Jurisprudence
Marques

Opposition à enregistrement - Absence de risque de confusion entre la marque notoire antérieure APPLE et le signe contesté PEN PINEAPPLE APPLE PEN

PIBD 1199-III-6
CA Paris, 9 novembre 2022

Opposition à l’enregistrement d’une marque verbale - Similarité des produits ou services - Complémentarité - Fonction - Circuits de distribution - Catégorie générale - Origine - Comparaison des signes - Différence visuelle, phonétique et intellectuelle - Marque verbale de l’UE antérieure - Adjonction de mots en attaque et d’un mot final - Langage courant - Langue étrangère - Traduction évidente - Impression d’ensemble - Mot commun distinctif mais non dominant - Position distinctive autonome - Ensemble unitaire - Risque de confusion (non) - Marque antérieure notoire - Conditions d’exploitation

Texte
Marque n° 009 783 978 de la société Apple Inc.
Marque n° 1 471 041 de la société Avex Inc.
Texte

Les « sauce de soja [...] ; sucre ; miel ; sel de table mélangé à des graines de sésame ; sel de cuisine ; sel de céleri ; assaisonnements dits "umami" ; [...] », visés dans la demande d'enregistrement international désignant la France portant sur le signe PEN PINEAPPLE APPLE PEN, et « les services de restauration (alimentation) », visés dans la marque de l'Union européenne antérieure APPLE, ne peuvent être considérés comme complémentaires, ni similaires. Les premiers recouvrent une série de produits alimentaires de base et de condiments que les seconds n'ont pas pour objet de servir en tant que tels. Par ailleurs, le public n’est pas fondé à leur attribuer la même origine.

Les signes en cause ont en commun le terme « apple », utilisé seul pour la marque antérieure et, pour le signe contesté, placé au centre d'une séquence verbale composée de deux autres mots « pen » et « pineapple », le premier étant répété en fin de séquence. Le second terme est un mot courant et connu, signifiant « ananas » en anglais, qui sera perçu, tant visuellement que phonétiquement et conceptuellement, dans sa globalité par le consommateur qui n'isolera pas artificiellement l’élément « apple ».

Les deux signes se différencient visuellement et phonétiquement, que ce soit par leur structure et leur longueur ou par leur rythme et leurs sonorités d'attaque et finale. Intellectuellement, si le consommateur retrouvera le même terme « apple » qu'il pourra aisément traduire par « pomme », la séquence « pen pineapple apple pen » du signe contesté pourra être aisément comprise comme une association de quatre mots usuels « stylo ananas pomme stylo », le terme « apple/pomme » étant alors compris dans son sens commun de fruit, comme « pineapple/ananas », en dehors de toute référence à la marque antérieure. Ainsi, la comparaison globale et objective des signes en cause permet de retenir qu'ils ne produisent pas la même impression d'ensemble.

Cette constatation est encore renforcée par la prise en compte des éléments distinctifs et dominants. Si le terme « apple » est distinctif au regard des produits et services en cause, il ne peut être considéré, au sein du signe contesté, comme dominant et individualisable. En effet, il se trouve fondu dans un ensemble où il n'est pas mis en exergue par rapport aux autres termes, étant placé en troisième position, entouré des séquences « pen pineapple » et « pen ». Il ne retiendra pas l'attention du consommateur qui aura tendance, au contraire, à se focaliser sur l'entame et la finale du signe marqué par la répétition du terme « pen ».

Le caractère arbitraire objectif de la marque première pour désigner les produits en cause ne peut suffire à faire naître un risque de confusion entre les signes en présence, malgré la notoriété de la marque dans le domaine des nouvelles technologies qui ne peut constituer qu'un facteur aggravant d’un tel risque. Par ailleurs, rien n'établit que, dans le signe PEN PINEAPPLE APPLE PEN, le terme « apple » conserve une position distinctive autonome, au regard de la répétition de la séquence du mot court « pen », encadrant les termes « pineapple » et « apple » perçus alors comme deux fruits, et non en référence à la marque de la société éponyme, le signe étant formé d’une suite de mots présentant une certaine forme de logique et de cohérence.

Par ailleurs, le fait que le titulaire de la marque APPLE affirme l’exploiter sous diverses déclinaisons est étranger à l'appréciation du risque de confusion entre les signes, le bien-fondé d'une opposition s'appréciant uniquement au regard des droits conférés par l'enregistrement de la seule marque antérieure, et non au regard de ses conditions d'exploitation ou du dépôt d'autres marques non revendiquées dans la procédure d'opposition.

Cour d'appel de Paris, pôle 5, 1re ch., 9 novembre 2022, 20/13921 (M20220317)
Apple Inc. c. INPI et Avex Inc.
(Rejet recours c. décision INPI, 7 juill. 2020, OPP 19-3564 ; O20193564)