Jurisprudence
Marques

Une mesure de destruction ne saurait s’appliquer aux seules marchandises sur lesquelles une marque a été apposée sans le consentement du titulaire

PIBD 1199-III-4
CJUE, 13 octobre 2022

Recevabilité de la question préjudicielle (oui) - Organisme de renvoi - Caractère de juridiction - Présomption d’indépendance

Atteinte à un droit de PI - Marque de l’UE - Offre en vente de produits authentiques sans autorisation du titulaire - Mesures correctives - Destruction de marchandises - Principe de proportionnalité

Texte

La question préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 10, § 1 de la directive 2004/48, selon lequel les États membres ont l’obligation de veiller « à ce que les autorités judiciaires compétentes puissent ordonner, à la demande de la partie demanderesse, que des mesures appropriées soient prises à l’égard des marchandises dont elles auront constaté qu’elles portent atteinte à un droit de propriété intellectuelle ». Au nombre de ces mesures figure la destruction de marchandises.

En l’espèce, un distributeur polonais offrait à la vente des échantillons, testeurs et produits de démonstration d’origine revêtus de la marque de l’Union européenne HUGO BOSS, non destinés à la vente. Les juridictions nationales saisies ont ordonné la destruction des marchandises.

Selon une disposition de la loi polonaise sur la propriété industrielle, une mesure de protection consistant en la destruction de marchandises ne peut être appliquée que dans l’hypothèse où celles-ci ont été « fabriquées ou marquées de manière illicite ». La juridiction de renvoi demande si l’article 10, § 1, de la directive 2004/48 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à l’interprétation d’une disposition nationale selon laquelle une mesure de protection consistant en la destruction de marchandises ne peut pas être appliquée à des marchandises qui ont été fabriquées et sur lesquelles une marque de l’Union européenne a été apposée, avec le consentement du titulaire de celle-ci, mais qui ont été mises sur le marché de l’EEE sans son consentement.

L’article 10, § 1 de la directive 2004/48 est la transposition de l’article 46 de l’accord sur les ADPIC, qui ne limite pas l’application des mesures correctives à une catégorie précise d’atteintes aux droits de la propriété intellectuelle. En raison de sa formulation très générale, il vise, au contraire, toutes les marchandises pour lesquelles il aura été constaté qu’elles portent une atteinte, quelle qu’elle soit, à un droit de propriété intellectuelle. La directive 2004/48 consacre un standard minimal concernant le respect des droits de propriété intellectuelle et n’empêche pas les États membres de prévoir des mesures plus protectrices. Il en résulte que l’article 10, § 1 de la directive 2004/48 n’exclut pas, à priori, l’application de la mesure corrective de destruction. Conformément au paragraphe 3 de cet article, il appartient cependant aux autorités judiciaires compétentes de tenir compte du fait qu’il doit y avoir proportionnalité entre la gravité de l’atteinte et les mesures correctives ordonnées, ainsi que des intérêts des tiers et de décider de la mesure à adopter dans chaque cas d’espèce.

Par ailleurs, les droits conférés par une marque de l’Union européenne sont mentionnés à l’article 9 du règlement n° 207/2009. En particulier, le titulaire peut interdire l’apposition de cette marque sur un produit ou sur son conditionnement. Il peut également interdire, la commercialisation de produits sous celle-ci. Il appartient donc aux autorités judiciaires nationales compétentes de déterminer, au cas par cas, la mesure qui, parmi celles prévues, peut être imposée en raison d’une atteinte à un droit de propriété intellectuelle. Il ne saurait être considéré que la mesure corrective consistant en la destruction de marchandises n’est applicable qu’en cas d’apposition de cette marque sur un produit ou sur son conditionnement et que son application serait exclue en cas de commercialisation de produits sous ladite marque.

Dès lors, l’article 10, § 1 de la directive 2004/48 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à l’interprétation d’une disposition nationale selon laquelle une mesure de protection consistant en la destruction de marchandises ne peut pas être appliquée à des marchandises qui ont été fabriquées et sur lesquelles une marque de l’Union européenne a été apposée, avec le consentement du titulaire de celle-ci, mais qui ont été mises sur le marché de l’EEE sans son consentement.

Cour de justice de l’Union européenne, 9e ch., 13 octobre 2022, C‑355/21 (M20220333 ; Propr. industr., déc. 2022, comm. 63, par A Folliard-Monguiral)
Perfumesco.pl sp. z.o.o. sp.k. c. Procter & Gamble International Operations SA
(Décision préjudicielle)