Jurisprudence
Brevets

Invention de mission élaborée à l'occasion d'un groupe de travail constitué à la demande de l'employeur, auquel a participé le salarié à l'initiative du projet

PIBD 1171-III-1
CA Paris, 22 octobre 2021

Invention de salarié - Déclaration de l’invention - Invention de mission - Pluralité d'inventeurs - Rémunération supplémentaire - Convention collective nationale des télécommunications - Caractère innovant - Intérêt commercial - Dépôt d'une demande brevet

Revendication de propriété de demandes de brevet déposées par le salarié - Dépôt frauduleux (oui) 

Texte

L’invention en cause, qui vise à faciliter l’accès du client au service technique de l’entreprise en cas de panne de son boitier d’accès à Internet, est une invention de mission.

Il résulte des éléments produits aux débats (courriels, enveloppe Soleau, cahier des charges) que le demandeur salarié, dont le contrat de travail ne comportait aucune mission inventive, a présenté à son employeur un projet non abouti relatif à un système d’alerte appelé « bouton SAV connecté ». L’enveloppe Soleau déposée par le salarié ne portait que sur les grandes lignes de ce dispositif, sans précision sur les caractéristiques techniques de l’invention. Si le salarié est bien à l’origine de l’idée de la mise en place du dispositif au sein de son entreprise, cette idée n’était pas finalisée au niveau technique au moment de sa présentation à l’employeur. Le salarié a alors été intégré à un groupe de travail, aux travaux duquel il a été étroitement associé. Il a également participé, avec d’autres salariés, à la rédaction d'un cahier des charges qui a notamment défini les résultats attendus par le dispositif et précisé le délai de mise en production et la livraison d’un prototype. Le groupe a travaillé pendant plus de dix-huit mois pour parvenir à la concrétisation d’une solution technique. Il en résulte que l'invention a été élaborée à l'occasion des travaux de ce groupe auquel a été explicitement confiée une mission d'études. Le dépôt de la demande de brevet effectué par l’employeur et désignant le salarié comme l’un des co-inventeurs, n’est donc pas fautif.

Le montant de la rémunération supplémentaire est maintenu à celui fixé par le tribunal et préconisé par la CNIS dans le cadre de sa proposition de conciliation. La somme proposée par l’employeur, conforme à ses pratiques internes, est insuffisante et il convient d’appliquer la convention collective des télécommunications. Bien que n'étant pas l'unique inventeur, le salarié a été à l'initiative du projet et a largement contribué au développement technique de son idée pour aboutir à une invention qui a été brevetée par l’employeur. En outre, la présence du salarié dans le groupe de travail était nécessaire pour mener à bien le projet. L’employeur a proposé le dispositif à ses clients, moyennant rémunération, en le présentant comme une innovation. Cette invention a donc été considérée comme ayant un intérêt commercial, même si selon une attestation d’un directeur de la société poursuivie cette solution n'a pas généré de revenus.

Le dépôt effectué par le salarié, quelques semaines avant celui de son employeur, d’une demande de brevet portant sur l’invention et le désignant comme unique inventeur est fautif. En effet, il connaissait la position de son employeur sur la qualification de l’invention et la volonté de celui-ci de déposer un brevet.

Cour d’appel de Paris, pôle 5, 2e ch., 22 octobre 2021, 19/20941 (B20210079)
Manuel C c. Bouygues Telecom SA
(Confirmation TGI Paris, 3e ch., 3e sect., 27 sept. 2019, 18/04923 ; B20190106)