Jurisprudence
Brevets

Mise en connaissance de cause du défendeur, autre que le fabricant, non requise pour la recevabilité de l’action en contrefaçon

PIBD 1178-III-1
TJ Paris, 20 janvier 2022

Recevabilité de l’action en contrefaçon  (oui) - Opposabilité du titre - Publication au BOPI - Mise en connaissance de cause non requise

Validité du brevet (non) - Dispositif - 1) Description suffisante (oui) - Homme du métier - 2) Nouveauté (non) - Divulgation par le déposant lors d’un congrès - Revendication principale - Revendications dépendantes - 3) Activité inventive (non) - Etat de la technique - Norme

Concurrence déloyale et parasitisme (non) - Avantage concurrentiel injustifié - Appel d’offres - Vente à vil prix - Copie servile - Investissements réalisés par le breveté

Texte

Les dispositions de l'article L. 615-1 du CPI prévoient que les faits commis par une autre personne que le fabricant du produit contrefaisant, n’engagent la responsabilité de leur auteur que s’ils ont été commis en connaissance de cause. Ces dispositions n’ont pas pour objet de définir les conditions de recevabilité de l’action civile en contrefaçon mais de déterminer, lorsque la matérialité de la contrefaçon est établie, les personnes susceptibles de voir leur responsabilité engagée, et donc l’imputabilité des faits. Par conséquent, elles n’imposent nullement que le titulaire du brevet notifie celui-ci aux personnes susceptibles d’être visées par une action en contrefaçon préalablement à l’engagement de celle-ci et la qualité de fabricant ne peut être prise en considération que dans le cadre de l’examen au fond de l’action en contrefaçon. Ainsi, il appartient à la société demanderesse de rapporter au fond la preuve que les sociétés défenderesses ont agi en connaissance de cause, c’est-à-dire en ayant connaissance du caractère contrefaisant du produit litigieux, à moins qu’elle n’établisse qu’elles ont la qualité de fabricant. En l’espèce, la demande de brevet était opposable aux tiers à compter de la date de sa publication au BOPI, sans qu’aucune autre formalité ne soit requise. La société demanderesse, qui justifie être titulaire du brevet invoqué, est donc recevable en son action en contrefaçon.

L’insuffisance de description du brevet en cause n'est pas établie. Ce dernier porte sur un dispositif de signalisation du statut d'un appareil à émission radioélectrique en champs ouvert, et notamment d'un appareil muni d'un tube à rayon X, particulièrement destiné à venir équiper des appareils de radiologie mobiles dans les hôpitaux ou cliniques médicales. Les revendications opposées par la société titulaire du brevet ne définissent pas les moyens de mesure, de traitement et de transmission mis en œuvre dans les différents modes de réalisation de l’invention. Cependant, la description du brevet est suffisamment précise pour permettre à l’homme du métier, qui est un ingénieur en électronique, de connaître les différentes options techniques envisagées, de déterminer la nature des moyens à mettre en œuvre selon l’une des options possibles et donc de réaliser l’invention objet du brevet.

La revendication principale du brevet est dépourvue de nouveauté. L’ensemble de ses caractéristiques ont été divulguées par la société demanderesse lors d’un congrès, deux mois avant le dépôt de la demande de brevet. Lors de cette présentation publique, il a ainsi été divulgué un dispositif de signalisation de l’utilisation d’un appareil émettant des rayons X, comprenant un premier boîtier qui détecte l’émission de rayonnement dans la salle d’opération et un second boîtier situé à l’extérieur comportant des moyens de signalisation lumineux de l’utilisation de cet appareil selon qu’il est en fonctionnement ou sous tension. Les revendications 2, 3, 5 et 8 sont également dépourvues de nouveauté et doivent être annulées.

La revendication 9 est dépourvue d’activité inventive. Au regard d’une décision de l’Autorité de Sûreté Nucléaire et de la norme à laquelle elle fait référence, l’homme du métier qui sait que les locaux accueillant des appareils à rayons X doivent comporter un dispositif d’arrêt d’urgence, aurait été incité par le brevet antérieur cité et par le recours courant à des barrières infra-rouges en matière de sécurité, à intégrer, dans la première partie du dispositif de signalisation, des moyens de coupure de l’alimentation et des moyens de détection de la présence d’une personne dans le champ de fonctionnement de ces appareils afin d'empêcher une mise sous tension et un danger possible pour elle-même.

Tribunal judiciaire de Paris, 3e ch., 1re sect., 20 janvier 2022, 19/01997 (B20220010)
Biomédiqa SAS c. Rhéa SAS et TC Médical SARL