Jurisprudence
Marques

Dépôt frauduleux de marques comportant le nom d’une nouvelle discipline sportive, le VTTAE (vélo tout terrain à assistance électrique)

PIBD 1155-III-3
TJ Paris, 18 décembre 2020

Revendication de propriété des marques verbales - Dépôt frauduleux (oui) - Intérêts sciemment méconnus - Volonté de priver autrui d’un signe nécessaire à son activité - Secteur d'activité - Absence d'exploitation du signe incriminé

Validité des marques semi-figuratives (non) - Dépôt frauduleux (oui)

Texte
Marque n° 4 465 974 de la Fédération Française de Motocyclisme
Texte

Le VTTAE (vélo tout terrain à assistance électrique) est une nouvelle discipline sportive dont l’organisation n’a toujours pas été déléguée officiellement. Il appartient au ministère des sports de désigner la fédération qui en sera délégataire, conformément à l'article L. 131-14 du Code du sport, la délégation permettant notamment d’organiser les championnats de France. Considérant que le VTTAE relevait de son champ d'activités au même titre que le VTT, la fédération sportive demanderesse a revendiqué la propriété de vingt-trois marques verbales et demandé la nullité de quinze marques semi-figuratives enregistrées par une autre fédération sportive portant sur des signes constitués en tout ou partie des termes VTTAE, E-BIKE et E-VTT.

Lors de la première vague des dépôts de marques litigieux, la fédération sportive défenderesse n'ignorait pas l'existence d'une revendication opposée à la sienne au sujet de la délégation ministérielle pour les compétitions de VTTAE, exprimée notamment au sein de l'Union Cycliste Internationale, ouvertement favorable à l'intégration en son sein de cette discipline. C'est donc en toute connaissance de cause qu’elle a procédé aux dépôts litigieux, dont elle reconnaît qu'elle y a procédé afin de « se préparer dans l'optique de l'éventuelle délégation pour cette discipline ».

Or, quand bien même elle entendait ne pas faire usage de ces marques avant d'avoir été désignée délégataire, le cas échéant, l'enregistrement de ces signes induisait de facto un monopole excluant tout droit pour la fédération sportive demanderesse d'en faire usage à l'avenir, si cette dernière venait à recevoir délégation.  Il en est de même pour tous les signes déposés, étant observé que si une multiplicité de dépôts n'est pas en soi la preuve d'une intention malveillante, le fait de couvrir le plus largement possible les appellations envisageables pour un vélo à assistance électrique, seules ou en combinaison avec les termes « Championnat de France », « Coupe de France », « Trophée de France » ou encore « Series » ou « Enduro », a pour conséquence évidente de rendre ces signes indisponibles et de « verrouiller » la communication autour de ces nouvelles disciplines.

La fédération sportive défenderesse, qui, par ailleurs, ne conteste pas le rattachement du VTTAE à la catégorie des cycles à pédalage assisté, telle que définie par le Code du sport, ne peut raisonnablement réfuter ne pas avoir agi sciemment au mépris des intérêts de la fédération sportive demanderesse.

Les actions en revendication et en nullité de marques sont donc fondées.

TJ Paris, 3e ch., 3e sect., 18 décembre 2020, 19/00374 (M20200301)
La Fédération Française de Cyclisme c. La Fédération Française de Motocyclisme