Action en contrefaçon de droit d’auteur et de modèles - Recevabilité - Créateur - Titularité des droits sur les modèles - Protocole d’accord relatif à une prise de participation dans la société du créateur - Cession des droits d’exploitation - Atteinte au droit moral - Caractère perpétuel, inaliénable et imprescriptible
Le demandeur, dirigeant d’une société ayant pour objet la création et l’importation de luminaires décoratifs, chargée de diffuser ses créations, a conclu un accord avec une société tierce portant sur une prise de participation progressive de cette dernière dans le capital de sa société. Ultérieurement, une filiale de cette société tierce a conclu avec la société du demandeur un contrat de location-gérance du fonds de commerce appartenant à celle-ci. Le demandeur est demeuré associé minoritaire de sa société et en a occupé les fonctions de président, jusqu’à ce qu’il ait été mis fin à son mandat.
Il a assigné la société locataire-gérant du fonds de commerce en contrefaçon sur le fondement des droits d’auteur sur les luminaires dont il est le créateur et sur le fondement du droit des dessins et modèles.
La cour d’appel l’a déclaré irrecevable en ses demandes. Elle a d’abord relevé que l’accord précité avait prévu l’exploitation à titre gracieux, par la société, des droits du demandeur sur ses créations antérieures, pour une durée limitée. Elle a également constaté qu’il résultait de l'économie de cette convention qu'à son terme (date à laquelle le protocole d’accord devenait automatiquement caduc), la société du demandeur devait se trouver titulaire de tous les modèles déposés et qu'à partir de cette date, cette société a continué d'exploiter les modèles créés par le demandeur, sans que celui-ci n'exige de contrepartie financière et sans qu'aucune convention écrite ne régisse plus les droits d'auteur attachés à ces modèles, déposés ou non. Elle a ajouté que, nonobstant la caducité de l'accord, le demandeur avait procédé au dépôt de plusieurs modèles au nom de sa société et que son nom n'apparaissait pas en qualité de designer dans les catalogues, à l'exception d’une seule édition (contestée).
Elle a retenu, enfin, que tant les termes de l'accord que les dépôts des modèles ultérieurs et l'absence de mention du nom du demandeur dans les catalogues édités postérieurement à la caducité du protocole contredisait l’analyse de celui-ci invoquant une simple mise à disposition gratuite et temporaire de ses œuvres.
C’est sans dénaturer l'accord entre les parties et les conclusions du demandeur, que la cour d’appel a pu en déduire qu’il avait cédé ses droits d'exploitation sur les modèles de luminaires à sa société et que, n'étant ainsi plus titulaire des droits d'exploitation qu'il revendiquait, ses demandes à ce titre étaient irrecevables, justifiant ainsi légalement sa décision.
Cependant, en déclarant irrecevable l’ensemble des demandes, alors que le demandeur invoquait également une atteinte à ses prérogatives morales sur ses créations et soutenait que la clientèle avait été portée à croire qu'il n'était ni l'auteur ni le titulaire des luminaires en cause, générant une atteinte au droit moral appelant réparation, la cour d'appel a violé l'article L. 121-1 du CPI en vertu duquel, l'auteur jouit du droit au respect de son nom, de sa qualité et de son œuvre. Ce droit, attaché à sa personne, est perpétuel, inaliénable et imprescriptible.
Cour de cassation, 1re ch. civ., 14 juin 2023, 22-15.696 (D20230022)
M. [Y] [P] c. Corep SAS et Marketset SAS
(Cassation partielle CA Bordeaux, 1re ch. civ., 15 mars 2022, 19/02176 ; D20220023 ; PIBD 2022, 1190, III-7)