Jurisprudence
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Opposabilité de la clause compromissoire d'un contrat de licence à l’égard d’une société tierce qui poursuit le concédant en responsabilité pour diverses fautes liées à ce contrat

PIBD 1200-III-3
CA Paris, 4 janvier 2023

Action en responsabilité délictuelle - Fautes liés à l’exécution et au renouvellement d’un contrat de licence de marque - Compétence du tribunal de commerce (non) - Compétence du tribunal arbitral - Opposabilité de la clause compromissoire au demandeur tiers au contrat

Texte

Les juridictions étatiques françaises sont incompétentes pour statuer sur l’action en responsabilité délictuelle formée en vue de voir réparer le préjudice résultant des fautes qui auraient été commises par la société défenderesse, spécialisée en horlogerie, à l’occasion de l’exécution et du renouvellement du contrat de licence de sa marque conclu avec une société qui fabrique et commercialise des lunettes. La demanderesse est une société d’investissement possédant une partie du capital de la société licenciée et partage avec elle le même dirigeant. Elle reproche à la société concédante des fautes directes commises à son encontre, qui lui ont fait prendre des décisions d’ordre stratégique inadéquates concernant la société licenciée (embauche de salariés, abandon d'autres licences de marque, nouvelle orientation de production...). Elle relève également des manquements contractuels à l’égard de celle-ci lui causant un préjudice par ricochet.

La clause figurant au contrat de licence, prévoyant une médiation avant la saisine du tribunal arbitral pour régler tout litige découlant du contrat ou toute réclamation extra-contractuelle, est bien une clause compromissoire au sens de l’article 1442 du Code de procédure civile. Elle est opposable à la société demanderesse, bien qu’elle soutienne être tierce au contrat de licence. Ce contrat organisait non seulement le droit d'usage de la marque de luxe en cause et son développement, mais également la fabrication et la distribution des produits concernés, et prévoyait en outre un business plan. La clause n’est donc pas sans lien avec le litige. De plus, la société demanderesse a été directement impliquée dans la prolongation du contrat de licence, puis dans son exécution. Il n’est ainsi pas établi que la clause compromissoire est manifestement inapplicable, comme le prévoit l’article 1448 du Code de procédure civile pour écarter la compétence du tribunal arbitral.

Cour d'appel de Paris, pôle 5, 4e ch., 4 janvier 2023, 20/09591 (M20230001)
Invest In SAS c. LVMH Swiss Manufactures
(Infirmation partielle T. com. Lyon, 18 mai 2020, 2017J00884)