Action en déchéance - Recevabilité partielle (oui) - Intérêt à agir - Entrave à l'activité d'autrui - Secteur d'activité - Produits ou services identiques ou similaires
Déchéance partielle des marques (oui) - Usage sérieux - Exploitation sous une forme modifiée - Altération du caractère distinctif (oui) - Ensemble unitaire - Évocation propre - Différence visuelle, phonétique et intellectuelle - Usage à titre de marque
Demande en nullité des marques - Recevabilité (non) - Intérêt à agir - Titularité sur un droit antérieur (non) - Marques déchues
Contrefaçon des marques (non) - Faits antérieurs à la déchéance - Reproduction - Dépôt de marque - Usage pour des produits ou services - Usage dans la vie des affaires
Contrefaçon de marque (non) - Similarité des produits ou services - Imitation - Mot d'attaque différent - Mot final commun - Usage du signe au masculin - Superlatif - Élément dominant - Ensemble unitaire - Différence visuelle, phonétique et intellectuelle
Concurrence déloyale (non) - Marques non exploitées - Imitation de la marque - Imitation du conditionnement et des visuels de communication - Risque de confusion - Thème commun - Parasitisme (non) - Absence de valeur économique propre - Antériorité de l'exploitation - Volonté de s'inscrire dans le sillage d'autrui
La demande en déchéance des droits de la société poursuivie sur sept marques, pour défaut d’usage sérieux, est accueillie pour certains produits et services visés aux dépôts.
Concernant la marque ENSORCELLEMENT, le titulaire établit l’usage des mentions « kit ensorcellement » ou « kit d’ensorcellement ». Il s’agit toutefois d’un usage sous une forme modifiée qui altère le caractère distinctif de la marque. En effet, l'adjonction de ces termes d’attaque confère à l'ensemble ainsi créé un caractère indissociable renvoyant à une expression particulière possédant sa propre évocation. Les perceptions visuelle et phonétique des signes sont différentes et surtout, du point de vue conceptuel, le terme « kit » renvoie à un ensemble d'éléments totalement absent de la marque telle que déposée. D’ailleurs, le produit visé est un kit, parfois offert, qui comporte des produits différents autrement désignés (ex : « En deux coups de Baguette », « Diabolique tomate »…) et qui est identifié comme tel par les consommatrices.
S’agissant des marques SORCIERE, EAU SORCIERE, JUS DE SORCIERES et BRUME DE SORCIERES, il n’est pas établi un usage à titre de marque auprès de la clientèle.
Enfin, l’usage du signe « Eau de sourcellerie » ne vaut pas exploitation sous une forme modifiée n’en altérant pas le caractère distinctif des marques SORCELLERIE et SORCELLERIE BLANCHE. La perception des signes en cause est distincte d'un point de vue visuel et auditif mais également conceptuel, les marques renvoyant expressément à la sorcellerie alors que, dans le signe utilisé, le terme dominant « Sourcellerie » renvoie au nom « source » pour créer dans l'ensemble « eau de Sourcellerie » une expression au caractère distinctif propre, laquelle a d'ailleurs fait l'objet d'un dépôt de marque distinct.
Les marques de l’Union européenne EAU SORCIÈRE et CRÈME SORCIÈRE ne constituent pas la contrefaçon par reproduction des marques SORCIERE et EAU SORCIERE de la société poursuivie, pour la période antérieure à la déchéance de ses droits. Aucune preuve de l’exploitation des marques secondes n’est rapportée. Or, la demande d'enregistrement d'un signe en tant que marque ne caractérise pas un usage pour des produits ou des services dans la vie des affaires[1].
Par ailleurs, l’usage des signes « Sorcière », « Sorcier », « Sorcierissime », « Sérum Sorcierissime » et « Masque Sorcierissime » pour désigner des produits cosmétiques ne constitue pas la contrefaçon par imitation de la marque antérieure BAL MASQUE DES SORCIERS. Les signes en cause ont des termes d’attaque différents. Ils ont en commun le terme « Sorcier », qui constitue l'élément dominant dans les signes incriminés et est utilisé soit au féminin pour qualifier une crème ou une eau, soit suivi du suffixe « issime » à titre de superlatif, soit encore seul. En revanche, au sein de la marque antérieure, ce terme se fond dans l'ensemble constitué de quatre mots et ne fait que préciser la nature du « bal masqué » duquel il est indissociable. Dès lors, les signes présentent peu de similitudes visuelle et phonétique. D'un point de vue conceptuel, la marque première renvoie à un événement festif organisé pour les sorciers, tandis que les signes incriminés se rapportent aux préparations effectuées par des sorcières et que le terme « Sorcierissime » constitue un superlatif renvoyant à l'idée de pouvoirs suprêmes conférés par une sorcière.
Cour d’appel de Paris, pôle 5, 2e ch., 16 décembre 2022, 21/21578 (M20220329)
Sygibel c. Laboratoire Garancia SAS
(Confirmation partielle TJ Paris, 3e ch., 2e sect., 12 nov. 2021, 19/04723)
[1] Dans le même sens, voir notamment deux arrêts de la Cour de cassation du 13 octobre 2021 (Cass. com., Compagnie Méditerranéenne des Cafés SA c. Cafés Richard SA et al., 19-20.959, B20210070, PIBD 2021, 1170, III-2 avec une note de bas de page, D IP/IT, nov. 2021, p. 537, note de N. Maximin, Propr. industr., févr. 2022, comm. 10, p. 60, note de P. Tréfigny, Légipresse, 399, janv. 2022, p. 42, note de Y. Basire et V. Mauriac, D IP/IT, mars 2022, p. 148, note d’I. Hegedüs, RTD Com, 2, avr.-juin 2022, p. 249, note de J. Passa ; Cass. com., Wolfberger - Cave Coopérative Vinicole d'Eguisheim SCA c. Cécile A et al., 19-20.504, M20210238, PIBD 2021, 1172, III-2, JCP E, 43-44, 28 oct. 2021, act. 737, p. 16, RJDA, 8-9, août-sept. 2022, p. 727, note).