Validité du modèle communautaire (oui) - Nouveauté - Antériorité - Décision de justice - Caractère individuel - Impression visuelle d'ensemble - Caractère fonctionnel
Validité du modèle français (oui) - Nouveauté - Antériorité - Décision de justice - Caractère propre - Impression visuelle d'ensemble - Caractère fonctionnel
Contrefaçon du modèle communautaire (non) - Reproduction des caractéristiques - Impression visuelle d'ensemble différente - Utilisateur averti
Une commune du Var a lancé un appel d'offres afin de compléter l'espace cinéraire existant par l'acquisition et la pose de columbariums, ceux-ci devant s'intégrer dans l'environnement de ce cimetière et avoir une esthétique harmonieuse avec les columbariums déjà fournis et installés par la société demanderesse. Cette société a répondu à l'appel d'offres mais une autre société a été retenue comme attributaire du marché et a procédé à la pose de trois monuments, qui reproduiraient les caractéristiques du modèle communautaire invoqué.
Pour contester la validité de ce modèle, la société défenderesse se fonde essentiellement sur une précédente décision de justice ayant annulé un modèle de columbarium dénommé « Colysée »[1] déposé par la société poursuivante, qui, selon elle présenterait les mêmes particularités que le modèle en litige. Cependant, faute de produire une représentation du modèle concerné par cette décision de justice, elle ne met pas en mesure la cour de procéder à la comparaison requise pour apprécier le défaut de validité allégué. Par ailleurs, elle se contente de se référer en termes généraux à la banalité du modèle communautaire, mais n'oppose aucune antériorité ayant divulgué, avant le dépôt, les caractéristiques de celui-ci et produisant une impression identique.
En outre, la contrainte technique qui résulte de la nécessité, dans un columbarium, de pouvoir abriter plusieurs sépultures et de permettre leur fleurissement n'implique pas que le modèle communautaire opposé soit exclusivement dicté par des considérations techniques. En effet, l'agencement (nombre d'étages et de cases, angle des plaques de fermeture) et les matériaux utilisés résultent de choix opérés par le titulaire, indépendamment des caractéristiques fonctionnelles attendues d'un tel monument cinéraire, donnant à ce modèle un caractère individuel. Le modèle communautaire invoqué n’encourt donc pas la nullité. Il en est de même du modèle français qui est nouveau et présente un caractère propre, la société défenderesse invoquant la même argumentation que celle opposée contre le modèle communautaire.
La contrefaçon du modèle communautaire, seul modèle invoqué à l’appui de la contrefaçon, n’est pas caractérisée.
Il résulte de la comparaison de ce modèle avec les trois columbariums litigieux qu'ils ont en commun une superposition de quatre plateaux rectangulaires, chaque plateau des étages étant plus petit que le plateau situé en dessous, chaque étage comportant des cases insérées en biais, dans une alternance de matériaux de couleurs gris-noir et rose.
Cependant, ni le nombre, ni la forme des cases, ni la disposition des couleurs sur les façades des cases ne sont identiques. En outre, la forme générale du monument incriminé, en ce qu'il présente une forme de type pyramide ramassée, diffère du modèle opposé qui présente une forme trapézoïdale plus allongée et étendue. De telles dissemblances ne constituent pas des différences de détail, mais génèrent chez l'observateur averti, soit essentiellement le professionnel concevant et vendant ces produits et les communes ayant la gestion des cimetières, une impression visuelle d'ensemble qui diffère nettement de celle produite par le modèle communautaire opposé.
Cour d’appel de Paris, pôle 5, 1re ch., 28 juin 2023, 21/07475 (D20230024)
Marbrerie Funéraire Munier R SARL (exerçant sous le nom commercial Munier Columbariums) c. Win’Ovatio SASU
(Confirmation TJ Paris, 3e ch., 3e sect., 29 janv. 2021, 19/05089)
[1] CA Nancy, 1re ch. civ., 19 sept. 2017, Marbrerie Funéraire Munier SAS c. Granimond SARL, 16/01153, D20170094.