Validité de la marque (non) - Dépôt frauduleux - Connaissance de cause - Volonté de priver autrui d’un signe nécessaire à son activité - Détournement du droit des marques
La marque La cité du cinéma a été déposée frauduleusement et doit être annulée.
Des éléments précis et concordants, dont de nombreux articles de presse, démontrent que les termes « La Cité du Cinéma » associés à un producteur et à sa société de production désignaient antérieurement au dépôt de la marque, auprès du grand public, un projet de grande ampleur d'aménagement de locaux industriels en bâtiments destinés à l'édification en France du plus grand studio de cinéma européen. L’association déposante, qui œuvre dans le monde du cinéma, côtoie de nombreux acteurs et réalisateurs et organise régulièrement des expositions itinérantes sur le thème du cinéma, ne pouvait donc ignorer ce projet largement médiatisé.
Si elle démontre qu'elle portait, pour sa part, le projet ancien de créer un musée destiné à accueillir l'ensemble de ses collections et qu'elle a évoqué, dans ce cadre, un concept de « cité du cinéma » ou de « cité ciné », elle ne peut pour autant revendiquer sur ces termes des droits antérieurs, car l'usage qui en a été fait auprès d’élus locaux et de mécènes est resté confidentiel. En outre, la seule diffusion ou mise à dispositions de plaquettes sur les lieux d'expositions itinérantes, faisant état de ce projet parmi plusieurs autres, ne permet pas davantage de caractériser un usage public sérieux de ce signe, mais révèle tout au plus l'évocation d'un projet non abouti. Au surplus, l'association a procédé au dépôt de la marque litigieuse cinq jours après l’annonce officielle à la presse de la concrétisation du projet de ses adversaires, alors que son propre projet restait toujours à l’état embryonnaire. La marque n'a fait l'objet d'aucune exploitation sérieuse dans les cinq années suivant son dépôt et l’association n'a nullement fait valoir ses droits sur ce signe avant l’ouverture officielle de la Cité du Cinéma.
Il en résulte que le dépôt de la marque a été effectué dans la seule intention de nuire aux intérêts de ses adversaires en les privant sciemment d’un signe qu’ils utilisaient déjà largement pour communiquer et désigner leur futur studio de cinéma et de s'assurer un monopole injustifié sur ce signe.
Cour d'appel de Paris, pôle 5, 1re ch., 16 mars 2021, 19/07915 (M20210071)
Association Le cinéma s’expose c. Association École de la cité - cinéma et télévision, Europacorp SA, Front Line SAS et. al.
(Confirmation TGI Paris, 3e ch., 3e sect., 8 mars 2019, 16/13864 ; M20190413)