marques », le grief relatif au dépôt de mauvaise foi a été intégré, par l'ordonnance n° 2019-1169 du 13 novembre 2019, à la liste des motifs absolus de nullité figurant dans le Code de la propriété intellectuelle[3]. La directive (UE) 2015/2436 du 16 décembre 2015 a en effet aligné, sur ce point, les systèmes de marques nationaux sur le régime de la marque de l’Union européenne en prévoyant qu’une marque est susceptible d'être déclarée nulle si la demande d'enregistrement a été faite de mauvaise foi[4].

Auparavant, la directive 89/104/CEE laissait aux États membres de l’Union européenne le choix de transposer ou non ce motif de nullité en droit interne[5]. Cette option leur est toujours offerte par la directive (UE) 2015/2436 en matière de conflits avec des droits antérieurs, dans le cas particulier où une marque qui est susceptible d’être confondue avec une marque antérieure protégée à l'étranger a été déposée de mauvaise foi[6]. Ces dernières dispositions n’ont pas été transposées dans le Code de la propriété intellectuelle.

Si le législateur français avait profité de la loi de transposition n° 91-7 du 4 janvier 1991 pour introduire, dans le droit des marques, une action en revendication de propriété dans l’hypothèse où la demande d’enregistrement a été faite en fraude des droits d’un tiers[7] – action qui n’est prévue par aucun texte de l’Union européenne –, entérinant ainsi une création jurisprudentielle, aucune disposition expresse relative au dépôt frauduleux ou de mauvaise foi n’avait été prévue en matière de nullité.

En droit français, le droit de marque naît de l’enregistrement et prend effet à compter de la date du dépôt. Il est donc en principe accordé à toute personne qui présente une demande d’enregistrement sur le signe même si celui-ci est déjà utilisé par des tiers, sous réserve toutefois du respect des règles relatives à la disponibilité du signe. Le droit de marque est ainsi considéré comme un « droit d’occupation »[8], l’enregistrement étant constitutif  de droits, et non simplement déclaratif en vue de conforter des droits qui reposeraient sur la création du signe en question ou son usage. En vertu du droit en vigueur avant la transposition de la directive (UE) 2015/2436, celui qui estimait qu’une marque avait été déposée avec malveillance à son égard, dans le dessein notamment de l'empêcher d'exploiter un signe en toute légitimité, avait donc recours à la théorie générale de la fraude s’il souhaitait obtenir l’annulation de la marque. Selon une jurisprudence bien établie, comme l’a rappelé la Cour de cassation dans son arrêt Technopharma, un acte de dépôt de marque qui semble avoir été réalisé dans les règles de l’art est susceptible d’être entaché de fraude et, à ce titre, sanctionné judiciairement[9]. La fraude, qui consiste à jouer avec la loi au détriment de l’esprit des textes, en tentant de contourner une règle juridique ou de détourner celle-ci de sa finalité, a en effet vocation à couvrir tous les domaines du droit. Ce principe général du droit autorise les tribunaux à prévoir, à l’encontre du fraudeur, des sanctions de nature à l’empêcher de tirer profit des effets de son comportement inapproprié, malgré le respect apparent de la règle de droit.

2. Critères d’appréciation dégagés par la jurisprudence française sur le fondement de la théorie générale de la fraude

2.1 Principes posés par la Cour de cassation

La Cour suprême a esquissé, en quelques grandes lignes, un cadre général permettant aux juges du fond de se prononcer sur une demande en nullité d’une marque française présentée sur ce fondement.

• La volonté de porter atteinte aux intérêts d’un tiers

Elle a posé le principe selon lequel l'annulation d'un dépôt de marque pour fraude suppose, non pas la justification de droits antérieurs de la partie plaignante sur le signe litigieux, mais que soit rapportée la preuve de « l'existence d'intérêts sciemment méconnus par le déposant »[10]. Doit être ainsi démontrée la volonté du déposant de s’approprier le signe dans le but de nuire aux intérêts d’un tiers, sans que celui-ci ait besoin d’invoquer un droit privatif opposable.

Dans l’affaire soumise à la Cour, les sociétés Roncato et Valigeria Roncato, qui avaient été créées par des membres d’une même famille, s’étaient entendues pour que la seconde commercialise les produits de la première pendant une période déterminée. La cour d’appel avait débouté la société Roncato de sa demande en nullité de la marque internationale Roncato, déposée par la société Valigeria Roncato peu avant la fin de leur collaboration, à défaut de rapporter la preuve de droits acquis sur un nom commercial antérieur. Elle a été sanctionnée pour ne pas avoir recherché si la société Valigeria Roncato n’avait pas eu l'intention, par ce dépôt, de priver la société Roncato du bénéfice lié à l'expiration des conventions conclues entre elles. La cour d’appel de renvoi a jugé que le comportement frauduleux de la société Valigeria Roncato était bien établi dès lors qu’elle avait détourné de son objet le droit des marques dans l'intention de nuire à la société Roncato. Elle a estimé qu’en étendant les effets en France de la marque internationale Rocanto, la société défenderesse avait entendu, non pas protéger ses propres droits sur la marque à l’encontre de tiers, mais empêcher son ancienne partenaire de commercialiser sur le territoire français ses produits après l'expiration du délai de non-concurrence prévu entre elles, et ainsi maintenir à son profit les effets de cet accord.

Le dépôt frauduleux pouvant être également sanctionné par le transfert de la propriété de la marque[11], les litiges en matière de revendication de propriété, lesquels sont nettement moins nombreux que ceux mettant en jeu des demandes en nullité que ce soit à titre principal ou reconventionnel, peuvent apporter des enseignements sur la notion de fraude. La Cour de cassation[12] a déclaré qu’une action en revendication de propriété ne nécessitait pas la justification d'une utilisation publique antérieure du signe par la partie poursuivante, mais la preuve de l'existence d'intérêts sciemment méconnus par le déposant. Elle a considéré que la cour d’appel de Toulouse avait bien fait ressortir la mauvaise foi de l’exploitant d’un salon de coiffure qui avait déposé la marque Coif’Up d’une manière rapide et non préparée, alors qu’il connaissait le projet de création de la marque Coiff’up développé par la société avec laquelle il avait conclu un contrat de franchise, et que les juges en avaient exactement déduit la fraude.

Il est arrivé qu’un déposant soit condamné pour avoir tenté de porter atteinte aux intérêts d’un tiers en dehors du territoire français en empêchant une société concurrente d’exploiter légitimement le signe litigieux dans un pays étranger. Ainsi, la société Lacoste, qui, il y a longtemps, avait déposé comme marque son emblème représentant un crocodile avec la tête tournée vers la droite, a voulu, en déposant plusieurs marques françaises représentant un crocodile, la tête tournée vers la gauche, et servant de base à des demandes internationales, se constituer des antériorités susceptibles d’être opposées en Chine à une société concurrente. Ces marques ont été annulées pour dépôt frauduleux. La Cour de cassation[13] a estimé que les juges du fond n’avaient pas à constater que ces dépôts auraient été de nature à porter atteinte aux intérêts, en France, de la société singapourienne Crocodile International Private qui invoquait la fraude. Le fait que la société Lacoste ait conclu auparavant un accord de coexistence, visant une partie du marché asiatique, avec cette société qui détenait à Singapour des marques incorporant le même élément figuratif que celui des marques contestées, a joué en sa défaveur. L’application de l’adage « fraus omnia corrumpit » dans le cadre d’une demande en nullité de marques françaises peut ainsi transcender le principe de territorialité qui régit traditionnellement le droit des marques.

• La volonté de priver autrui d’un signe nécessaire à son activité

Selon une jurisprudence constante de la Cour suprême[14], un dépôt de marque est entaché de fraude lorsqu'il est effectué dans l'intention de priver autrui d'un signe nécessaire à son activité, qu’elle soit présente ou à venir. S’agissant des deux premières décisions citées qui ont clairement posé ce principe, le signe invoqué par les demandeurs n’était pas un signe dont ils avaient nécessairement besoin pour identifier des produits ou des services. Dans la première espèce, il correspondait au nom d’un personnage créé par l’auteur des paroles d’une chanson. D’après la Cour, les juges d’appel auraient dû rechercher si, en procédant au dépôt de la marque Bébé Lilly, la société éditrice du disque contenant cette chanson n'avait pas cherché à s'approprier la dénomination litigieuse, privant ainsi l’auteur de toute possibilité d’exploiter le personnage dans l'exercice de son activité et de développer des œuvres le mettant en scène. Dans la seconde affaire, le signe était constitué du pseudonyme qu’un producteur avait attribué à une artiste-interprète, puis déposé à titre de marque. Après la rupture de leurs relations contractuelles, l’artiste l’avait poursuivi en nullité de la marque Emma Shapplin pour dépôt frauduleux, mais elle avait été déboutée, faute de justifier de la réalité de l’usage de ce signe. La Cour de cassation a estimé que le signe litigieux désignant l’artiste, et non pas l’œuvre en cours de réalisation, le producteur avait bien eu connaissance, à la date du dépôt de la marque, de la nécessité pour la demanderesse d’en disposer pour ses activités ultérieures.

Les activités revendiquées par les tiers s’estimant lésés peuvent concerner tout autant le domaine des affaires que le secteur culturel ou social. Un litige a opposé la ville de Paris à une association dénommée La Forge de Belleville à propos d’une marque éponyme désignant notamment les services d’éducation, de formation, de divertissements, d’activités sportives et culturelles, de loisirs et de production de films. La ville avait acquis un ancien site industriel qu’occupait un collectif d’artistes plasticiens. À l’issue d’un combat mené par des associations pour faire obstacle à ses projets immobiliers, elle avait confié la gestion des ateliers à l’association La Forge de Belleville pour continuer à développer des activités culturelles et artistiques sur le site. Après que la ville lui a signifié son congé, l’association l’a poursuivie en revendication de la propriété de la marque La Forge de Belleville, estimant que celle-ci avait été déposée en fraude de ses droits. La cour d’appel a rejeté cette action en retenant notamment que la ville était propriétaire du site qui était déjà désigné sous l’appellation litigieuse avant que l’association ne soit créée, et que, depuis vingt ans, des artistes avaient contribué au rayonnement de cette dénomination. L’arrêt a été cassé au motif qu’à la date du dépôt de la marque, la ville de Paris avait connaissance de l’utilisation par l’association, depuis plusieurs années, de la dénomination « La Forge de Belleville » pour aider et promouvoir des artistes plasticiens et que l’enregistrement de cette marque pour des activités culturelles et de loisirs aurait pour effet de priver l’association de cet usage.

Pour que l’action en justice prospère, il faut démontrer que le déposant a eu l’intention d’entraver des activités rentrant dans le champ des produits ou services désignés dans l’enregistrement litigieux. Ainsi, dans l’une des affaires citées, la cour d’appel de Paris avait débouté la commune de Laguiole de sa demande en nullité de plusieurs marques comportant le nom « Laguiole ». Elle avait relevé que la commune s'abstenait de préciser en quoi ces dépôts de marques portaient préjudice à ses propres activités et d'expliciter les activités requérant l'usage du signe « Laguiole » dont les dépôts pourraient la priver. Les juges d’appel ont été sanctionnés par la Cour de cassation sur ce point, la commune ayant dressé dans ses écritures un tableau précisant, pour chacune des activités pour lesquelles elle-même ou ses administrés exploitaient le signe « Laguiole », le libellé des produits et services visés aux enregistrements, relevant de trente-sept classes, qu'elle considérait comme similaires, complémentaires ou interchangeables. La cour d’appel de renvoi a estimé que la commune justifiait par de nombreuses pièces qu'elle intervenait dans des activités économiques ou sociales identiques ou similaires aux produits et services protégés par les marques litigieuses. Elle pouvait en effet revendiquer des activités dans la coutellerie et la gastronomie, par son fromage AOP, son restaurant 3 étoiles au guide Michelin, ses saucissons, sa brioche « La Fouace » et sa race bovine « aubrac », et également des activités liées à une station de ski, des randonnées ou des festivals et fêtes de village.

Un parallèle peut être établi avec un litige portant sur l’interprétation de la mauvaise foi, telle qu’elle est prévue par le Code de la propriété intellectuelle dans le cadre de la prescription d’une action en revendication de propriété. La société Compagnie des Bateaux Mouches, qui exerce comme activité le transport fluvial sur la Seine, avait été déclarée irrecevable en sa demande en revendication de la propriété des marques Bateaux Mouches Paris Pont de l'Alma et Bateaux Mouches, désignant notamment les porte-clés, montres, photographies, cartes postales, dépliants, parapluies, porte-monnaie et sacs à main. Ces marques avaient été déposées par l’ancien exploitant d’une boutique située dans les locaux de la société, dans laquelle étaient vendus des films, photographies, cartes postales, guides touristiques, bibelots, souvenirs et tee-shirts. La cour d’appel avait relevé qu'aux dates de dépôt des marques litigieuses, la Compagnie des Bateaux Mouches n'exploitait pas une activité de vente de souvenirs ou de bibeloterie concurrente de celle du déposant et qu'elle n'avait pu envisager de développer une telle activité que trois ans plus tard, de sorte que la mauvaise foi du déposant n'était pas caractérisée et que l’action était dès lors prescrite. Mais selon la Cour de cassation, les juges auraient dû rechercher si, en déposant ces marques dont il n'a jamais fait usage, l’ancien exploitant, qui avait été antérieurement autorisé à exercer une activité de vente d'articles de souvenirs et de bibeloterie, n'avait pas entendu faire obstacle au développement d'une telle activité par la société demanderesse, dont la dénomination sociale et le nom commercial comportaient la même expression.

2.2 Un ensemble d’éléments relevés par les juges du fond sous le contrôle de la Cour de cassation

L’appréciation du dépôt frauduleux d’une marque requiert l’examen d’un certain nombre d’éléments factuels qui varient suivant chaque espèce, rendant assez difficile l’élaboration d’une définition juridique unique de la fraude dans ce domaine. Il n’existe pas véritablement d’arrêts de principe permettant de cerner le dépôt frauduleux dans toutes ses facettes. La Cour de cassation renvoie en général à l’appréciation souveraine des éléments de fait par les juges du fond, à qui il appartient d’apprécier globalement l’existence de la fraude en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce[15]. Elle exerce toutefois son contrôle sur la motivation des juges ou les conséquences légales de leurs constatations, et veille ainsi à la juste application des critères précités.

• La connaissance de la nécessité pour un tiers de disposer du signe

Il ressort de la plupart des affaires soumises à la Cour suprême[16] que l’appréciation de la fraude implique qu’il soit établi au préalable que le déposant de la marque connaissait l’existence du signe en cause et savait qu’un tiers avait besoin d’en disposer pour ses activités actuelles ou pour un projet en cours de développement. Ainsi, la Cour de cassation[17] a approuvé des juges d’appel pour avoir jugé que le dépôt de la marque Scootlib, désignant notamment un service de « location de véhicules », n’était pas frauduleux malgré la forte notoriété du service de location de bicyclettes, dénommé « Velib’ », proposé par la ville de Paris. Il n'était en effet pas établi que la mise en œuvre d'un projet de développement d'un service « Scootlib » avait fait l'objet d'une évocation publique par la ville de Paris avant le dépôt de la marque litigieuse, ni que la société déposante avait connaissance de ce projet au jour du dépôt de la marque.

La connaissance, à cette date, de l’utilisation par un tiers d’un signe identique ou similaire ou encore d’un projet en ce sens se déduit souvent de la préexistence de relations d’affaires entre les parties, qui ont pu être liées par un accord de coexistence de marques, un partenariat, un contrat de franchise ou encore un contrat de production phonographique[18]. Ainsi, le dépôt de la marque e-soleau pour développer une activité identique à celle de l’INPI, peu de temps après l’abandon d’un projet de collaboration entre l’office et une société anglaise portant sur le développement d’un service de dépôt en ligne, a été déclaré frauduleux par un arrêt de la cour d’appel de Paris, approuvé par la Cour de cassation[19]. Les juges du fond avaient retenu que le déposant, qui était lié à cette société, avait une parfaite connaissance de l’existence du service « enveloppe Soleau » fourni par l’INPI, ainsi que de la dénomination que l’institut projetait d’adopter pour son futur service, et qu’il avait donc agi avec l’intention de priver celui-ci de l’usage d’un terme nécessaire au développement de son activité et de nuire à ses intérêts.  

Dans certains litiges[20], il était reproché aux juges d’appel d’avoir, à tort, déduit le caractère frauduleux du dépôt de marque de la seule connaissance par le déposant de l’usage antérieur du signe par un concurrent. Ce grief a été écarté par la Cour suprême, les juges du fond ayant fait ressortir, dans les deux premières affaires citées, que le dépôt avait été effectué dans l'intention de priver la partie invoquant la nullité d'un signe nécessaire à la poursuite de son activité. Dans la troisième affaire, les juges avaient constaté l’antériorité de l’usage du signe par la personne agissant en revendication de propriété et le fait que celle-ci en avait informé son concurrent quelques jours avant qu’il ne dépose la marque. Il en résultait, selon la Cour de cassation, que le déposant avait eu connaissance de la nécessité, pour ce tiers, de disposer du signe pour ses activités. D’autres juges du fond, sans être contredits par la Cour de cassation[21], ont affirmé plus clairement que le fait que le déposant de la marque contestée ait su ou aurait dû savoir qu'un tiers utilisait un signe identique ou similaire pour un produit ou service identique ou similaire à ceux visés au dépôt ne suffisait pas, à elle seule, à établir l'existence de la mauvaise foi, et donc à caractériser la fraude. Il s’agit d’un emprunt par la cour d’appel de Versailles, sans que cela soit dit explicitement, à l’arrêt Chocoladefabriken Lindt [22] de la Cour de justice de l’Union européenne qui a apporté des précisions sur l’appréciation du dépôt de mauvaise foi d’une marque de l’Union européenne. En conséquence, pour prouver le caractère frauduleux du dépôt de marque, il convient d’apporter d’autres éléments qui permettent de caractériser l'intention qui sous-tend l’acte de dépôt.  

• L’intention frauduleuse visant une pluralité d’acteurs économiques

L’intention maligne reprochée peut viser, non seulement les intérêts d’un concurrent en particulier, mais également les intérêts de l’ensemble d’une profession ou des opérateurs d’un même secteur économique ou géographique, comme ceux des administrés d’une commune. Dans certaines affaires, il était reproché au déposant de la marque litigieuse de poursuivre une véritable stratégie commerciale visant à empêcher les tiers d’utiliser le signe convoité, dans le but de s’arroger un monopole sur l’utilisation du signe et de se réserver ainsi, à leur détriment, un accès privilégié à un marché. À titre d’exemple, dans une décision assez récente n’ayant pas fait l’objet d’un pourvoi, les juges du fond[23] ont estimé qu’en s’appropriant la marque Parc de Wesserling, identifiant une zone géographique, le but du déposant était de se réserver un accès à un marché local au détriment des autres opérateurs, notamment ceux en charge des intérêts de cette zone, comme l'association pour la Gestion et l’Animation du Parc de Wesserling, qui est chargée de son entretien, de sa gestion et de l'organisation d'animations à caractère touristique ou culturel, et la communauté de communes de la Vallée de St Amarin, qui a développé les espaces d'entreprises du Parc de Wesserling, au sein desquels le déposant louait des locaux. Une confusion aurait pu exister, dans l’esprit du public, entre les produits vendus par le titulaire de la marque et les articles textiles similaires proposés dans les boutiques du site. La cour d’appel de Colmar en a conclu que la mauvaise foi du déposant était établie et dès lors le caractère frauduleux du dépôt, et a fait droit à la demande en revendication de propriété.

Dans une autre affaire[24], les juges de la cour d’appel de Toulouse ont été sanctionnés par la Cour de cassation pour avoir rejeté les demandes en nullité de la marque semi-figurative comportant le chiffre 29, correspondant au numéro du département du Finistère, qui avait été déposée pour désigner des vêtements. Ce département était intervenu volontairement dans un litige en contrefaçon qui opposait la société Bil Toki, titulaire de cette marque, à la société Julou Compagnie qui commercialisait principalement en Bretagne des vêtements sur lesquels était apposé le chiffre 29 dans un cercle. Les premiers juges avaient estimé qu’il ne pouvait être reproché à la société déposante d'avoir cherché à utiliser le « protectionnisme économique permis par le Code de la propriété intellectuelle pour se réserver l'accès aux marchés potentiels que sont les départements à forte identité culturelle » et que « le dépôt de la marque relevait donc d'une bonne gestion d'une entreprise qui préserve ses meilleures chances de croissance ». La Cour de cassation a considéré qu’il en résultait que le droit de marque n'était pas constitué et utilisé pour distinguer des produits et services en identifiant leur origine, mais qu’il se trouvait détourné de sa fonction dans le but de se réserver, par l'appropriation d'un signe identifiant un département, un accès privilégié et monopolistique à un marché local au détriment des autres opérateurs. La société Bil Toki était également titulaire de la marque constituée du chiffre 64 entouré d’un cercle, évoquant le pays basque, et commercialisait, essentiellement sur Internet, des produits textiles sous ce signe mais aussi sous d'autres numéros de département. La cour d’appel de renvoi a annulé la marque 29 en relevant que l’utilisation de ce signe était sporadique et, en plus, effectuée sous la bannière de la marque 64 qui apparaissait comme la réelle marque d'identification des produits commercialisés par la société Bil Toki.

En revanche, dans une affaire où il était reproché au PMU d’avoir cherché, par le dépôt des marques semi-figuratives « simple », « couplé », « trio », « tiercé », « quarté+ », « quinté+ »,  à contourner une réglementation mettant fin à son monopole sur les paris en ligne, portant ainsi atteinte aux intérêts généraux des opérateurs du secteur des paris hippiques, la Cour de cassation[25] est revenue sur la décision des juges du fond d’annuler ces marques. La cour d’appel de Paris, qui avait retenu que le PMU avait déposé ces marques de mauvaise foi, dans l'intention de conserver le monopole dont il bénéficiait avant la loi du 12 mai 2010 en détournant le droit des marques de sa finalité, aurait dû rechercher si, à la date du dépôt des marques litigieuses, le PMU avait pu avoir connaissance de la future ouverture à la concurrence des paris en ligne.

Dans l’affaire Laguiole[26], la Cour suprême a reproché à la cour d’appel de Paris de pas avoir recherché si le dépôt d'un ensemble de marques comprenant le nom « Laguiole », pour désigner de nombreux produits et services sans lien de rattachement avec la commune de Laguiole, ne s'inscrivait pas dans une stratégie commerciale visant à priver celle-ci, ou ses administrés actuels ou potentiels, de l'usage de ce nom nécessaire à leur activité, caractérisant ainsi la mauvaise foi du déposant et entachant de fraude les dépôts effectués. La cour d’appel de renvoi a d’abord relevé que le fait de déposer des marques dans plusieurs classes n'était pas en soi illicite et s'expliquait notamment par la grande diversité des produits exploités par les sociétés auxquelles les titulaires des marques avaient octroyé des licences. Mais, elle a considéré qu’en l’espèce, la multiplicité des dépôts pour des activités identiques ou similaires à celles revendiquées, ainsi que le fait de s’opposer à des dépôts de marques comportant le terme « Laguiole », conduisaient à priver la commune de Laguiole ou ses administrés de l'usage de ce nom.

Dans toutes ces affaires, le dépôt de marque revêt toutes les apparences de la légalité. Il semble avoir été effectué dans le seul but de commercialiser des produits ou de proposer des services sous le signe couvert par la marque, en utilisant celle-ci conformément à sa fonction essentielle d’indication de l’origine des produits ou services visés dans l’enregistrement. Cependant, dans certaines hypothèses, le dépôt procède en réalité d’une intention moins louable sur le plan économique, au regard de la loyauté qui est supposée gouverner les relations dans le monde des affaires. Il peut révéler chez le déposant la volonté de se constituer, grâce à l’exclusivité d’exploitation accordée par le titre de propriété industrielle, un monopole de fait sur un marché afin d’évincer ses concurrents en s’appropriant indûment un signe qui leur est utile.

Il arrive aussi que, sans même avoir l’intention d’exploiter la marque, le déposant ait uniquement pour objectif d’utiliser le titre de propriété industrielle comme un moyen de pression à l’égard de l’ensemble des opérateurs d’un marché pour en retirer un avantage financier, par le biais, par exemple, de concessions de licences. La cour d’appel de Paris a ainsi reconnu qu’une société, ayant pour activité le conseil aux entreprises, avait déposé la marque Halloween pour désigner divers produits alimentaires, dont le sucre, la confiserie et la pâtisserie, dans le seul but d’empêcher les professionnels du secteur de la confiserie d’utiliser ce terme correspondant au nom d’une fête anglo-saxonne, alors en plein essor en France, à moins qu’ils n’acceptent de conclure une licence. Ces professionnels étaient représentés par la chambre syndicale nationale de la confiserie qui défendait l’intérêt collectif de ses membres. La Cour de cassation[27] a approuvé l’arrêt qui a déclaré le syndicat recevable et bien fondé en sa demande tendant à l’annulation de la marque Halloween pour dépôt frauduleux.

2.3 La définition du dépôt frauduleux par les juges du fond

Au-delà de tous les éléments de fait qu’ils ont pu relever à travers leurs nombreuses décisions, les juges du fond se sont attachés à apporter une définition de la fraude construite patiemment et reflétant les enseignements des arrêts de la Cour de cassation.

• Une formule générale déclinée en plusieurs versions

Dans une décision récente de la cour d’appel de Paris[28], statuant sur une demande en nullité d’une marque française, est mise en exergue la formule suivante : « Ainsi, un dépôt de marque est frauduleux lorsqu'il est effectué dans l'intention de priver autrui d'un signe nécessaire à son activité présente ou ultérieure ; la fraude est caractérisée dès lors que le dépôt a été opéré pour détourner le droit des marques de sa finalité, [c’est-à-dire] non pour distinguer des produits et services en identifiant leur origine, mais pour priver des concurrents du déposant d'un signe nécessaire à leur activité ; le caractère frauduleux du dépôt s'apprécie au jour du dépôt et ne se présume pas, la charge de la preuve de la fraude pesant sur celui qui l'allègue ». Les juges ajoutent que, pour apprécier la fraude, tous les facteurs pertinents du cas d'espèce doivent être considérés, reprenant ainsi le vocabulaire utilisé par la Cour de justice dans son arrêt Chocoladefabriken Lindt & Sprüngli pour caractériser la mauvaise foi. Au sein d’un énoncé similaire à celui cité, il est parfois précisé que, parmi les tiers pouvant être lésés par un dépôt frauduleux, figurent non seulement des concurrents du déposant mais aussi « tous les opérateurs d'un même secteur » [29].

Certaines décisions font expressément référence à l’intention de nuire. Ainsi, un arrêt de la cour d’appel de Paris[30] expose le principe selon lequel « celui qui se prétend victime d'une fraude doit justifier que le dépôt a été fait dans la seule intention de lui nuire pour le priver ou entraver son activité et qu'il ne poursuit ainsi pas un but légitime au regard des fonctions de la marque ». Un arrêt[31] plus récent de la cour d’appel de Douai déclare que « l'annulation d'un dépôt de marque, pour fraude, ne suppose pas la justification de droits antérieurs de la partie plaignante sur le signe litigieux, mais la preuve de l'existence d'intérêt sciemment méconnu par le déposant » et qu’« un dépôt doit ainsi être considéré comme frauduleux lorsque le droit de marque n'est pas constitué et utilisé pour distinguer des produits ou des services en identifiant leur origine, mais détourné de sa fonction dans la seule intention de nuire aux intérêts d'un tiers en le privant intentionnellement d'un signe qu'il utilise ou s'apprête à utiliser ».

À la lecture de toutes ces décisions, le détournement du droit des marques semble constituer la pierre angulaire de la notion de dépôt frauduleux, la jurisprudence reliant ce critère à la fonction d’indication d’origine de la marque, laquelle consiste à garantir au consommateur l’identification de l’origine du produit ou du service désigné par la marque, en lui permettant de distinguer sans confusion possible ce produit ou ce service de ceux ayant une autre provenance. Dans certaines de ces affaires[32], le déposant avait bien l’intention de commercialiser ses produits ou de proposer ses services sous la marque litigieuse, mais il lui était reproché d’avoir été principalement guidé par un dessein étranger à l’esprit du droit des marques, celui de priver illégitimement des tiers d’un signe nécessaire à leurs activités, qu’elles relèvent du monde des affaires ou de la sphère associative à visée culturelle ou sociale. Dans d’autres espèces[33], le détournement du droit des marques aurait pu éventuellement se manifester – ce qui, en définitive, n’a pas été reconnu par les juges – dans la volonté du déposant de conforter artificiellement ses droits afin de contourner des décisions de justice ayant prononcé la déchéance d’une marque plus ancienne, et ce, au mépris des intérêts de tiers menacés d’une action en contrefaçon. L’intention frauduleuse a en revanche été retenue par les juges[34] dans un litige où une société réclamait la nullité d’une marque en faisant valoir qu’elle avait formé opposition à l’enregistrement d’une autre marque appartenant à la société défenderesse. Il apparaissait que cette dernière avait tenté d’échapper, par le dépôt d’une nouvelle marque, aux conséquences de la procédure d’opposition en cours. Le détournement du droit des marques peut, par ailleurs, résulter d’une tentative d’opposer une marque à un tiers afin de le contraindre à consentir un avantage personnel consistant, par exemple, en une redevance au titre d’une licence de marque[35] ou bien dans le cadre d’une stratégie judiciaire pour soutenir une argumentation juridique au cours d’un procès[36]. Par ailleurs, la multiplication des dépôts de marques[37], sans que soit caractérisée l’intention d’exploiter celles-ci conformément à leur fonction essentielle, peut révéler la volonté de tirer profit de ces titres en introduisant des actions en contrefaçon à l’encontre de tiers qui utilisent avec succès les signes en cause dans leurs activités.

• Le critère de la mauvaise foi

Dans tous les cas de figure envisagés, l’intention frauduleuse paraît révéler, par sa nature même, la mauvaise foi du déposant. Dans l’affaire Technopharma, les juges d’appel[38] déclarent en effet que le principe « fraus omnia corrumpit », sur lequel était fondée l’action en nullité de la marque française, suppose que soit établie la mauvaise foi du déposant, tout en précisant que cette notion n’est définie ni en droit français, ni dans la législation de l'Union européenne. Si cette juridiction, approuvée sur ce point par la Cour de cassation, semble considérer que la fraude porte nécessairement en elle la notion de mauvaise foi, certains auteurs[39] font part de leurs doutes à l’égard de ce postulat. Ils soulignent notamment que la prescription quinquennale de l’action en revendication de propriété risque de perdre sa raison d’être puisqu’elle est écartée en cas de mauvaise foi du déposant, mettant ainsi ­au jour une possible confusion entre l’examen de la recevabilité et l’examen au fond[40].

La notion de mauvaise foi apparaissait déjà, avant l’arrêt Technopharma de la Cour de cassation, dans certaines décisions des juges du fond[41]. Mais celles-ci ne sont pas les plus nombreuses parmi celles rendues depuis une quinzaine d’années en matière de nullité ou de revendication de propriété d’une marque pour dépôt frauduleux. Aucune définition spécifique de la mauvaise foi n’émerge de ces décisions, les juges s’appuyant généralement, pour caractériser la mauvaise foi du titulaire de la marque au moment du dépôt, et donc juger si la fraude est établie, sur les critères d’appréciation et les différents éléments factuels précédemment exposés. La Cour de cassation[42] fait parfois elle-même référence à la mauvaise foi lors de son contrôle de l’appréciation du dépôt frauduleux, que les moyens du pourvoi ou les juges du fond l’évoquent ou non, ce critère paraissant se fondre alors dans la notion même de fraude.

Dans l’affaire Technofarma, la Cour de cassation apporte un nouvel éclairage sur l’articulation entre ces notions. Elle affirme en effet qu’en l'absence d’une reprise formelle et textuelle dans le Code de la propriété intellectuelle des dispositions de la directive 89/104/CEE du 21 décembre 1988 relatives au dépôt de mauvaise foi, l’application par la jurisprudence française de la théorie de la fraude pour annuler un dépôt de marque équivaut à une juste transposition de ces dispositions. En conséquence, les juges du fond – et le directeur général de l’INPI[43], s’agissant des demandes principales – sont liés par l'interprétation de la mauvaise foi donnée par la Cour de justice de l’Union européenne, lors de l’examen des demandes en nullité de marques françaises présentées sur le fondement de la fraude, sachant que seul ce fondement peut être invoqué pour les marques déposées avant l’entrée en vigueur de l’ordonnance n° 2019-1169 du 13 novembre 2019, le 11 décembre 2019. Certaines juridictions du fond[44] avaient déjà pris les devants en se référant expressément à l’arrêt Chocoladefabriken Lindt & Sprüngli et aux différents facteurs proposés par la Cour de justice pour caractériser la mauvaise foi, tandis que d’autres[45] s’en étaient inspirés de manière implicite. À l’occasion d’une affaire dans laquelle la cour d’appel de Paris avait été amenée à examiner la mauvaise foi du déposant dans le cadre de la prescription d’une action en revendication de propriété, la Cour de cassation[46] a, elle aussi, repris de manière similaire un énoncé de l’arrêt de la Cour de justice. Elle a ainsi déclaré que « l'intention du déposant au moment du dépôt des demandes d'enregistrement est un élément subjectif qui doit être déterminé par référence à l'ensemble des facteurs pertinents propres au cas d'espèce ». Elle a ajouté que ces éléments factuels pouvaient être postérieurs au dépôt. La Cour a dès lors cassé l’arrêt de la cour d’appel qui avait estimé que l’absence d’exploitation des marques litigieuses n'était pas de nature à établir la mauvaise foi du titulaire des marques au jour du dépôt au motif que cette circonstance était nécessairement postérieure au dépôt.

3. Critères dégagés par la Cour de justice de l’Union européenne sur le fondement du dépôt de mauvaise foi

3.1 La définition de la mauvaise foi

La mauvaise foi est considérée, au regard de l’objectif d’harmonisation des règles de fond en matière de marques, comme une notion autonome[47] du droit de l'Union européenne, et donc sujette à une interprétation commune à tous les États membres. Faute d’une définition de cette notion dans les textes de l’Union européenne, que ce soit la directive 89/104/CEE du 21 décembre 1988 ou le règlement 40/94 du 20 décembre 1993, la Cour de justice a dû en dessiner elle-même les contours. Dans son arrêt Koton[48] rendu sur un pourvoi formé contre une décision du Tribunal de l’Union européenne dans le cadre d’une procédure devant l’EUIPO en nullité d’une marque de l’Union européenne, elle a d’abord rappelé le sens habituel de cette notion dans le langage courant, selon lequel la mauvaise foi suppose la présence d’un état d’esprit ou d’une intention malhonnête. Prenant en compte le contexte particulier du droit des marques, lié au monde des affaires, ainsi que les objectifs poursuivis par le règlement (CE) n° 207/2009 du 26 février 2009, elle a ensuite considéré que la mauvaise foi est caractérisée lorsqu’il ressort d’indices pertinents et concordants que le déposant a introduit la demande d’enregistrement, non pas dans le but de participer de manière loyale au jeu de la concurrence, mais avec l’intention de porter atteinte, d’une manière non conforme aux usages honnêtes, aux intérêts de tiers ou avec l’intention d’obtenir, sans même viser un tiers en particulier, un droit exclusif à des fins autres que celles relevant des fonctions d’une marque, notamment de la fonction essentielle d’indication d’origine.

3.2 Son appréciation au vu d’un faisceau d’indices

Comme l’a indiqué la Cour de justice dans son arrêt Chocoladefabriken Lindt & Sprüngli [49], l’intention du demandeur de la marque est un élément subjectif qui doit être déterminé par référence aux circonstances objectives du cas d’espèce. Répondant aux questions préjudicielles qui lui étaient posées à l’occasion d’un litige ayant lieu en Autriche et portant sur une demande reconventionnelle en nullité d’une marque de l’Union européenne, elle a énoncé que l'existence de la mauvaise foi doit être appréciée globalement, en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d'espèce existant au moment du dépôt de la demande d’enregistrement.  Elle a notamment retenu trois facteurs : le fait que le déposant sait ou doit savoir qu’un tiers utilise, dans au moins un État membre, un signe identique ou similaire pour un produit identique ou similaire prêtant à confusion avec le signe demandé, l’intention du déposant d’empêcher le tiers de continuer à utiliser un tel signe et, enfin, le degré de protection juridique dont jouissent les signes en litige.

Dans le même arrêt, la Cour de justice a apporté des précisions sur ces éléments. S’agissant de la connaissance, par le demandeur de la marque, de l’utilisation du signe par un tiers, il peut s’agir d’une simple présomption, résultant notamment d’une connaissance générale dans le secteur économique concerné qui est susceptible d’être déduite, entre autres, de la durée d’utilisation du signe. Mais cette circonstance ne suffit pas, à elle seule, pour que soit établie l’existence de la mauvaise foi. Il convient également de prendre en considération l’intention du demandeur au moment du dépôt de la demande d’enregistrement. Ainsi, l’intention d’empêcher un tiers de commercialiser un produit peut caractériser la mauvaise foi, notamment dans le cas où il s’avère que le demandeur a fait enregistrer le signe sans intention de l’utiliser, mais uniquement en vue d’empêcher l’entrée d’un tiers sur le marché, la marque ne remplissant pas alors sa fonction essentielle d’indication d’origine. De même, peut constituer un facteur pertinent le fait qu’un tiers utilise depuis longtemps un signe qui, en raison de ses mérites propres – notamment grâce à la notoriété dont il jouit –, a déjà obtenu un certain degré de protection juridique.

Dans l’arrêt Koton, la Cour a estimé que, dans l’affaire Chocoladefabriken Lindt & Sprüngli, elle visait, au vu des circonstances de l'affaire à l’origine de sa saisine, l’hypothèse dans laquelle plusieurs producteurs sur le marché utilisaient des signes identiques ou similaires pour des produits identiques ou similaires, et prêtant à confusion avec le signe dont l’enregistrement était demandé. Il y avait lieu d’examiner dans ce cas si le demandeur de la marque en avait connaissance, cet élément n’étant qu’un facteur pertinent parmi d’autres. Cependant, selon la Cour, des situations différentes peuvent se présenter devant les juges nationaux, en dehors de tout risque de confusion entre le signe utilisé par un tiers et la marque contestée ou même en l’absence d’utilisation par un tiers d’un signe identique ou similaire à la marque contestée. D’autres circonstances factuelles peuvent alors constituer des indices pertinents et concordants établissant la mauvaise foi, tels que l’existence de relations commerciales entre les parties qui ont été rompues, la logique commerciale dans laquelle s’inscrit le dépôt au regard des activités du demandeur de la marque ou encore la chronologie des évènements ayant abouti au dépôt[50]. Comme l’a dit récemment le Tribunal de l’Union européenne[51], les facteurs qui sont énumérés dans l’arrêt Chocoladefabriken Lindt & Sprüngli ne sont que des illustrations parmi un ensemble d’éléments susceptibles d’être pris en compte pour se prononcer sur l’éventuelle mauvaise foi du demandeur de la marque et qu’ainsi, l’absence de l’un ou l’autre de ces facteurs ne s’oppose pas nécessairement, selon les circonstances propres de l’espèce, à ce que soit constatée la mauvaise foi.

Saisie de questions préjudicielles par une juridiction britannique qui devait statuer sur des demandes reconventionnelles en nullité d’une marque nationale et d’une marque de l’Union européenne, la Cour de justice a dernièrement déclaré dans son arrêt Sky[52], au visa notamment de l’article 3, § 2, d) de la directive 89/104/CEE, qu’une demande de marque introduite sans aucune intention de l’utiliser pour les produits et les services visés par l’enregistrement ne constitue un acte de mauvaise foi que si, conformément à l’arrêt Koton, le demandeur de la marque avait l’intention, soit de porter atteinte aux intérêts de tiers d’une manière non conforme aux usages honnêtes, soit d’obtenir, sans même viser un tiers en particulier, un droit exclusif à des fins autres que celles relevant des fonctions d’une marque. La Cour a précisé que la mauvaise foi ne saurait être présumée du seul fait qu’à la date de la demande d’enregistrement, le déposant n’avait aucune activité économique correspondant aux produits et services visés. Il n’est en effet pas tenu de connaître avec précision, à cette date, l’usage qu’il fera de la marque puisqu’il dispose d’un délai de cinq ans pour entamer un usage effectif conforme à la fonction essentielle de la marque.  

Les juridictions nationales sont donc invitées par la Cour de justice, afin d’apprécier la mauvaise foi du déposant, à s’attacher aux circonstances factuelles propres à chaque espèce, lesquelles constituent une sorte de faisceau d’indices. Dans l’affaire Technopharma, la cour d’appel de Paris avait, quant à elle, relevé l’absence d’intention, chez la société britannique poursuivie en nullité, d’exploiter la marque en France pour ses propres produits et le fait qu’elle savait que les sociétés adverses utilisaient un signe similaire à l’étranger, pour des produits de même nature, et connaissait leur projet d’expansion territoriale, ces éléments révélant sa volonté de bloquer l'entrée de ces produits sur le marché français sur lequel ils n’étaient pas encore commercialisés, et, par suite, son intention de nuire aux intérêts de ces sociétés.

4. Conclusion 

Désormais, deux voies fondées sur les dispositions du Code de la propriété intellectuelle s’offrent à un justiciable ou requérant dans l’hypothèse où un dépôt d’une marque française a été effectué dans un but manifestement étranger à la finalité du droit des marques : l’action en revendication de la propriété de la marque dont l’enregistrement a été demandé en fraude des droits d’un tiers et l’action en nullité de la marque dans le cas où le dépôt a été effectué de mauvaise foi. Cependant, le recours à la théorie générale de la fraude s’avère incontournable pour les demandes en nullité de marques françaises dont la date de dépôt est antérieure à l’entrée en vigueur de l’ordonnance n° 2019-1169 du 13 novembre 2019. Il est possible que les préceptes de l’arrêt Technopharma conduisent à une harmonisation de la motivation des décisions judiciaires ou administratives rendues sur l’un ou l’autre de ces fondements.

Toutefois si, selon la Cour de cassation, toute marque déposée en fraude des droits d’autrui est nécessairement déposée de mauvaise foi, l’on peut se demander si un dépôt effectué de mauvaise foi est systématiquement frauduleux. Même si l’expression « en fraude des droits d’autrui » peut paraître aujourd’hui inappropriée et qu’il serait sans doute plus heureux de se référer de manière plus large aux « intérêts d’autrui » qui auraient été bafoués par l’instrumentalisation du droit des marques, son utilisation montre qu’en droit français, le dépôt de marque est généralement considéré comme frauduleux lorsqu’il vise à porter atteinte aux intérêts légitimes de tiers, fussent-ils, de manière un peu abstraite, un ensemble d’opérateurs d’un secteur déterminé. Or, il semble que, dans son arrêt Koton, la Cour de justice de l’Union européenne ait donné un contenu plus étendu au dépôt de mauvaise foi en distinguant, d’une part, l’intention de porter atteinte, d’une manière non conforme aux usages honnêtes, aux intérêts de tiers et, d’autre part, l’intention d’obtenir, sans même viser un tiers en particulier, un droit exclusif à des fins autres que celles relevant des fonctions d’une marque[53]. Cette évolution du droit des marques, avec l’introduction de ce motif absolu de nullité dans les législations nationales, s’inscrit dans un mouvement qui tend à défendre l’intérêt général afin de garantir un usage loyal et honnête du système des marques, conformément aux objectifs des textes de l’Union européenne, et d’assurer ainsi une concurrence non faussée dans l’Union. Cette tendance semble confortée par la disparition de l’exigence de l’intérêt à agir[54] pour les demandes principales en nullité des marques françaises, dans le cadre de la nouvelle procédure administrative en nullité qui a été mise en place devant l’INPI sous l’impulsion des autorités européennes lors de la réforme dite du « Paquet Marques ».

[1] Cass. com., 17 mars 2021, Technopharma Ltd c. Unilever NV et al., 18-19.774 (M20210077 ; PIBD 2021, 1167, III-3 ; Propr. industr., nov. 2021, comm. 61, p. 34, P. Tréfigny ; RJDA, nov. 2021, p. 1024, obs. ; Légipresse, 394, juill.-août 2021, p. 339, comm. de C. Piedoie ; RTD Com., 2, avr.-juin 2021, p. 341, chron. de J. Passa).

[2] V. notamment : CA Paris, pôle 5, 2e ch., 30 mars 2018, Défense de l'animal c. SPA, 17/07421 (M20180138 ; Propr. industr., sept. 2018, p. 51, note de P. Tréfigny ; D., 8, 7 mars 2019, p. 458, note). Les juges estiment que si la loi n° 64-1360 du 31 décembre 1964, applicable en l’espèce en raison de la date de dépôt de la marque, « ne comportait pas de dispositions sur le caractère frauduleux d'un dépôt, le principe général selon lequel "la fraude corrompt tout" reste applicable et permettait, même sous la législation ancienne, d'annuler un enregistrement de marque du fait du caractère frauduleux du dépôt ».

[3] Cf. article L. 711-2 du CPI, tel que modifié par l’ordonnance, lu en combinaison avec l’article L. 714-3.

[4] Cf. article 4, § 2 de la directive (UE) 2015/2436 .

[5] Cf. article 3, § 2, d) de la directive 89/104/CEE.

[6] Cf. article 5, § 4, c) de la directive (UE) 2015/2436.

[7] Cf. article L. 712-6 du CPI : « Si un enregistrement a été demandé soit en fraude des droits d'un tiers, soit en violation d'une obligation légale ou conventionnelle, la personne qui estime avoir un droit sur la marque peut revendiquer sa propriété en justice ».

[8] CA Paris, pôle 5, 2e ch., 6 juill. 2018, Reder SAS c. GALEC et al., 17/13596 (M20180275 ; PIBD 2018, 1102, III-627).

[9] V. l’arrêt de la cour d’appel dans l’affaire Technopharma : « Le principe "fraus omnia corrumpit" sur lequel les sociétés Unilever fondent leur action existait en droit français dès avant la directive de 1988 et constitue un cas de nullité absolue qui, appliqué au droit des marques, permet d'annuler un enregistrement ; dès lors les sociétés Unilever pouvaient opter pour une demande en annulation sans revendiquer la propriété de la marque » (CA Paris, pôle 5, 2e ch., 12 janv. 2018, Technopharma Ltd c. Unilever NV et al., 16/07959 ; M20180002 ; PIBD 2018, 1091, III-238 ; D, 8, 7 mars 2019, p. 454, note).

[10] Cass. com., 19 déc. 2006, Roncato Srl c. Valigeria Roncato SpA, 05-14.431 (M20060640 ; PIBD 2007, 846, III-112 ; Comm. com. électr., mars 2007, p. 30, note de C. Caron) ; arrêt de renvoi : CA Paris, 4e ch., sect. B, 10 avr. 2009, 07/11500 (M20090234 ; PIBD 2009, 899, III-1177). V. aussi : Cass. com., 12 déc. 2018, Ville de Paris c. Scootlib France SAS et al., 17-24.582 (M20180487 ; PIBD 2019, 1110, III-91 ; Propr. intell., 70, janv. 2019, p. 50, note de J. Canlorbe ; RJDA, mars 2019, p. 286, note ; Propr. intell., 72, juill. 2019, p. 118, note ; Légipresse, 376, nov. 2019, p. 651, note de C. de Marassé Enouf) ; Cass. com., 30 mars 2016, Laboratoires Soins Experts SARL et al. c. Allergan Inc., 13-12.122 (M20160157 ; PIBD 2016, 1049, III-372 ; Contrats, conc., consom., juill. 2016, p. 26, note de M. Malaurie-Vignal ; Propr. intell., 61, oct. 2016, p. 483, note d'A. Bouvel).

[11] V. notamment : CA Douai, 1re ch., 2e sect., 17 juin 2021, Me Dominique M c. Compagnie Gervais Danone SA, 19/06491 (M20210145) : « L'enregistrement n'est cependant constitutif de droits que dans la mesure où il n'est pas effectué frauduleusement, notamment dans le but de l'opposer à un tiers et d'en tirer un profit illicite. La victime d'un dépôt frauduleux de marque a donc le choix entre l'action en annulation en application de l'adage "fraus omnia corrumpit" et l'action en revendication de l'article 712-6 du code de la propriété intellectuelle, qui lui permet de revendiquer la propriété de la marque déposée frauduleusement ».

[12] Cass. com., 14 févr. 2012, Philippe R et al. c. Diloy's SA, 10-30.872 (M20120074 ; PIBD 2012, 963, III-383 ; RJDA, juill. 2012, p. 667, note).

[13] Cass. com., 20 mai 2014, Lacoste SA c. Crocodile International Private Ltd, 13-10.777 (M20140324 ; PIBD 2014, 1009, III-547 ; Propr. intell., 53, oct. 2014, p. 410, note de A. Bouvel)

[14] Cass. com., 11 janv. 2017, Abdelkader D c. Heben Music SAS et al., 15-15.750 (M20170009 ; PIBD 2017, 1067, III-180 ; RLDI, 134, févr. 2017, p. 19, note de L. Costes ; RJDA, avr. 2017, p. 340, note ; Légipresse, 346, févr. 2017, p. 67, note ; D IP/IT, févr. 2017, p. 68, note ; RTD Com., 1, janv.-mars 2017, p. 76, note de F. Pollaud-Dulian ; D IP/IT, mai 2017, p. 280, note de J. Daleau) (revendication de propriété) ; Cass. com., 25 avr. 2006, Crystèle J c. Jean-Patrick C. et al., 04-15.641 (M20060220 ; PIBD 2006, 833, III-471 ; Légipresse, 236, nov. 2006, III, p. 195, note de R. Naccach ; RJDA, août-sept. 2006, p. 898, note ; JCP E, 25, 22 juin 2006, p. 1111, note de C. Caron ; Comm. com. électr., juin 2006, p. 26, note de C. Caron ; D. aff., 20, 18 mai 2006, p. 1371, note de J. Daleau). V. aussi : Cass. com., 4 oct. 2016, Commune de Laguiole c. Lunettes Folomi SAS et al., 14-22.245 (M20160461 ; PIBD 2016, 1062, III-953 ; Légipresse, 343, nov. 2016, p. 583, note ; RLDI, 131, nov. 2016, p. 13, note de L. Costes ; Propr. industr., déc. 2016, p. 37, note de J. Larrieu ; Gaz. Pal., 6, 7 févr. 2017, p. 24, note de L. Marino) ; arrêt de renvoi : CA Paris, pôle 5, 1re ch., 5 mars 2019, 17/04510 (M20190052 ; PIBD 2019, 1114, III-193 ; D IP/IT, avr. 2019, p. 201, note ; L'Essentiel, mai 2019, p. 5, note de J.-P. Clavier ; Propr. intell., 72, juill. 2019, p. 74, note de C. Le Goffic ; D IP/IT, juill.-août 2019, p. 441, note de C. Le Goffic ; Propr. industr., oct. 2019, p. 23, note de J. Larrieu) ; Cass. com., 2 févr. 2016, Maviflex SAS c. Nergeco France SAS, 14-24.714 (M20160063 ; PIBD 2016, 1047, III-284 ; Propr. intell., 60, juill. 2016, p. 354, note de J. Canlorbe) ; Cass. com., 2 févr. 2016, Passplast SARL et al. c. Robba Di Noi SARL et al., 14-21.338 (M20160062 ; PIBD 2016, 1046, III-243 ; Propr. industr., avr. 2016, p. 48, note de P. Tréfigny ; RJDA, mai 2016, p. 400, note) ; Cass. com., 3 févr. 2015, Compagnie des Bateaux Mouches SA c. Jean-Noël C, 13-18.025 (M20150041 ; PIBD 2015, 1024, III-234 ; D., 7, 19 févr. 2015, p. 374, note ; Gaz. Pal., 56-57, 25-26 févr. 2015, p. 24, note ; Revue des sociétés, juin 2015, p. 398, note de N. Binctin ; L'Essentiel, avr. 2015, p. 7, note de D. Lefranc ; RJDA, 10, sept. 2015, p. 715, note) (prescription de l’action en revendication de propriété) ; Cass. com., 6 nov. 2012, Forge de Belleville c. Ville de Paris, 11-21.334 (M20120530 ; PIBD 2012, 974, III-826) (revendication de propriété) ; Cass. com., 23 oct. 2012, Guillaume B et al. c. INPI, 11-14.557 (M20120510 ; PIBD 2012, 973, III-783 ; Propr. industr., déc. 2012, p. 21, note de P. Tréfigny ;  LPA, 135, 8 juill. 2013, p. 7, X. Daverat).

[15] Cass. com., 12 déc. 2018, 17-24.582  (v. supra note 10).

[16] Cass. com., 2 févr. 2016, 14-24.714 (v. supra note 14) ; Cass. com., 25 avr. 2006, 04-15.641 (v. supra note 14). Voir en matière de revendication de propriété : Cass. com., 6 nov. 2012, 11-21.334 (v. supra note 14) ; Cass. com., 26 févr. 2008, Gérard M et al. c. Philippe V et al., 06-18.123, 06-18.400 (M20080103).

[17] Cass. com., 12 déc. 2018, 17-24.582 (v. supra note 10).

[18] Cass. com., 20 mai 2014, 13-10.777 (v. supra note 13) ; Cass. com., 6 nov. 2012, 11/21334 (v. supra note 14) ; Cass. com., 14 févr. 2012, 10-30.872 (v. supra note 12) ; Cass. com., 20 févr. 2007, Atari Europe SAS c. Brasserie Fischer SA, 05-10.462 (M20070075 ; PIBD 2007, 850, III-275) ; Cass. com., 25 avr. 2006, 04-15.641 (v. supra note 14).

[19] Cass. com., 23 oct. 2012, 11-14.557 (v. supra note 14).

[20] Cass. com., 2 févr. 2016, 14-24.714 (v. supra note 14) ; Cass. com., 2 févr. 2016, 14-21.338 (v. supra note 14) ; Cass. com., 26 févr. 2008, 06-18.123 (v. supra note 16).

[21] Cass. com., 2 nov. 2011, Lactalis Fromages SNC c. Bongrain SA, 10-26.201 (M20110619 ; PIBD 2011, 952, III-732).

[22] CJUE, 1re ch., 11 juin 2009, Chocoladefabriken Lindt & Sprüngli AG, C-529/07 (M20090290 ; PIBD 2009, 900, III-1225 ; D., 35, 15 oct. 2009, p. 2396, note de T. Lancrenon ; Propr. industr., sept. 2009, p. 29, note d'A. Folliard-Monguiral).

[23] CA Colmar, 1re ch. civ., sect. A, 10 janv. 2018, Commune de Husseren-Wesserling et al. c. Jacques E, 16/01162 (M20180383).

[24] Cass. com., 23 juin 2009, Julou Compagnie SARL c. Bil Toki SAS, 07-19.542 (M20090329 ; PIBD 2009, 903, III-1354 ; Légipresse, 267, déc. 2009, III, p. 233, note de J. Canlorbe ; Propr. industr., oct. 2009, p. 34, note de J. Larrieu) ; arrêt de renvoi : CA Toulouse, 2e ch., 1re sect., 31 mai 2011, 09/04200 (M20110331 ; PIBD 2011, 945, III-538).

[25] Cass. com., 21 janv. 2014, PMU GIE c. Unibet International Ltd et al., 12-29.206 (M20140035 ; PIBD 2014, 1001, III-206 ; Propr. intell., 51, avr. 2014, p. 190, note de J. Canlorbe).

[26] Cass. com., 4 oct. 2016, 14-22.245 (v. supra note 14).

[27] Cass. com., 21 sept. 2004, Optos Opus SARL c. Chambre syndicale nationale de la confiserie, 03-12.319 (M20040452 ; PIBD 2004, 797, III-648 ; Propr. industr., janv. 2005, p. 17, note de P. Tréfigny).

[28] CA Paris, pôle 5, 1re ch., 16 mars 2021, Le cinéma s'expose c. École de la Cité-Cinéma et Télévision et al., 19/07915 (M20210071 ; PIBD 2021, 1158, III-4).

[29] CA Paris, pôle 5, 1re ch., 27 févr. 2018, Crédit Mutuel Arkéa SA c. Confédération nationale du Crédit Mutuel, 16/14398 (M20180082 ; PIBD 2018, 1092, III-277 ; D., 8, 7 mars 2019, p. 455, note) ; CA Paris, pôle 5, 1re ch., 7 nov. 2017, Jean M. et al. c. Gabriel S, 15/12767 (M20170454). V. en matière de revendication de propriété : CA Rennes, 3e ch. com., 6 juill. 2021, Christophe M c. Arts Attack, 19/00092 (M20210165) ; CA Paris, pôle 5, 1re ch., 29 juin 2021, Fonds de dotation Passeurs d'arts c. Jean-Gabriel M et al., 18/06113 (M20210146). 

[30] CA Paris, pôle 5, 2e ch., 14 juin 2019, Cora SAS c. Coravin Inc. et al., 17/21460 (M20190168 ; PIBD 2019, 1121, III-382). V. aussi : CA Paris, pôle 5, 2e ch., 30 mars 2018, 17/07421 (v. supra note 2).

[31] CA Douai, 1re ch., 2e sect., 22 avr. 2021, Hervé G c. Jump'in SARL, 18/05433 (M20210102 ; PIBD 2021, 1160, III-4  ; Propr. industr., juill.-août 2021, comm. 45, p. 43, P. Tréfigny). V. aussi : CA Douai, 1re ch., 2e sect., 17 juin 2021, 19/06491 (v. supra note 11).

[32] CA Paris, pôle 5, 2e ch., 14 juin 2019, 17/21460 (v. supra note 30) ; CA Paris, pôle 5, 1re ch., 27 févr. 2018, 16/14398 (v. supra note 29) ; CA Paris, pôle 5, 1re ch., 7 nov. 2017, 15/12767 (v. supra note 29).

[33] CA Paris, pôle 5, 2e ch., 6 juill. 2018, 17/13596 (v. supra note 8) ; CA Paris, pôle 5, 1re ch., 1er déc. 2015, Mariage Frères SA et al. c. Taha B, 14/02708 (M20150510) ; CA Paris, pôle 5, 1re ch., 29 sept. 2015, Aroma Floris's c. De Fussigny SAS, 13/22493 (M20150357 ; PIBD 2016, 1043, III-125) ; CA Paris, Pôle 5, 2e ch., 23 nov. 2012, Allergan Inc. c. Laboratoires Soins Experts SARL et al., 11/16558 (M20120561 ; PIBD 2013, 975, III-867) (pourvoi rejeté par Cass. com., 30 mars 2016, 13-12.122 ; v. supra note 10).

[34] CA Paris, 4e ch., sect. A, 16 avr. 2008, Clarins SA c. Parfums Christian Dior SA, 07/03388 (M20080235 ; PIBD 2008, 877, III-400).

[35] CA Douai, 1re ch., 2e sect., 22 avr. 2021, 18/05433 (v. supra note 31) ; CA Lyon, 1re ch. civ. A, 11 mars 2021, Commune de Cannes c. Isabelle C, 19/00726 (M20210067 ; PIBD 2021, 1157, III-4).

[36] CA Douai, 1re ch., 2e sect., 17 juin 2021, 19/06491 (v. supra note 11).

[37] CA Paris, pôle 5, 2e ch., 7 oct. 2016, Nicolas R c. Guess France SASU, 16/02229 (M20160458 ; PIBD 2016, 1061, III-921).

[38] CA Paris, pôle 5, 2e ch., 12 janv. 2018, 16/07959 (v. supra note 9).

[39] Cf. notes de J. Passa, C. Piedoie et P. Tréfigny (v. supra note 1).

[40] V.  à cet égard : TJ Paris, 3e ch., 2e sect., 13 mars 2020, Thor Tech Inc. et al. c. Franck K et al., 18/11605 (M20200082 ; PIBD 2020, 1141, III-5). 

[41] V. à titre d’exemples les plus récentes : CA Paris, pôle 5, 1re ch., 16 mars 2021, 19/07915 (v. supra note 28) ; CA Lyon, 1re ch. civ. A, 11 mars 2021, 19/00726 (v. supra note 35) ; CA Colmar, 1re ch. civ., sect. A, 10 janv. 2018, 16/01162 (v. supra note 23). V. aussi des décisions postérieures : CA Rennes, 3e ch. com., 6 juill. 2021, 19/00092 (v. supra note 29) ; CA Paris, pôle 5, 1re ch., 29 juin 2021, 18/06113 (v. supra note 29) ; CA Rennes, 3e ch. com., 15 juin 2021, Gilles D et al. c. France Hayon Service SAS, 19/00919 (M20210143 ; PIBD 2021, 1168, III-6).

[42] Cass. com., 4 oct. 2016, 14-22.245 (v. supra note 14) ; Cass. com., 20 sept. 2016, Ethix SAS c. Ethix Information Technology SARL, 15-11.119 (M20160444 ; PIBD 2016, 1060, III-887 ; D IP/IT, janv. 2017, p. 48, note de G. Haas) ; Cass. com., 21 janv. 2014, 12-29.206 (v. supra note 25) ; Cass. com., 14 févr. 2012, 10-30.872 (v. supra note 12) ; Cass. com., 20 févr. 2007, 05-10.462 (v. supra note 18).

[43] V. notamment : déc. INPI, 28 juill. 2021, Boutique du Château de Cayx SARL c. X, NL 21-0021 (NL20210021 ; publiée dans la partie III du présent PIBD) ; déc. INPI, 12 mars 2021, Groupe Ficade EURL c. X, NL 20-0021 (NL20200021 ; PIBD 2021, 1159, III-4 ; L'Essentiel, juill. 2021, p. 6, note de A. Lebois).

[44] CA Paris, pôle 5, 2e ch., 7 oct. 2016, 16/02229 (v. supra note 37) ; TJ Paris, 3e ch., 1re sect., 17 mars 2016, IàD France SAS c. Revolim SAS et al., 14/16863 (M20160246 ; PIBD 2016, 1053, III-576) ; CA Paris, pôle 5, 1re ch., 1er déc. 2015, 14/02708 (v. supra note 33) ; CA Paris, pôle 5, 2e ch., 21 mars 2014, Mathez Transports Internationaux SA c. Voyages C. Mathez SAS, 13/04377 (M20140126 ; PIBD 2014, 1006, III-415) ; CA Paris, pôle 5, 2e ch., 4 oct. 2013, Festival du film et forum international sur les droits humains c. Alliance, 12/13080 (M20130560 ; PIBD 2013, 996, III-1641 avec une note). V. une décision postérieure : CA Paris, pôle 5, 2e ch., 17 sept.  2021, Vente-privee.com SA c. Showroomprive.com SARLU, 19/20427 (M20210204 ; PIBD 2021, 1168, III-4 ; Propr. industr., nov. 2021, étude 23, p. 14, E. Nicolet ; L'Essentiel, 11, déc. 2021, p. 7, note de A. Lebois ; D IP/IT, déc. 2021, p. 648, note de C. Le Goffic). V., en matière de revendication de propriété, un jugement se référant à l’arrêt Malaysia Dairy Industries : TJ Paris, 3e ch., 3e sect., 18 déc. 2020, La Fédération française de cyclisme c. La Fédération française de motocyclisme, 19/00374 (M20200301 ; PIBD 2021, 1155, III-6).

[45] CA Paris, pôle 5, 2e ch., 30 mars 2018, 17/07421 (v. supra note 2) ; CA Paris, pôle 5, 1re ch., 12 mai 2015, SNEEP SAS c. Muse Media SARL, 13/23675 (M20150176 ; PIBD 2015, 1030, III-469 ; RLDI, 116, juin 2015, p. 19 ; Propr. intell., 58, janv. 2016, p. 77, A. Bouvel) ; CA Paris, pôle 5, 2e ch., 8 juin 2012, Premium Beverages International BV c. Phoenix Beverages Ltd, 11/05707 (M20120318) ; CA Versailles, 12e ch., 1re sect., 2 sept. 2010, Bongrain SA c. Lactalis Fromages, 09/05064 (M20100398 ; PIBD 2010, 928, III-736 ; pourvoi rejeté par Cass. com., 2 nov. 2011, 10-26.201 ; v. supra note 21). V. en matière de revendication de propriété : CA Bordeaux, 7 sept. 2021, Antoine D c. Aquitaine Agro Alimentaire SARL et al., 18/05322 (M20210199) ; TJ Paris, 13 mars 2020, 18/11605 (v. supra note 40).

[46] Cass. com, 3 févr. 2015, 13-18.025 (v. supra note 14).

[47] CJUE, 5e ch., 27 juin 2013, Malaysia Dairy Industries, C-320/12 (M20130340 ; PIBD 2013, 990, III-1393 ; Europe, août-sept. 2013, p. 51, L. Idot ; Légipresse, 310, 2013, p. 637, Y. Basire ; Comm. com. électr., oct. 2013, p. 27, note de C. Caron ; Propr. industr., nov. 2020, chron. 10, Y. Basire).

[48] CJUE, 5e ch., 12 sept. 2019, Koton Magazacilik Tekstil Sanayi Ve Ticaret AS, C-104/18 (M20190251 ; PIBD 2019, 1126, III-495 ; RTD Com, 4, oct.-déc. 2019, p. 885, note de J. Passa ; Propr. industr., nov. 2019, p. 32, note d’A. Folliard-Monguiral ; Propr. industr., avr. 2020, chron. 3, J. Canlorbe ; Propr. industr., nov. 2020, chron. 10, Y. Basire).

[49] CJUE, 1re ch., 11 juin 2009, Chocoladefabriken Lindt & Sprüngli AG (v. supra note 22).

[50] Cf. points 51 et 52, 62 à 64 de l’arrêt Koton (v. supra note 48).

[51] TUE, 6e ch. élargie, 21 avr. 2021, Hasbro Inc. c. EUIPO et al., T-663/19 (M20210109 ; PIBD 2021, 1162, III-1 ; Propr. industr., juin 2021, comm. 37, A. Folliard-Monguiral ; L'Essentiel, juin 2021, p. 5, note d’A. Favreau ; RTD Com., 2, avr.-juin 2021, p. 339, note de J. Passa ; Légipresse, 397, nov. 2021, p. 565, note de C. Piedoie).

[52] CJUE, 29 janv. 2020, Sky PLC, C-371/18 (M20200025 ; PIBD 2020, 1139, III-3 ; Propr. industr., févr. 2020, p. 18, note d’A. Folliard-Monguiral ; Propr. industr., avr. 2020, chron. 3, J. Canlorbe ; Propr. industr., mai 2020, étude 12, V. Ruzek et A. Folliard-Monguiral ; RTD com, 2, avr-juin 2020, p. 332, note de J. Passa ; Propr. industr., 11, nov. 2020, chron. 10, C. Le Goffic).

[53] V. à titre d’exemple pour la seconde hypothèse : TUE, 21 avr. 2021, T-663/19 (v. supra note 51).

[54] V., à titre d’exemple, l’irrecevabilité partielle d’une demande principale en nullité d’une marque pour dépôt frauduleux, pour les produits et services qui ne sont pas identiques ou similaires à l’activité de la société demanderesse : CA Paris, pôle 5, 1re ch., 12 mai 2015, 13/23675 (v. supra note 45). V. aussi l’irrecevabilité partielle d’une demande reconventionnelle en nullité, concernant les produits ou services non opposés au soutien de l’action principale en contrefaçon : CA Paris, pôle 5, 2e ch., 6 juill. 2018, 17/13596 (v. supra note 8).

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