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Législation mongole en matière de propriété intellectuelle : focus sur les marques et les indications géographiques

PIBD 1164-IV-1
Texte

Par Julie Hervé, conseillère régionale INPI pour la Chine1

La loi mongole sur les marques et les indications géographiques, adoptée en 2003, est entrée en vigueur le 21 août 20032. Elle a été révisée le 10 juin 2010, et le Parlement mongol devait en examiner un nouvel amendement. Les discussions sont prévues pour le printemps 2021.

En Mongolie, plusieurs grandes lois régissent l’ensemble des droits de propriété intellectuelle (PI) : la loi sur les brevets, la loi sur le droit d’auteur, ainsi que la loi sur les marques et les indications géographiques (IG). Il existe, par ailleurs, une loi générale sur la propriété intellectuelle, précisant les actifs intellectuels à protéger, les grands principes afférents, mais aussi le système et les fonctions de la propriété intellectuelle. Cette loi, dont le dernier amendement date de janvier 2020 [adoptée le 23 janvier 2020], est entrée en vigueur au 1er décembre de la même année. D’autres textes composent également l’appareil législatif mongol en matière de PI, comme la Constitution ou encore la loi pénale définissant les régimes de sanction. Conformément à la hiérarchie des normes, les traités internationaux ont, par ailleurs, une valeur supra-législative en Mongolie.

La récente modification législative de la loi sur la propriété intellectuelle, associée à la révision prochaine de la loi sur les marques et les indications géographiques, sont l’occasion de rappeler quelques éléments du droit mongol, souvent méconnu, en matière de propriété intellectuelle, avec un focus particulier sur le droit des marques et des indications géographiques.

La propriété intellectuelle mongole est régie par plusieurs grands principes. Elle se doit de respecter l’intérêt public et les bonnes mœurs, d’assurer un équilibre entre les intérêts privés des titulaires de droits et l’intérêt général, ainsi que de permettre une diffusion publique de l’information. La Mongolie respecte par ailleurs le principe du « first to file » (le premier à déposer).

Comme en France, le système mongol distingue deux grands types de droit : le droit d’auteur et les droits voisins d’un côté, les droits de propriété industrielle de l’autre. Le droit d’auteur naît à compter de la création d’une œuvre, du fait même de sa création. Aucun dépôt n’est requis, mais l’auteur peut procéder à des dépôts probatoires pour attester de sa paternité.

Quant aux droits de propriété industrielle, ils recouvrent les brevets d’invention, les modèles d’utilité, le design industriel, les marques et les indications géographiques. Ces droits ne naissent qu’à compter d’une formalité d’enregistrement auprès de l’office de propriété intellectuelle (IPOM : Intellectual Property Office of Mongolia). À la différence de la France, en revanche, la Mongolie qualifie de brevet, tant les brevets d’invention que les modèles d’utilité et le design industriel.

    1. Focus sur le droit des marques

En Mongolie, une marque peut être composée de mots, chiffres, lettres, couleurs, sons, odeurs, ou encore être présentée en 3D. Pour être valable, la marque doit être disponible, c’est-à-dire qu’elle ne doit pas être identique à une marque antérieure déposée pour les mêmes produits ou services, ni similaire à une marque antérieure dès lors qu’elle peut engendrer un risque de confusion. La disponibilité s’apprécie également au regard du droit d’auteur (dès lors que celui-ci est célèbre : « famous copyright »), mais aussi d’autres titres de propriété industrielle. Notamment, on peut considérer qu’une marque n’est pas disponible s’il existe une indication géographique antérieure (article 5.2.9 de la loi sur les marques et les indications géographiques).

La marque doit également être distinctive, ce qui signifie qu’elle ne peut pas être composée d’un signe générique. Il semble en revanche que, si la marque est composée d’un tel signe inclus dans un ensemble plus large, la marque pourra être enregistrée en ne tenant compte que des seuls éléments distinctifs de celle-ci.

Par ailleurs, ne peuvent  pas être enregistrés à titre de marques des signes contraires à l’ordre public, des signes trompeurs, ou encore des signes identiques ou similaires à des emblèmes nationaux, des signes officiels, etc.

Enfin, une marque ne pourra pas être enregistrée dès lors qu’elle est similaire ou identique à une marque de renommée ou notoire (comprendre : enregistrée ou non), quels que soient les produits ou services concernés, dès lors que son usage peut être source de confusion pour les consommateurs, ou nuire à la réputation de ladite marque.

Lorsqu’un déposant procède auprès de l’office mongol à une demande de marque exprimée dans une langue étrangère, il a l’obligation de fournir une translittération ou une traduction du signe en caractères cyrilliques. Si la marque déposée est une marque collective, le déposant doit également joindre le cahier des charges associé.

L’examen de l’office se fait ensuite en deux temps. L’IPOM dispose tout d’abord d’un délai de dix jours pour un premier examen formel à compter de la date de réception du dépôt. Après cet examen, l’office notifie au déposant que la date de réception correspondra à la date de dépôt de la marque. Si l’office constate des irrégularités éventuelles, il les notifie au déposant qui dispose alors de vingt jours pour faire les corrections nécessaires. L’examen de fond commence ensuite, et l’IPOM a neuf mois (potentiellement renouvelables pour six mois supplémentaires) pour délivrer un rapport d’examen et décider d’enregistrer la marque. Si l’office estime que les conditions de validité (prévues à l’article 5 de la loi) ne sont pas respectées, il notifie au déposant une décision de rejet provisoire. Le déposant peut contester ce refus provisoire dans un délai de trois mois en fournissant ses arguments à l’office, qui a alors trois mois également pour rendre une décision finale. Enfin, lorsque la marque est enregistrée, l’IPOM émet un certificat de marque et publie la marque au journal officiel.

La marque est valable en Mongolie pendant dix ans à compter de la date de dépôt, et est renouvelable indéfiniment. Le renouvellement doit être présenté au cours de la dernière année ou pendant les six mois suivant l’expiration de la marque.

Aucune procédure d’opposition n’est prévue au moment de l’examen : la seule possibilité de contester une marque est de passer par une demande d’annulation, présentée à la « Commission de résolution des litiges » qui siège au sein de l’office. C’est également cette commission qui est chargée de la reconnaissance des marques notoires ou de renommée qui, une fois reconnues, sont inscrites sur une liste rendue publique. Les décisions de la commission peuvent faire l’objet d’un appel devant les tribunaux mongols.

À noter, la nouvelle loi sur la propriété intellectuelle mentionne à son article 25.1.4 que cette commission a pour mission de recevoir « les oppositions de tiers à une demande de marque pour les motifs prévus par la loi ». Cette disposition prendra certainement son sens lorsque le nouvel amendement de la loi sur les marques et les IG sera adopté : pour l’instant, rien dans la procédure d’examen telle que définie par la loi ne permet de présenter de telles oppositions à l’office.

La loi mongole est par ailleurs assez précise sur l’étendue des droits d’un titulaire de marque, qu’il s’agisse d’une marque simple ou d’une marque collective. Elle prévoit également le cas dans lequel une marque de certification est déposée pour une indication géographique, en prévoyant que ce sont les dispositions de la loi sur les IG qui doivent alors s’appliquer.

Une marque mongole peut enfin faire l’objet de transferts de propriété (total ou partiel), de licences, mais aussi d’une valorisation financière à des fins de nantissement, d’investissement, d’émission d'actions, ou encore d’assurance (art.13.2).

Globalement, le droit mongol des marques est assez similaire au droit français. S’il existe néanmoins des subtilités, quant aux procédures d’examen et de renouvellement notamment, les signes protégeables et les conditions de validité d’une marque sont quant à eux très similaires.

    2. Focus sur les indications géographiques

Les dispositions de la loi mongole relatives aux indications géographiques sont assez proches de celles prévues en matière de marques. Notamment, la procédure d’examen est très similaire à celle présentée plus haut. Les délais sont un peu plus courts que ceux énoncés ci-dessus, comme le délai dont dispose le déposant pour répondre à une irrégularité formelle (qui est de dix jours au lieu de vingt), mais aussi le délai accordé à l’office pour examiner au fond (six mois au lieu de neuf, renouvelable une fois).

En Mongolie, une indication géographique est définie comme le nom d’un « pays, d’une région ou d’une localité d’où proviennent des biens ou des produits présentant une qualité, une réputation ou d'autres caractéristiques déterminées qui sont identifiées par des facteurs liés à la nature et aux conditions climatiques ou aux coutumes de la population d'un territoire donné » (article 3.1.4 de la loi sur les marques et les IG). La loi ne distingue pas en revanche les IG de produits agricoles et de produits non agricoles : en cela, elle semble offrir une protection plus large que celle prévue par les ADPIC.

Le nom de l’IG peut être composé du nom géographique seul ou en association avec le nom des produits. Pour pouvoir être enregistré, ce nom ne doit pas être générique sur le territoire mongol, et doit être accompagné d’une traduction ou d’une translittération en caractères cyrilliques pour le cas où il serait présenté dans une langue étrangère. Une fois enregistrée, une IG est valable indéfiniment, à compter de la date de dépôt. La loi définit cependant des situations dans lesquelles la protection peut prendre fin, telles que la liquidation de la personne morale utilisatrice de l’IG, une renonciation à l’IG demandée par l’utilisateur, ou encore une invalidation prononcée par la Commission de résolution des litiges de l’IPOM.

Les utilisateurs d’indications géographiques ont un certain nombre de droits et d’obligations définis par la loi. Concernant les droits, tout d’abord, ils naissent à compter de l’enregistrement de l’IG et portent sur les produits pour lesquels elle a été délivrée. L’utilisateur d’une IG peut en interdire l’usage en relation avec des produits ne provenant pas de la localité indiquée, même lorsqu’elle est accompagnée de termes tels que « type », « style », ou encore « similaire » ; et ce, quand bien même l’origine véritable des produits serait précisée. L’utilisateur de l’IG est également en droit de demander des dommages-intérêts pour compenser un préjudice subi du fait des actes précités.

Quant à leurs obligations, elles portent principalement sur la qualité et la réputation des produits sous IG. La loi prévoit ainsi les différentes façons dont les contrôles peuvent être réalisés par les organismes de défense et de gestion, mais aussi par des laboratoires externes.

Enfin, les sanctions prévues en matière de contrefaçon de marques et d’indications géographiques peuvent prendre la forme d’amendes, de travaux d’intérêt général, de restrictions à la liberté de circulation, mais également de peines d’emprisonnement. On notera toutefois que ces sanctions semblent peu dissuasives du fait de leur légèreté.

Le projet d’amendement qui sera prochainement examiné par le Parlement mongol permettra certainement de préciser plusieurs points de la loi sur les marques et les indications géographiques. Si celle-ci prévoit aujourd’hui une protection globalement plutôt satisfaisante au regard notamment des traités internationaux tels que les ADPIC, un perfectionnement du système est néanmoins possible, notamment pour créer des mécanismes d’opposition, qui auraient vocation à renforcer la qualité des titres délivrés et limiter le contentieux postérieur à leur enregistrement.

 1 julie.herve@dgtresor.gouv.fr. Le service « réseau international » de l’INPI (dix agents couvrant une centaine de pays) met en œuvre les actions de coopération internationale en collaboration avec ses partenaires, institutionnels et privés. Il accompagne les entreprises à l’export en lien avec la Direction générale du Trésor et assure également la coordination des actions du Comité national anti-contrefaçon (CNAC).
2 Cf. https://wipolex.wipo.int/fr/legislation/details/11774.