Jurisprudence
Brevets

Prescription de l’action en contrefaçon de brevets portant sur une technologie d’optimisation du haut débit - Application dans le temps de la loi Pacte

PIBD 1164-III-2
TJ Paris, 6 mai 2021

Recevabilité de l’action en contrefaçon des brevets européens - Application de la loi dans le temps - Prescription - Point de départ du délai

Demande de restitution de pièces protégées par le secret des affaires - Confidentialité

Texte

Les demandes en contrefaçon des brevets européens en cause, portant sur des faits antérieurs aux cinq ans précédant l’assignation en contrefaçon, doivent être déclarées irrecevables comme étant prescrites.

Selon l’article L. 615-8 du CPI dans sa rédaction issue de la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019, applicable depuis le 24 mai 2019, les actions en contrefaçon sont prescrites par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître le dernier fait lui permettant de l'exercer. Dans sa rédaction issue de la loi n° 2014-315 du 11 mars 2014, cet article prévoyait que les actions en contrefaçon étaient prescrites par cinq ans à compter des faits qui en sont la cause. Dans sa rédaction issue de la loi n° 92-597 du 1er juillet 1992, il prévoyait le même point de départ de prescription mais pour une durée de trois ans.

L’entrée en vigueur des modifications issues de la loi Pacte est soumise au droit commun de l’article 2222 du Code civil, qui prévoit que la loi qui allonge la durée d’une prescription est sans effet sur une prescription acquise. Il est en outre constamment jugé par la Cour de cassation que, si la loi nouvelle s’applique immédiatement aux délais de prescription en cours, elle n'a pas pour effet de modifier le point de départ du délai de la prescription extinctive ayant commencé à courir antérieurement à son entrée en vigueur. Il en résulte que la prescription extinctive acquise sous l’empire de la loi ancienne en raison du point de départ de l’action au jour des faits qui sont la cause de l’action, demeure acquise malgré l’entrée en vigueur de la loi nouvelle ayant modifié le point de départ de cette action, pour le déplacer (nécessairement dans le sens d’un allongement) au jour de la connaissance de ces faits.

En l’espèce, chacun des faits de contrefaçon tirés notamment de l’utilisation d’une technologie couverte par les brevets, est soumis au délai et au point de départ en vigueur au moment où il est survenu, dès lors que l’entrée en vigueur des lois nouvelles successives a incontestablement eu pour effet d’allonger la durée de la prescription.

Par conséquent, les demandes fondées sur des faits de contrefaçon commis entre mai 2010 (date de la remise à une des sociétés défenderesses de la solution logicielle mettant prétendument en œuvre la technologie issue des brevets) et le 12 mars 2011 (trois ans avant l’entrée en vigueur de la loi n° 2014-315 du 11 mars 2014), étaient prescrites au moment de l’entrée en vigueur de cette loi, en application de la loi n° 92-597 du 1er juillet 1992.

Les demandes relatives aux mêmes faits commis entre le 13 mars 2011 et le 23 mai 2014 (cinq ans avant l’entrée en vigueur de la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019) étaient de la même manière prescrites au moment de l’entrée en vigueur de cette loi, en application de la loi n° 2014-315 du 11 mars 2014.

Enfin, les demandes portant sur les faits commis entre le 24 mai 2014 et le 5 août 2015 (cinq ans avant l’assignation), étaient également prescrites au moment de la délivrance de l’assignation, la loi nouvelle, quoique applicable immédiatement, n’ayant pu avoir pour effet de modifier le point de départ de la prescription, en application de la jurisprudence de la Cour de cassation précitée.

Tribunal judiciaire de Paris, 3e ch., 1re sect., ordonnance du juge de la mise en état, 6 mai 2021, 20/07066 (B20210040)[1]  
Adaptive Spectrum and Signal Alignment Incorporated  - ASSIA Inc. c. Alcatel Lucent International et Orange SA

[1] Sur la non application des dispositions de l’ordonnance n° 2019-1169 du 13 novembre 2019 (prise sur le fondement de la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019, dite loi Pacte) en matière de prescription de l’action en concurrence déloyale et parasitaire, voir CA Paris, pôle 5, 2e ch., 28 mai 2021, Défense de l’Animal - Confédération Nationale des Sociétés de Protection des Animaux de France et des Pays d’Expression Française (association) c. Société Protectrice des Animaux - SPA (association), 20/08642 (M20210133), publiée dans le présent PIBD.