Contrefaçon de brevet (non) - Épuisement des droits - Vente du produit par le titulaire - Revente dans le cadre d'un appel d’offres - Produit authentique
Concurrence déloyale et parasitaire (non) - Détournement de documents par un ancien salarié - Usurpation d’un savoir-faire - Perte d’un marché
La société poursuivie en contrefaçon du brevet, qui couvre une auge destinée à être installée sur un convoyeur à bande pour chantier, est fondée à se prévaloir des dispositions de l'article L. 613-6 du CPI relatives à l’épuisement des droits. Celles-ci l'autorisaient en effet à céder à une entreprise tierce l'auge brevetée qui lui avait été vendue par le titulaire du brevet sans aucune restriction ni réserve au titre de la revente, et en y apportant, le cas échéant, une modification touchant à un élément non breveté.
Il est démontré que l’auge qui a été fournie par la défenderesse pour le chantier d'un client, dans le cadre d’un appel d’offres, correspond, modification exceptée, à celle dont elle avait fait l'acquisition auprès du titulaire du brevet. La modification qui a été apportée à l'occasion de cette revente, pour adapter l’auge au châssis du convoyeur, porte sur ses dimensions. Or, il est établi, au regard des revendications opposées au soutien de l'action en contrefaçon, que les dimensions de l'auge, objet de l'invention, ne sont pas protégées par le brevet. Les demandes au titre de la contrefaçon sont donc rejetées.
L’action en concurrence déloyale et parasitaire est également mal fondée. À supposer établi que l’ancien salarié de la société titulaire du brevet, qui a été embauché par la société défenderesse, a conservé après la rupture de son contrat de travail des documents internes à la société, il n'est pas justifié de la captation de ces documents par le nouvel employeur. Il n'est pas davantage démontré que ces documents renfermaient un savoir-faire propre à la société auquel serait attaché un avantage concurrentiel. Il n'est pas non plus prouvé que la perte de marchés, à l'occasion d'appels d'offres que la société demanderesse s'estimait en mesure de pouvoir emporter, serait une conséquence directe de la captation de ces documents.
Cour d'appel de Paris, pôle 5, 2e ch., 16 avril 2021, 16/16760 (B20210026)[1]
Ceric Accessoires SARL et Ceric SASU c. Pascal Alain G, Jo Invest SARLU, CSR SAS et al.
(Confirmation TGI Paris, 3e ch., 1re sect., 7 juill. 2016, 14/15949 ; B20160173)
[1] La règle de l’épuisement des droits est très rarement invoquée dans les litiges en matière de contrefaçon de brevet. Voir notamment : CA Paris, pôle 5, 1re ch., 20 mars 2018, Isermatic Systèmes SASU c. Matel Group SAS et al., 16/11444 (B20180015) ; TGI Paris, ord. réf., 8 déc. 2011, Samsung Electronics Co. Ltd et al. c. Apple France SARL et al., 11/58301 (B20110209) ; CA Paris, 4e ch., sect. A, 29 avr. 2009, Leroy Merlin France c. Moulages Plastiques du Midi SA et al., 07/18252 (B20090063 ; PIBD 2009, 899, IIIB-1158) ; TGI Paris, 3e ch., 3e sect., 15 nov. 2006, Moulages Plastiques du Midi SA c. Habitat France SA et al., 05/14259 (B20060185) ; Cass. com., 25 avr. 2006, Strulik SA et al. c. Stik Industries SA et al., U 04-15.995 (B20060065 ; PIBD 2006, 833, III-460) ; TGI Paris, 3e ch., 3e sect., 25 janv. 2006, Sonja K et al. c. Castorama France SA et al., 04/13756 (B20060026 ; PIBD 2006, 828, III-277).