Validité de la marque - Libellé des produits et des services - Défaut de clarté et de précision - Droit de l'UE
Validité de la marque - Dépôt de mauvaise foi - Intention d'utiliser la marque - Obligation de déclaration - Droit de l'UE
Cour de justice de l'Union européenne, 4e ch., 29 janvier 2020, C-371/18 (M20200025)1
Sky PLC, Sky International AG et Sky UK Ltd c. SkyKick UK Ltd et SkyKick Inc.
(Décision préjudicielle)
■ Libellé des produits et des services
Pour répondre à la question préjudicielle qui lui était posée, la Cour de justice s'est fondée sur les dispositions de la directive 89/104/CEE et du règlement (CE) n° 40/94, alors applicables à l'affaire au principal en raison de la date de dépôt des marques en cause. Le principe dégagé par la Cour, selon lequel une marque ne peut pas être déclarée nulle au motif que des termes employés pour désigner les produits et les services manquent de clarté et de précision, devrait concerner également les marques pour lesquelles l'examen de la validité relève du champ de la directive (UE) 2015/2436 et du règlement (UE) 2017/1001. Si ces textes ont introduit, dans le corpus législatif de l'Union européenne, une exigence de clarté et de précision pour le libellé des produits et des services, seule une sanction au stade de la demande d'enregistrement a été prévue en cas de non respect de cette exigence. Pour plus de développements sur la question, le lecteur est invité à se reporter à l'étude « Manque de clarté et de précision dans la désignation des produits et des services : un motif de nullité de la marque ? », publiée au présent PIBD, p. II-1.
■ Dépôt de mauvaise foi
Le grief relatif au dépôt de mauvaise foi a été ajouté en droit français aux motifs de nullité absolue, dans le cadre de la réforme dite du « Paquet Marques », par l'ordonnance n° 2019-1169 du 13 novembre 2019 transposant la directive (UE) 2015/2436 (cf. l’article L. 711-2, 1er al., 11°, lu en combinaison avec l’article L. 714-3 du CPI). Dans le droit antérieur, c'était le recours à l'adage « fraus omnia corrumpit » qui s'offrait à celui qui entendait obtenir l'annulation d'une marque française lorsqu'il estimait qu'elle avait été déposée avec l'intention de lui nuire ou dans le but de l'empêcher d'exploiter le signe en toute légitimité. Le succès de l'action supposait que le demandeur rapporte la preuve de l'existence d'« intérêts sciemment méconnus » par le déposant. Si la mauvaise foi pouvait jouer un rôle essentiel à ce titre, l'avenir nous dira si ce changement de fondement juridique modifiera sensiblement ou non les critères qui étaient appliqués par les juridictions françaises pour résoudre ce type de litige. Celles-ci seront liées par l'interprétation donnée par la Cour de justice, qui considère la mauvaise foi comme une notion autonome du droit de l'Union européenne, et donc sujette à une interprétation commune. Il ressort de l'arrêt ici présenté que le seul fait de demander l'enregistrement d'une marque sans intention de l'exploiter ne suffit pas à caractériser la mauvaise foi. Il faut démontrer que le déposant avait l'intention, soit de porter atteinte aux intérêts de tiers d’une manière non conforme aux usages honnêtes, soit d’obtenir, sans même viser un tiers en particulier, un droit exclusif à des fins autres que celles relevant des fonctions d’une marque. Cette seconde branche de l'alternative risque-t-elle d’ouvrir de nouvelles perspectives aux personnes invoquant la nullité d'une marque française sur le fondement des dispositions de l’article L. 711-2, et non plus sur celui de la théorie générale de la fraude ?
Cécile Martin
Rédactrice au PIBD
1 V. Propr. industr., févr. 2020, p. 18, note de A. Folliard-Monguiral ; Propr. industr., avr. 2020, chron. 3, note de J. Canlorbe ; Propr. industr., mai 2020, étude 12 : « L'arrêt Skykick : coup de tonnerre sur les libellés exorbitants » par V. Ruzek et A. Folliard-Monguiral.