Jurisprudence
Marques

Plainte déposée par le titulaire de la marque BioSerenity auprès d’un hébergeur, suite à l’offre par un tiers, sur la plateforme, d’une application mobile sur laquelle apparaît le signe « Biosency »

PIBD 1200-III-4
CA Paris, 14 décembre 2022

Retrait de la plainte déposée auprès d’un hébergeur (oui) - Trouble manifestement illicite (oui) - Dommage imminent (oui) - Mise à disposition d’une application pour téléphone mobile sur une plateforme numérique - Grief relatif à l’imitation d’une marque - Rejet de l’action en contrefaçon par une décision antérieure - Portée territoriale

Texte

La société titulaire des marques BioSerenity, spécialisée dans le développement de dispositifs médicaux, a déposé une plainte auprès d’un hébergeur au motif qu’une application mobile mentionnant le terme « biosency », mise à disposition sur une plateforme numérique, portait atteinte à ses droits. Cette application, associée à un dispositif médical, permet de transmettre en temps réel les paramètres biologiques d’un patient. L’hébergeur a informé la société offrant l’application mobile que le fait de ne pas répondre au plaignant ou de ne pas prendre des mesures en vue de résoudre le litige pouvait conduire à la suppression de celle-ci.

Il est fait droit à la demande, présentée devant le juge des référés du tribunal de commerce, de retrait de la plainte.

La loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique prévoit que les hébergeurs n'engagent leur responsabilité civile que s'ils continuent à diffuser un contenu dont le caractère manifestement illicite leur a été signalé (article 6, I, 2). De plus, elle sanctionne pénalement le fait, pour toute personne, de présenter aux hébergeurs un contenu ou une activité comme étant illicite dans le but d'en obtenir le retrait ou d'en faire cesser la diffusion, alors qu'elle sait cette information inexacte (article 6, I, 4).

La société qui a déposé la plainte a dénoncé une atteinte à ses droits de marque, sans restriction territoriale, alors qu'elle savait, à cette date, que l’action en contrefaçon pour usage de la dénomination « biosency » avait été jugée mal fondée par une décision judiciaire française, exécutoire par provision, et dont les effets, eu égard à la détention de marques française et de l’Union européenne, s'étendaient au-delà du territoire national. Ceci suffit pour établir l'existence, avec l'évidence requise en référé, d'un trouble manifestement illicite.

Ce trouble subsistait à la date de l’audience devant le juge des référés. En effet, dans un courrier adressé à la société ayant déposé la plainte, la veille de l’assignation en référé, la société qui en demandait le retrait précisait que, n'étant pas présente dans tous les pays, elle retirait l'application mobile litigieuse de la plateforme dans les pays où elle n'était pas encore présente, mais qu'elle avait l'intention de la réinstaller au fur et à mesure de son expansion territoriale. Ce retrait auquel elle a été contrainte ne constitue pas un aveu de la légitimité de la plainte.

Par ailleurs, la seule menace d’un déréférencement de l'application sur la plateforme (sa désactivation et donc un arrêt de la continuité de fonctionnement du dispositif connecté pour les patients), compte tenu de ses effets, suffit à caractériser le dommage imminent qui justifie qu'il soit fait injonction de retirer la plainte. En effet, la société demanderesse ne peut pas envisager de reprendre l'expansion de son activité, notamment à destination de nouveaux territoires, sans faire cesser la menace que fait peser la plainte sur la pérennité du référencement de son application et donc sur la continuité de son fonctionnement.

Cour d’appel de Paris, pôle 1, 3e ch., 14 décembre 2022, 22/06002 (M20220325)
Bioserenity SAS c. Biosency SAS
(Confirmation partielle
T. com. Paris, ord. réf., 4 mars 2022, 2022009259)