Jurisprudence
Marques

Importation et détention de marchandises contrefaisantes par un particulier – Usage dans la vie des affaires

PIBD 1141-III-1
CJUE, 30 avril 2020

Contrefaçon de marque - Usage dans la vie des affaires - Personne n’exerçant pas une activité commerciale à titre professionnel - Importation et détention pour le compte d’un tiers

Texte

Une personne n’exerçant pas une activité commerciale à titre professionnel qui réceptionne, met en libre pratique dans un État membre et conserve des produits manifestement non destinés à l’usage privé, qui ont été expédiés à son adresse depuis un pays tiers et sur lesquels une marque, sans le consentement du titulaire, est apposée, doit être regardée comme faisant usage de la marque dans la vie des affaires, au sens de l’article 5 §1 de la directive 2008/95/CE, lu en combinaison avec l’article 5 §3 b) et c) de cette directive.

Dans l’affaire ayant donné lieu aux questions préjudicielles, un particulier a reçu, en provenance de Chine, un lot de produits sur lesquels était apposée une marque. Il a accompli le dédouanement, retiré le lot de l’entrepôt douanier où il était stocké et l’a ramené à son domicile, avant de le remettre à un tiers pour être exporté vers la Russie. Il a reçu une cartouche de cigarettes et une bouteille de cognac en rétribution de ces services.

L’expression « usage dans la vie des affaires », qui figure à l’article 5 §1 précité, implique que les droits exclusifs conférés par une marque ne peuvent en principe être invoqués par le titulaire de cette marque que vis-à-vis des opérateurs économiques et, en conséquence, que dans le contexte d’une activité commerciale. En outre, si les opérations effectuées dépassent, en raison de leur volume, de leur fréquence ou d’autres caractéristiques, la sphère d’une activité privée, celui qui les accomplit se place dans le cadre de la vie des affaires. En l’espèce, les produits en cause, qui sont des roulements à billes pesant 710 kg, généralement utilisés dans l’industrie lourde,  ne sont manifestement pas destinés à un usage privé. Les opérations y afférentes doivent être considérées comme relevant d’une activité commerciale, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier.

Par ailleurs, une personne qui communique son adresse comme étant le lieu où les produits concernés doivent être expédiés, qui procède ou fait procéder par un agent au dédouanement de ces produits et qui les met en libre pratique accomplit une importation au sens de l’article 5 §3 c) de la directive 2008/95.

Le fait d’agir dans l’intérêt économique d’un tiers sans être propriétaire des produits litigieux n’a pas de conséquences sur la qualification d’usage dans la vie des affaires. Le fait qu’une personne ait importé et mis en libre pratique de tels produits suffit pour constater qu’elle a agi dans la vie des affaires sans qu’il soit nécessaire d’examiner le traitement ultérieur de ces produits, notamment s’ils ont été entreposés par l’importateur ou mis dans le commerce dans l’Union ou exportés vers des pays tiers. Enfin, l’importance de la rémunération que l’importateur a reçue en contrepartie de son activité est également sans incidence.

Cour de justice de l'Union européenne, 10ch., 30 avril 2020, C-772/18 (M20200110)
A c. B
(Décision préjudicielle)