Jurisprudence
Marques

Opposition à l’enregistrement de la marque figurative ACM 1899 AC MILAN sur la base de la marque verbale MILAN - Preuve de l’usage sérieux de la marque antérieure

PIBD 1173-III-2
TUE, 10 novembre 2021

Opposition à l’enregistrement de la marque figurative de l’UE - 1) Preuve de l’usage sérieux de la marque verbale antérieure (oui) - Lieu de l’usage - Pertinence des pièces - Période à prendre en compte - Faisceau d’éléments - Exploitation sous une forme modifiée - Altération du caractère distinctif (non) - 2) Risque de confusion (oui) - Appréciation globale - Identité ou similitude des produits - Similitude visuelle, phonétique et intellectuelle entre les signes - Adjonction d’une partie figurative - Élément verbal distinctif et dominant - Renommée de la marque demandée

Texte
Demande d’enregistrement n° 1 329 545 de l’Associazione Calcio Milan
Texte

La preuve de l’usage sérieux de la marque verbale antérieure allemande Milan, qui sert de fondement à l’opposition à enregistrement, a été rapportée. La chambre de recours de l’EUIPO n’a pas commis d’erreur en prenant en compte les pièces ne relevant pas de la période pertinente, conjointement avec les autres pièces fournies. Elle s’est fondée sur des éléments de preuve crédibles et concrets qui, pris dans leur ensemble, démontraient que l’opposante avait déployé des efforts sérieux pour conquérir une position commerciale sur le marché pertinent, même si certains éléments s’avéraient insuffisants à eux seuls à démontrer l’usage sérieux. Par ailleurs, une partie des éléments de preuve, à savoir les factures et les barèmes de prix, fait apparaître la marque antérieure telle qu’enregistrée, tandis que d’autres éléments montrent un usage de cette marque accompagnée d’un élément figuratif, à savoir la tête d’un oiseau semblable à un rapace. La chambre de recours a, à bon droit, considéré que les différences entre la marque antérieure, sous sa forme enregistrée, et le signe sous la forme duquel elle avait été utilisée sur le marché n’altéraient pas le caractère distinctif de la marque. En effet, si l’élément figuratif ajouté à la marque n’est pas négligeable compte tenu de sa taille et de sa position, il ne saurait pour autant être considéré comme dominant. De plus, pour la partie du public pertinent qui comprend l’élément verbal « milan » comme désignant une espèce de rapace, l’élément figuratif renforce cet élément. La légère stylisation de l’élément verbal et la présence de la couleur bleue ne modifient pas davantage l’impression d’ensemble produite par la marque telle qu’enregistrée.

C’est également à raison que la chambre de recours a estimé qu’il existait un risque de confusion entre la marque verbale antérieure Milan et la demande d’enregistrement international, désignant l’UE, de la marque figurative ACM 1899 AC MILAN, qui visent toutes deux des produits de papeterie. Si l’élément figuratif de la marque demandée n’est pas négligeable dans l’impression d’ensemble produite par ce signe, l’attention du grand public allemand sera attirée par l’élément verbal « AC MILAN », qui apparaît en caractères majuscules dans une police stylisée et dépasse en longueur l’élément figuratif. Ce dernier et le sigle « AC » sont dotés d’un caractère distinctif, compte tenu de la nature des produits visés. Le mot « milan » peut revêtir plusieurs significations (référence à la ville italienne, à un prénom masculin ou à une espèce de rapace). Pour la partie du public pertinent qui le percevra comme une référence à la ville de Milan et qui, de ce fait, pourrait l’associer au lieu d’origine des produits en cause ou au lieu du siège social de l’entreprise fournissant ces produits, il détient un caractère faiblement distinctif, ce qui ne remet pas en cause le fait qu’il soit le composant essentiel de l’élément dominant « AC MILAN » de la marque demandée. En raison de la présence commune du terme « milan », les signes en cause présentent une similitude visuelle moyenne et phonétique élevée. Conceptuellement, ils sont moyennement similaires pour la partie du public qui attribuera une signification au mot « milan ». Enfin, même à supposer qu’une partie de ce public perçoive l’élément « AC MILAN » comme une référence au club de football de la ville de Milan, les signes en conflit renverraient tous les deux à cette ville italienne.

Dans le cadre de l’appréciation globale du risque de confusion, les aspects visuel, phonétique et conceptuel des signes en conflit n’ont pas toujours le même poids et il importe alors d’analyser les conditions objectives dans lesquelles les marques peuvent se présenter sur le marché. Celles-ci sont en effet susceptibles, comme en l’espèce, d’accentuer l’importance à accorder à la similitude visuelle, vu la nature des produits en cause qui sont vendus en libre-service. Cependant, les similitudes qui ont été constatées entre les signes, sur les trois plans de comparaison, sont, dans leur ensemble, d’un degré suffisant pour conclure à l’existence d’un risque de confusion. Par ailleurs, l’argument de la requérante selon lequel la marque demandée serait renommée en Allemagne n’est pas pertinent. En effet, seule la renommée de la marque antérieure[1] doit être prise en compte pour apprécier si la similitude des produits désignés par deux marques est suffisante pour donner lieu à un risque de confusion.

Tribunal de l’Union européenne, 6e ch., 10 novembre 2021, T-353/20 (M20210255)
Associazione Calcio Milan SpA (AC Milan) c. EUIPO et InterES
Handels- und Dienstleistungs GmbH & Co. KG
(Rejet recours c. décision de la 2e ch. recours de l’EUIPO, 14 févr. 2020, R 161/2019-2)
      

[1] Le présent arrêt peut être rapproché d’un arrêt antérieur de la Cour de justice de l’Union européenne rendu dans un litige relatif à l’opposition formée par le titulaire des marques verbales de l’Union européenne MASSI à l’enregistrement de la marque figurative MESSI pour désigner des articles et vêtements de sport. La Cour a approuvé le Tribunal de l’Union européenne en ce qu’il avait jugé que la notoriété du demandeur à l’enregistrement, un célèbre footballeur dont la marque reprend le patronyme, constituait un facteur pertinent afin d'établir une différence conceptuelle entre les termes « messi » et « massi », et en ce qu’il avait annulé la décision de l'EUIPO ayant accueilli l'opposition (CJUE, 10e ch., 17 sept. 2020, EUIPO c. Lionel M et J.M.-E.V. E Hijos SRL, C-449/18 et C-474/18 ; M20200185 ; PIBD 2020, 1146, III-2 ; Propr. industr., nov. 2020, comm. 62, A. Folliard-Monguiral ; D IP/IT, oct. 2020, p. 525, note de N. Maximin ; Europe, nov. 2020, comm. 367, D. Simon ; L'Essentiel, 10, nov. 2020, p. 6, note de A.-E. Kahn ; D IP/IT, janv. 2021, p. 37, S. Chatry).