Jurisprudence
Brèves de jurisprudence

Panorama en matière de marques et de dessins et modèles

PIBD 1223-III-4
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La rubrique « Brèves de jurisprudence » offre un aperçu d'autres décisions en mettant l'accent sur un ou plusieurs points de droit intéressants.

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MARQUES
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Rejet partiel de la demande d’enregistrement de marque - Évocation d’une IGP

Demande de marque n° 4 675 593 de la société Laboratoires M&L

C’est à juste titre que l’INPI a partiellement rejeté la demande d'enregistrement de la marque verbale L’OCCITANE, qui vise de nombreux produits et services, pour les « vins ne bénéficiant pas de l'IG "Pays d'Oc" ». Ces produits sont identiques aux vins couverts par l’IGP. De plus, le signe incorpore le terme « Oc », qui constitue un élément à part entière et déterminant de la dénomination de l'IGP, en ce qu'il la définit sur le plan géographique. Ce terme essentiel est également un élément racine dans le signe contesté, même suivi des deux autres syllabes, de sorte qu'il existe une parenté phonétique avec l'IGP. Enfin, il existe une proximité conceptuelle entre la marque et l’IGP. Si la renommée de la marque L’OCCITANE pour les produits cosmétiques et de bien-être conduira le consommateur moyen à associer le signe verbal déposé L’OCCITANE directement et immédiatement aux produits de cet univers, tel n’est pas le cas pour les « vins ne bénéficiant pas de l'IG "Pays d'Oc"». En effet, s’agissant de ces produits, le consommateur, tant français qu’européen, aura immédiatement à l'esprit la région Occitanie et tout particulièrement le Pays d'Oc, réputé pour ses vins au sein de cette région. L’évocation de l’IGP « Pays d’Oc » est donc caractérisée.

CA Aix-en-Provence, ch. 3-1, 22 févr. 2024, Laboratoires M&L SA c. INPI, 22/14347 et 23/06408 (M20240057)1
(Rejet recours c. décisions INPI, 1er sept. 2022 et 14 avr. 2023)

1 V. CA Paris, pôle 5, 2e ch., 26 mai 2023, INAO et al. c. Newrhône Millésimes SAS, 21/09232 (M20230066 ; PIBD 2023, 1210-III-5 avec une note de N. Gauthier Rougon) : annulation des marques verbale et semi-figurative NEWRHONE pour les « vins bénéficiant des appellations d’origines protégées "Côtes du Rhône" et "Côtes du Rhône Villages" y compris les crus des Côtes du Rhône, et des autres appellations d’origines protégées de la Vallée du Rhône» du fait de l'évocation des AOP « Côtes du Rhône » et « Côtes du Rhône Villages ».
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Opposition à enregistrement - Risque de confusion (non) - Services partiellement différents - Élément figuratif distinctif

Marque n° 1 544 783 de la société Round Hill Technologies
Demande de marque n° 4 790 213 de la société OP

L’opposition à l’enregistrement de la marque semi-figurative THE CO.LIVING COMPANY, sur la base de la marque semi-figurative de l’UE The Living Company, n’est pas fondée. Les services de « mise à disposition d’hébergements temporaires » couverts par la marque antérieure ne sont pas similaires aux services de « location de salles de réunion, d’espaces de travail, de chaises et de tables, de salles de spectacle, de salles de réception (divertissement) » visés par la demande d’enregistrement. En effet, si les uns et les autres consistent à mettre un lieu à la disposition de personnes pour une courte période, ils n'ont pas le même objet, ne sont pas destinés à la même clientèle et ne sont pas proposés par les mêmes opérateurs. Enfin, le fait que des hôtels proposent à la location des salles de réunion et des espaces de travail ou de spectacles ne suffit pas à créer un lien de complémentarité entre ces services. Concernant les services identiques ou similaires, il n’existe pas de risque de confusion entre les signes qui présentent des différences fortes aux plans visuel et intellectuel. En outre, au sein du signe contesté, l’élément verbal apparaît comme fortement évocateur, de sorte que l’élément figuratif, visuellement très présent, sera immédiatement perçu par le public, lui permettant d’identifier, à lui seul, l’origine commerciale des services concernés.

CA Paris, pôle 5, 1re ch., 24 janv. 2024, Round Hill Technologies SARL c. INPI et al., 22/14602 (M20240025)
(Rejet recours c. décision INPI, 21 juin 2022, OP 21-4771 ; O20214771)

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Interdiction provisoire (oui) - Caractère vraisemblable de la contrefaçon - Exception de référence nécessaire

Marque n° 018 035 854 de la société Corum Asset Management

La société poursuivie en référé est l’éditrice d’un site internet qui est une plateforme de vente de parts de sociétés civiles de placement immobilier (SCPI), sur lequel les marques CORUM Origin, CORUM, CORUM XL et EURION ainsi que des SCPI des sociétés demanderesses sont citées. Elle ne peut pas bénéficier de l’exception de référence nécessaire alors que le site n’a pas pour objet d’informer le public sur l’ensemble des produits financiers de ce type et que la défenderesse ne distribue pas les produits des demanderesses mais commercialise d’autres produits identiques. La vraisemblance de la contrefaçon est donc établie et une mesure d’interdiction provisoire est ordonnée. En revanche, l’usage du terme « Corum » comme mot-clé pour le référencement du site sur un moteur de recherche, déclenchant l’affichage d’une annonce publicitaire pour son site, n’est pas de nature à créer un risque de confusion sur l’origine des produits et services et ne constitue donc pas une contrefaçon vraisemblable.

TJ Paris, ord. réf., 16 janv. 2024, Corum L’Épargne SAS et al. c. Louve Group SAS, 23/53983 (M20240012)

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DESSINS ET MODÈLES
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Recevabilité de l'action en contrefaçon de droits d’auteur (non) - Cession implicite au défendeur

Une société de conseil en packaging et design produit a cédé implicitement ses droits patrimoniaux sur des créations, portant sur le conditionnement et l’univers graphique de spiritueux, qu’une société de négoce lui avait commandées. En effet, les exigences formelles et relatives à la preuve, imposées par les articles L. 131-2 et L. 131-3 du CPI pour la cession des droits, ne sont pas opposables à cette dernière. Il est constant qu’à l'encontre de la partie commerçante, la preuve certaine et précise de la transmission conventionnelle peut être faite par tous moyens. De plus, les dispositions du second article, portant sur la mention des droits cédés et la délimitation de leur domaine d’exploitation, ne concernent que les rapports entre l’auteur et son cocontractant. Dès lors, la nature de la commande, ainsi que l’absence de contestation, pendant plus de 20 années de collaboration, de la part de la société de conseil qui avait connaissance de la destination contractuelle des travaux commandés, constituent la preuve de la cession implicite. N’étant pas titulaire des droits revendiqués, cette société n’a donc pas qualité pour agir en contrefaçon de droits d’auteur, ainsi qu’en nullité de marques pour atteinte à ses droits antérieurs, à l’encontre de la société de négoce de spiritueux.

CA Bordeaux, 1ère ch. civ., 11 janv. 2024, M.[X] [D] et al. c. Maison Villevert SAS, 23/02805 (D20240002)
(Confirmation TJ Bordeaux, 1re ch., ord. juge de la mise en état, 5 juin 2023, 22/03116)
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1Sur la reconnaissance d’une cession implicite de droits d’auteur en l’absence d’un contrat écrit, à rapprocher de : Cass. 1re ch. civ., 14 juin 2023, M. [Y] [P] c. Corep SAS et al., 22-15.696 (D20230022 ; PIBD 2023, 1210, III-7 ; Légipresse, 415, juin 2023, p. 328, A. Blocman et C. Lamy ; L’Essentiel Droit de la propr. intell., 8, sept. 2023, p. 2, A. Lucas ; Comm. com. électr., oct. 2023, comm. 68, P. Kamina ; D IP/IT, déc. 2023, p. 646, P. Mouron). À noter que, dans ce litige, la cour d’appel de Bordeaux avait jugé que la preuve de la cession des droits d’exploitation sur les créations pouvait être rapportée selon les prescriptions du droit commun, et non celles de l'article L. 131-2 du CPI, dans sa version antérieure à la loi n° 2016-925 du 7 juillet 2016, qui visaient uniquement les contrats de représentation, d'édition et de production audiovisuelle. Or, depuis cette loi, l’exigence d’un écrit pour constater un contrat a été étendu à toutes les cessions de droits d'auteur.
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Protection au titre du droit d’auteur (oui) - Contrefaçon de droits d’auteur (oui) - Concurrence parasitaire (oui)

Modèle n° 96305 de M. [T]

Le tabouret démontable connu sous le nom « Tam Tam », qui a donné lieu à des dépôts de modèles, respectivement enregistrés en 1968 et 1983, est protégé par le droit d’auteur. L’originalité de l’œuvre tient à la combinaison de trois éléments : la forme en diabolo alliée à l’emploi de la matière plastique ; les parties jumelles démontables et emboîtables se rencontrant en un point dont la finesse relative permet de supporter le poids d’un corps ; les possibilités offertes par ces caractères démontable et emboîtable, qui ne répondent pas à un défi technique, mais permettent de jouer entre les multiples profils d'emboîtement. La preuve n'est pas rapportée de l'existence d'antériorités reprenant cette combinaison spécifique, qui présente un caractère aléatoire, ludique et esthétique. Il est indifférent qu'il ait fallu peu de temps au créateur pour imaginer le tabouret. En conséquence, la combinaison inédite des trois éléments d'originalité précités reflète la personnalité de leur auteur. Les sociétés qui commercialisent en magasin et en ligne et qui fabriquent le tabouret litigieux, reproduisant parfaitement les caractéristiques originales du tabouret invoqué, se sont rendues coupables de contrefaçon. Enfin, l’argument publicitaire suivant : « 5 € le tabouret, vous n’aurez qu’à dire que vous l’avez acheté dans une boutique design », constitue un comportement parasitaire.

CA Lyon, 1re ch. civ. A, 22 févr. 2024, Stamp SA c. La Foir' Fouille SA et al., 20/06309 (D20240009)
(Confirmation partielle TJ Lyon, ch. 10 cab 10 J, 20 oct. 2020, 15/12514 ; D20200025 ; PIBD 2020, 1148-III-7)

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