Jurisprudence
Brèves de jurisprudence

Panorama en matière de marques et de dessins et modèles

PIBD 1225-III-4
Titre
MARQUES
Texte


Droit pénal - Contrefaçon de marque - Usage dans la vie des affaires

Dans l’arrêt attaqué qui confirme l'ordonnance de non-lieu, la chambre de l’instruction estime que l’affichage, sur un panneau publicitaire, du texte « Les syndicats de police et BFM vous souhaitent un bon enfumage 2019 » n’est pas susceptible de constituer un délit d’usage et de reproduction de la marque BFM. Elle retient en effet que la mention litigieuse ne relève pas de la vie des affaires, même si le propriétaire du panneau publicitaire, qui est mis en cause, peut être considéré comme participant à la vie des affaires en raison de l'inscription, au répertoire Sirene, de son activité d’agence de publicité. Cette mention a été diffusée de façon restreinte et pour un temps donné, l'affiche ayant également fait l'objet de deux publications sur la page Facebook du mis en cause. De plus, elle présente un caractère satirique et ne contient aucune proposition de produit. Elle ne s’inscrit donc pas dans le domaine économique et ne vise pas non plus à l'obtention d'un avantage direct ou indirect de nature économique. En se déterminant ainsi, par des motifs procédant d'une exacte interprétation de la notion de « vie des affaires » au sens de l'article 5, § 1, de la directive 2008/95/CE, la chambre de l'instruction a justifié sa décision.

Cass. crim., 27 févr. 2024, BFM TV c. M. [N] [X], 23/81.563 (M20240064)
(Rejet pourvoi c. CA Aix-en-Provence, ch. de l'instruction, 7 mars 2023)

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Contrefaçon de la marque (oui) - Caractère distinctif - Risque de confusion - Usage à titre de marque

Marque n° 4 699 752 de la société AB Copains
Marque n° 4 765 114 de M. [W] [F]

La contrefaçon de la marque verbale Copains du fait de l’usage du signe semi-figuratif « KOPAIN » est caractérisée. La marque Copains, qui désigne des produits alimentaires de consommation courante, en particulier de la boulangerie, et des services de restauration, n’est pas dépourvue de caractère distinctif. En effet si, par son étymologie, le terme « copain » renvoie au pain que l’on partage, les défendeurs n’établissent cependant pas que le consommateur moyen l’associe immédiatement aux produits et services de boulangerie. La circonstance que plusieurs boulangeries ont adopté ce signe à titre d’enseigne ne prouve pas plus qu’il s’agirait d’une norme ou habitude du secteur, les pièces produites ne faisant pas état de son usage à titre de marque. Les signes en cause présentent une forte similitude visuelle et phonétique, les différences entre eux étant minimes. Sur le plan conceptuel, ils renvoient à la camaraderie dans l’esprit du public concerné, qui ne percevra pas immédiatement, contrairement à ce qu’invoquent les défendeurs, que la lettre « k » du signe contesté renvoie à « l’univers distinctif et notoire de la Maison Michalak ». Enfin, la société défenderesse, qui utilise le signe litigieux à titre d’enseigne et de nom commercial, appose celui-ci sur les produits qu’elle commercialise, ce qui constitue un usage à titre de marque.

TJ Paris, 3e ch., 3e sect., 14 févr. 2024, AB Copains SAS c. M. [W] [F] et al., 21/15650 (M20240044)

Déchéance partielle de la marque (oui) - Preuve de la reprise de l’usage sérieux - Validité des marques postérieures (non) - Contrefaçon de la marque (oui)

Marque n° 4 406 153 de la société Bisly
Marque n° 4 372 729 de la société Bisly
Marque n° 3 137 298 de la société Mediawan Thematics

Une société exerçant une activité de production audiovisuelle a engagé une action en déchéance de la marque EXPLORE et une action en contrefaçon de ses marques postérieures EXPLORE et Explore Média. La société défenderesse a apporté des preuves de reprise d’usage présentant un caractère sérieux, dans les cinq années précédant la demande de déchéance, notamment pour une offre de vidéos à la demande sur une plateforme numérique. Elle n’est ainsi déchue de ses droits sur la marque verbale EXPLORE que pour les produits visés en classes 16 et 28. En conséquence, les demandes en contrefaçon de ses marques postérieures formées par la demanderesse, visant des services pour lesquels la défenderesse n’est pas déchue de ses droits, sont rejetées. De plus, la défenderesse, qui a fait un usage sérieux de sa marque notamment pour les services de télécommunications visés à l’enregistrement, est recevable à agir reconventionnellement en nullité des marques de la demanderesse pour atteinte à ses droits antérieurs. La marque verbale EXPLORE et la marque semi-figurative Explore Média, présentant un risque de confusion avec la marque EXPLORE de la défenderesse, sont, respectivement, partiellement et totalement annulées pour tous les services visés à l’enregistrement similaires à ceux qu’elle invoquait. Par ailleurs, la société demanderesse, qui est à l’initiative de l’introduction de l’instance, se voit condamnée au titre de la contrefaçon de la marque antérieure EXPLORE dont elle requérait la déchéance.

TJ Paris, 3e ch., 3e sect., 14 févr. 2024, Bisly SAS c. Mediawan Thematics SAS, 21/11805 (M20240046)

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Rétractation de l’ordonnance autorisant la saisie-contrefaçon (non) - Principe de loyauté des débats - Proportionnalité des mesures

Marque n° 001 020 536 de la société Pablosky

Selon un arrêt récent de la Cour de cassation1, le requérant à une mesure de saisie-contrefaçon doit faire preuve de loyauté dans l'exposé des faits au soutien de sa requête, afin de permettre au juge d'autoriser une mesure proportionnée en exerçant pleinement son pouvoir d'appréciation des circonstances de la cause. En l’espèce, alléguant la contrefaçon de sa marque verbale NASA du fait de l'apposition, sur des chaussures, des logos de la célèbre agence spatiale américaine homonyme, la société espagnole requérante, qui sollicitait une mesure de saisie-contrefaçon à l'encontre d'une société française, avait insisté dans sa requête sur son droit de marque. Le juge des requêtes, correctement avisé par la requérante, laquelle n'a aucun lien avec l'agence américaine, de la particularité de la situation et ainsi incité à la prudence, était invité à consulter personnellement la position de la société visée par la saisie. À l’appui de sa demande en rétractation de l’ordonnance ayant autorisé la saisie-contrefaçon, celle-ci invoque une présentation déloyale des faits dans la requête, en raison notamment de la dissimulation d’un autre litige en cours entre les parties, relatif à une contrefaçon de modèles. Toutefois, un courrier de son avocat, explicitement visé dans le corps de la requête, révélait l'existence de ce litige, ainsi que l'opinion selon laquelle les allégations de contrefaçon de la marque NASA étaient une « tentative de déstabilisation » et un « contre-feu ». Ainsi, l'information relative à ce litige, qui était d'une importance très relative pour l'examen de la requête, était accessible de façon suffisamment évidente et rapide, de sorte qu’elle peut être tenue pour loyalement communiquée. Par ailleurs, les mesures obtenues sont proportionnées et la demande en rétractation est donc rejetée.

TJ Paris, 3e ch., 2e sect., ord. réf. rétract., 9 févr. 2024, Royer SAS c. Pablosky SL, 23/10348 (M20240040)

1 Cass. com., 6 déc. 2023, Puma SE et al. c. Carrefour Hypermarchés SAS, 22-11.071 (M20230250 ; PIBD 2024, 1219, III-2 avec une note ; Propr. industr., mars 2024, p. 1, C. Le Stanc). Sur l’application du principe énoncé par la Cour de cassation, voir également : CA Paris, pôle 5, 2e ch., 9 févr. 2024, Melchior Material and Life Science France SAS et al. c. Minakem SASU, 22/03911 (B20240006 ; PIBD 2024, 1223, III-1).
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Titre
DESSINS ET MODÈLES
Texte

Protection par le droit d’auteur (non) - Originalité - Antériorités

Boîte « Magnolia » ; source : https://www.aphinitea.com/shop/magnolia-packaging-structure

Le modèle Magnolia, décrit comme une boîte servant de contenant d’aliments, n’est pas protégeable par le droit d’auteur, faute d’originalité. Si l’antériorité n’est pas un critère permettant d’établir l’originalité d’une œuvre, les nombreuses antériorités soulevées en défense mettent en lumière l’impossibilité, pour ce modèle, d’exprimer la personnalité de son auteur. Il existe en effet une multitude de modèles de boîtes en carton similaires sur le marché, qui s’inscrivent dans la continuité de l’art de l’origami japonais. De plus, la combinaison des caractéristiques revendiquées (boîte en carton, avec une base et des côtés plats, huit rabats et un système d’auto-fermeture par pliage, pouvant être aplatie en forme d’assiette avec des pétales) ne suffit pas à refléter l’empreinte de la personnalité de l’auteur. Il importe peu que le tribunal judiciaire de Paris ait retenu l’originalité de l’œuvre dans un jugement antérieur.

TJ Paris, 3e ch., 1re sect., 8 févr. 2024, Aphinitea Corporation (venant aux droits de la Sté Ellaechim Trading) et al. c. First Fast Food Collective SAS, 22/02992 (D20240005)

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