Jurisprudence
Marques

Incompétence du juge de la mise en état pour statuer sur l'irrecevabilité de l’action en nullité de la marque Vogica pour défaut d’usage sérieux des marques antérieures

PIBD 1187-III-4
CA Paris, 11 janvier 2022

Action en nullité de la marque française pour dépôt frauduleux - Fin de non-recevoir - Défaut d’usage sérieux des marques antérieures invoquées - Compétence du JME (non) - Opposition de la partie adverse - Question de fond

Texte
Marque n° 3 874 225 de la société Parisot Industrie
Marque n° 4 677 598 de la société Aphorism Factory
Texte

En application du second alinéa de l’article 789 du Code de procédure civile et de l’article L. 716-2-3 du CPI[1], le juge de la mise en état n’est pas compétent pour statuer sur la fin de non-recevoir soulevée dans le cadre de l’action en nullité de la marque française VOGICA et fondée sur le défaut d’usage sérieux des marques antérieures opposées.

L’usage sérieux, qui doit être apprécié concrètement en tenant compte notamment des caractéristiques des produits en cause et de la structure du marché concerné, est une question qui touche au fond du droit, d’autant qu’elle est étroitement liée à la celle de la déchéance. Or, le demandeur a clairement exprimé son opposition à ce que le juge de la mise en état tranche la question de l’usage sérieux de ses marques. L’affaire est donc renvoyée devant la formation de jugement du tribunal qui, par ailleurs, demeure saisi des demandes fondées sur le parasitisme et l'abus de droit.

Cour d'appel de Paris, pôle 5, 1re ch., 11 janvier 2022, 21/09668 (M20220198)[2]
Parisot Industrie SASU c. Aphorism Factory SASU
(Confirmation partielle TJ Paris, 3e ch., 3e sect., ord. juge de la mise en état, 11 mai 2021, 20/10171)

[1] L'article L. 716-2-3, qui a été introduit dans le Code de la propriété intellectuelle par l’ordonnance n° 2019-1169 du 13 novembre 2019, prévoit que la demande en nullité d’une marque formée par le titulaire d’une marque antérieure est irrecevable si celui-ci ne rapporte pas la preuve, sur requête du titulaire de la marque postérieure, de l’usage sérieux de sa marque. L’article 46 de la directive (UE) 2015/2436, intitulé « Non-usage comme moyen de défense dans une procédure de nullité », dispose en effet que, dans une procédure de nullité fondée sur l'existence d'une marque antérieure, le titulaire de cette marque fournit, sur requête du titulaire de la marque postérieure, la preuve que, durant la période de cinq ans ayant précédé la date de sa demande en nullité ou la date de dépôt ou de priorité de la marque postérieure, la marque antérieure a fait l'objet d'un usage sérieux, et ajoute qu’en l'absence d’une telle preuve, la demande en nullité est rejetée. Parallèlement aux travaux de transposition de la directive, a été menée une réforme en profondeur de la procédure civile qui a conduit à octroyer au juge de la mise en état une compétence exclusive pour statuer sur les fins de non-recevoir. L’article 789 du Code de procédure civile, modifié par le décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019, prévoit toutefois dans son second alinéa que, dans l'hypothèse où il s’avère nécessaire de trancher au préalable une question de fond, une partie peut s’opposer à l’examen de la fin de non-recevoir par le juge de la mise en état qui devra renvoyer l’affaire devant la formation du tribunal qui règle le litige au fond.

[2] À rapprocher, en matière de marques de l'Union européenne, de : TJ Paris, 3e ch., 3e sect., ord. JME, 8 févr. 2022, Cuts Ice Ltd c. Espace Phone SARL, 20/12226 (M20220168 ; publié dans le présent PIBD 2022, 1187, III-6).