Contrat de licence de brevets et de partenariat - Résiliation fautive - Validité de la clause de résiliation unilatérale - Caractère potestatif - Déséquilibre significatif - Économie du contrat - Régularité formelle
Une société qui accompagne les entreprises dans la valorisation de leurs innovations par la structuration de leurs droits de propriété intellectuelle, a conclu un contrat ayant pour objet, d'une part, de renforcer et développer le portefeuille de brevets de la société demanderesse autour de sa technologie et, d'autre part, de développer un programme de licences. Ayant résilié ce contrat, elle a été poursuivie en paiement de dommages et intérêts.
La cour d’appel a rejeté la demande tendant à voir déclarer non écrite la clause de résiliation unilatérale, en ce qu’elle présenterait un caractère potestatif. Elle a retenu que la clause litigieuse ouvrait seulement à l'une des parties la faculté de mettre un terme au contrat sans condition et n'avait pas pour effet de faire dépendre l'exécution de ce contrat d'un événement qu'une seule partie avait le pouvoir de faire survenir ou d'empêcher. Il en résultait que la clause n'affectait pas l'existence même de l'obligation mais seulement sa durée. Elle a pu exactement en déduire qu'elle ne pouvait être qualifiée de condition potestative et que l'article 1174 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, qui dispose que toute obligation est nulle lorsqu'elle a été contractée sous une condition potestative de la part de celui qui s'oblige, n'était dès lors pas applicable.
La cour d’appel a également rejeté la demande tendant à voir dire que la clause litigieuse engendrerait un déséquilibre significatif au sens de l’article L. 442-6, I, 2° du Code du commerce. L'arrêt a d’abord retenu que la rédaction du contrat en anglais n'était pas de nature à empêcher le dirigeant de la société demanderesse de comprendre la portée de ses clauses. Il a relevé que les négociations avaient duré plus de trois mois, au cours desquels le projet de contrat avait été amendé à plusieurs reprises à la demande de chacune des parties, et que la société demanderesse avait elle-même reconnu « être en phase » avec le projet négocié. Il en a déduit que les termes du contrat avaient été négociés par les deux sociétés.
Après avoir constaté que le contrat ouvrait également à la société demanderesse une faculté de résiliation pour convenance personnelle, l'arrêt a retenu que l'asymétrie entre les conditions dans lesquelles chacune des parties pouvait faire usage de cette faculté résultait de l'économie générale du contrat. Cette dernière imposait, dans un premier temps, à la société poursuivie d'avancer l'intégralité des frais liés à la création et la valorisation du portefeuille de brevets de la société demanderesse, en contrepartie d'une rémunération future sur les redevances à payer par les potentiels licenciés de la technologie développée dans le cadre du contrat, cette rémunération destinée à la rembourser de ses frais n'étant toutefois susceptible d'intervenir que dans un second temps, si le portefeuille de brevets produisait de telles redevances. Qu’ainsi le risque encouru par la société poursuivie imposait de prévoir le paiement d'une « compensation raisonnable » en cas de résiliation unilatérale anticipée par la société demanderesse.
Cour de cassation, ch. com., 31 mars 2021, S 19-16.214 (B20210024)
Mobilead c. France Brevets
(Rejet pourvoi c. CA Paris, pôle 5, 4e ch., 6 févr. 2019 ; 18/21919 ; B20190011 ; PIBD 2019, 1115, III-210)