Jurisprudence
Marques

Ré-étiquetage et commercialisation, par un revendeur, de produits rechargeables originairement mis sur le marché par le titulaire de la marque dans un État membre de l’UE

PIBD 1199-III-3
CJUE, 27 octobre 2022

Contrefaçon de marques nationales et de l’UE - Épuisement des droits - Mise dans le commerce dans l'EEE - Consentement du titulaire - Ré-étiquetage - Maintien de la marque d’origine - Motif légitime - Lien économique entre les parties - Fonction d’indication d’origine

Texte

Des questions préjudicielles ont été présentées dans le cadre d'une action en contrefaçon des marques SODASTREAM et SODACLUB, intentée devant une juridiction finlandaise. Il était reproché à un revendeur l’offre en vente de bouteilles de dioxyde de carbone rechargées, ré-étiquetées et revêtues de ces marques sans l’autorisation de leur titulaire. La société poursuivie, qui fabrique des appareils de carbonatation permettant aux consommateurs de préparer, à partir d’eau du robinet, de l’eau gazeuse et des boissons gazeuses aromatisées, reçoit par l’intermédiaire de distributeurs des bouteilles renvoyées vides par des consommateurs. Certaines de ces bouteilles, compatibles avec ses propres appareils, avaient été initialement mises sur le marché par le titulaire des marques invoquées. Elle les rechargeait en dioxyde de carbone et remplaçait les étiquettes d’origine par ses propres étiquettes, en laissant visibles les marques d’origine gravées sur le corps des bouteilles.

En application de l’article 15, § 1 de la directive 2015/2436 et du règlement 2017/1001, relatifs à l’épuisement des droits, une marque ne permet pas à son titulaire d’interdire l’usage de celle-ci pour des produits qui ont été mis sur le marché dans l’Union européenne sous cette marque par le titulaire ou avec son consentement. Dans le contexte en cause, la juridiction de renvoi s’interroge sur la question de savoir si la pratique qui consiste, pour le revendeur, à recharger et à remplacer l’étiquette faisant figurer la marque d’origine par un autre étiquetage, tout en laissant apparaître celle-ci sur les produits, constitue ou non un motif légitime, au sens de l’article 15, § 2 des textes précités, permettant au titulaire de la marque de s’opposer à la commercialisation ultérieure des produits qu’il a mis sur le marché.

Selon la jurisprudence antérieure de la Cour de justice, la vente d’une bouteille de gaz rechargeable, par le titulaire des marques apposées sur celle-ci, épuise ses droits et transfère à l’acheteur le droit de disposer librement de cette bouteille, y compris celui de l’échanger ou de la faire remplir auprès d’une entreprise de son choix. Ce droit de l’acheteur a pour corollaire le droit des concurrents du titulaire des marques de procéder au remplissage et à l'échange des bouteilles vides.

Ainsi, le titulaire d’une marque qui a commercialisé, dans un État membre de l’Union européenne, des produits revêtus de cette marque et destinés à être réutilisés et rechargés de nombreuses fois n’est pas en droit de s’opposer à la commercialisation ultérieure de ces produits, dans cet État membre, par un revendeur qui les a rechargés et a remplacé l’étiquette faisant figurer la marque d’origine par un autre étiquetage, tout en laissant apparaître la marque d’origine sur ces produits.

Toutefois, cette pratique est susceptible d’être prohibée et de constituer un motif légitime au sens de l’article 15, § 2, justifiant que le titulaire de la marque s’oppose à la commercialisation de produits après leur mise sur le marché. Tel est le cas si le nouvel étiquetage crée l’impression erronée, dans l’esprit des consommateurs, qu’il existe un lien économique entre le titulaire de la marque et le revendeur. Pour apprécier ce risque, il convient de tenir compte des indications figurant sur le produit et sur son nouvel étiquetage, ainsi que des pratiques de distribution du secteur concerné et du niveau de connaissance de ces pratiques par les consommateurs.

Cour de justice de l’Union européenne, 5e ch., 27 octobre 2022, C‑197/21 (M20220334 ; Les MÀJ IRPI, 43, déc. 2022, p. 8, C. Grudler ; L’Essentiel, janv. 2023, P. Langlais)
Soda-Club (CO2) SA et SodaStream International BV c. MySoda Oy
(Décision préjudicielle)