Jurisprudence
Marques

Manque de loyauté lors de présentation de la requête aux fins de saisie-contrefaçon - Procédures d'opposition antérieures non signalées au juge

PIBD 1219-III-2
Cass. com., 6 décembre 2023, avec une note

Validité de la saisie-contrefaçon - Moyens fondant la requête - Éléments de fait - Droit de l'UE - Principe de loyauté des débats

Texte
Marque n° 426 712 de la société Puma
Texte

La Cour de cassation[1] a jugé précédemment que les dispositions de l’article L. 716-7 (devenu L. 716-4-7), al. 1 et 2, du CPI permettent au titulaire d'un droit de propriété industrielle de bénéficier de la procédure de saisie-contrefaçon sans avoir à justifier de circonstances particulières nécessitant d'y recourir de manière non contradictoire, et que ces dispositions sont, à ce titre, considérées comme exorbitantes du droit commun, le juge saisi ne pouvant refuser d'accueillir la demande dès lors qu'elle lui a été présentée dans les formes et avec les justifications prévues par la loi.

Les dispositions précitées, lues à la lumière de la directive 2004/48/CE, exigent cependant du requérant qu'il fasse preuve de loyauté dans l'exposé des faits au soutien de sa requête en saisie-contrefaçon, afin de permettre au juge d'autoriser une mesure proportionnée.

En effet, selon l'article 3 de la directive, les procédures nécessaires pour assurer le respect des droits de propriété intellectuelle mises en œuvre par les États membres de l’Union européenne doivent être loyales et proportionnées[2]. Par ailleurs, en application de l'article 10 du Code civil, les parties ont l'obligation, en vertu du principe de loyauté des débats, de produire et, le cas échéant, communiquer en temps utiles les éléments en leur possession, en particulier lorsqu'ils sont susceptibles de modifier l'opinion des juges.

Dans l’arrêt attaqué, la cour d'appel a exactement retenu que les procès-verbaux de saisie-contrefaçon incriminés devaient être annulés, les sociétés requérantes ayant manqué à leur devoir de loyauté à l'occasion de la présentation de la requête. Elles se sont abstenues d’informer le juge sur le fait que la société visée, à laquelle étaient reprochés des actes de contrefaçon de marques ou portant atteinte à leur renommée, était titulaire de marques françaises et de l’Union européenne portant sur le signe contesté. Elles ont également omis de mentionner les procédures d’opposition à l’enregistrement de ces marques, qu'elles avaient initiées auprès de l’INPI et de l’EUIPO, et le fait que ces instances administratives avaient exclu toute imitation des marques invoquées, et donc tout risque de confusion.

La cour d’appel a ajouté que si la décision rendue par l'instance administrative, statuant en matière d'opposition, ne lie pas le juge saisi d'une demande en contrefaçon, les éléments de preuve destinés à être produits dans une procédure judiciaire doivent néanmoins être recueillis dans des conditions exemptes de déloyauté. Elle en a déduit que la partie qui sollicite l'autorisation de faire pratiquer une saisie-contrefaçon doit présenter, au soutien de sa requête, l'ensemble des faits objectifs de nature à permettre au juge d'appréhender complètement les enjeux du procès en vue duquel lui était demandée cette autorisation, et ainsi d'exercer pleinement son pouvoir d'appréciation des circonstances de la cause.

Cour de cassation, ch. com., 6 décembre 2023, 22-11.071 (M20230250)
Puma SE et Puma France SAS c. Carrefour Hypermarchés SAS
(Rejet pourvoi c. CA Paris, pôle 5, 2e ch., 26 nov. 2021, 20/05827 ; M20210283 ; PIBD 2022, 1175, III-6)

Titre
NOTE :
Texte

Sur l’obligation de présenter, à l’appui d’une requête aux fins de saisie-contrefaçon, des arguments et des pièces susceptibles d’éclairer le juge sur le contexte du litige et la pertinence de la demande, le lecteur peut se reporter à la motivation des décisions suivantes qui ont été rendues en matière de brevets, de dessins et modèles et de droit d’auteur antérieurement à l’arrêt de principe de la Cour de cassation ci-dessus exposé :

- TJ Paris, 3e ch., 3e sect., ord. réf. rétract., 8 févr. 2022, Swania SASU c. Salveco SASU, 21/08692 (B20220022 ; PIBD 2022, 1182, III-1 ; L’Essentiel Droit propr. intell., juill.2022, p. 1, F. Herpe ; confirm. par CA Paris, pôle 5, 2e ch., 13 janv. 2023, 22/05879, B20230004, PIBD 2023, 1202, III-1) :

« L'absence de contradictoire et le caractère intrusif de la mesure de saisie-contrefaçon imposent que le requérant ne fasse pas une présentation déloyale des faits susceptibles d'influencer le sens de la décision qui sera rendue. Ce dernier se doit donc de porter à la connaissance du juge, l'ensemble des éléments de droit et de faits utiles, afin de permettre à celui-ci de porter une appréciation éclairée sur la demande qui lui est soumise et d'ordonner une mesure proportionnée, en tenant compte des intérêts divergents du saisissant et du saisi.

Force est en l’occurrence de constater que la société SALVECO n’a pas tu au juge des requêtes l’existence de relations contractuelles entre elle et la société SWANIA. Elle a certes entretenu un certain flou sur leur date de fin, se contentant d’évoquer le rachat de 2018. Il est néanmoins constant que ces relations ont pris fin en 2020, tandis que les éléments sur lesquels était fondée la requête ont été rassemblés, en particulier sur internet, au cours du mois de mai 2021 soit postérieurement à la rupture. Les éléments constatés sur internet étaient en tout état de cause corroborés par des éléments figurant sur des produits achetés de la même manière en mai 2021. Il n’est en outre nullement démontré que la mesure a amené la découverte de produits fabriqués par la société SALVECO.

Il n’est donc fait état d’aucun élément caché qui aurait pu amener le juge à apprécier différemment la requête et qui justifierait la rétractation totale de l’ordonnance du 2 juin 2021 » ;

- CA Paris, pôle 5, 1re ch., 11 janv. 2022, M. P., 21-00626 (B20220005) :

« Selon l'article R. 615-2 alinéa 2 [transféré à l’article R. 615-4 depuis le 1er juin 2023] du code de la propriété intellectuelle, cette ordonnance est rendue sur simple requête et sur la représentation du brevet. Au soutien de sa requête, le demandeur doit donc identifier le brevet qu'il invoque, établir que ce brevet est en vigueur à la date de sa présentation et justifier de sa qualité de propriétaire.

Puis, la cour rappelle que le requérant à une saisie-contrefaçon sur le fondement de l'article L.615-5 du code de la propriété intellectuelle ne doit pas démontrer la contrefaçon, puisque c'est précisément l'objectif poursuivi par la saisie-contrefaçon objet de la requête, mais seulement fournir des éléments raisonnablement accessibles laissant présumer la possibilité d'une contrefaçon du brevet revendiqué.

En l'espèce, M. P. démontre qu'au jour du dépôt de sa requête, soit le 15 juin 2021, il était titulaire du brevet EP 657 toujours en vigueur à cette date, qui porte précisément comme déjà mentionné sur "l'utilisation d'un carburant solide dans des moteurs, des chaudières ou des fours", ses revendications se référant à l'utilisation de certaines substances biologiques (amidon, lactose, cellulose, farines etc...) en tant que carburant, seules ou en mélange, avec une granulométrie spécifique, dans différents équipements tels des moteurs, chaudière ou four.

Puis, M. G. P. produit notamment : un rapport d'information de l'Assemblée nationale déposé le 22 janvier 2020 portant sur les agrocarburants et se référant à un projet BioTFUEL visant à produire du biogazole par voie thermochimique à partir de biomasse lignocellulosique [...].

Il en ressort que, dans le cadre de son activité, la société TOTAL RAFFINAGE exploite un procédé dénommé BioTFuel de fabrication de biocarburants à partir de biomasse lignocellulosique, avec une composition spécifique, celle-ci nécessitant une phase de torréfaction, puis une phase de gazéification, dans une chambre de combustion dans laquelle sont brûlées les différentes matières.

Il convient, en conséquence, de retenir que M. G. P. apporte la preuve de l'existence d'éléments laissant présumer la possibilité d'une contrefaçon du brevet revendiqué et tel que décrit ci-dessus, dans le cadre de la mise en œuvre de l'unité de gazéification du procédé BioTFuel située à Dunkerque.

Pour ces raisons, il convient d'infirmer l'ordonnance dont appel et de faire droit à la requête aux fins de saisie contrefaçon [...] » ;

- CA Paris, pôle 5, 1re ch., 15 juin 2021, Chaumet International SA, 21/00321 (D20210032), 21/00096 (D20210031) :

« L'article 494 du code de procédure civile détermine les conditions requises pour la présentation d'une requête en ces termes : "la requête est présentée en double exemplaire. Elle doit être motivée. Elle doit comporter l'indication précise des pièces invoquées. [...]".

En l'espèce, la société CHAUMET présente et décrit les différents articles de joaillerie qu'elle exploite commercialement sous son nom et qui ont fait l'objet d'enregistrements, à propos desquels elle revendique la protection au titre du droit des dessins et modèles communautaires et du droit d'auteur, justifiant ainsi de sa qualité à agir.

Elle motive également en droit et en fait sa requête en reprenant les textes spécifiques applicables à la saisie contrefaçon en matière de dessins et modèles et droit d'auteur et en produisant les photographies des articles argués de contrefaçons acquis auprès de la société AN'GEL (dont un extrait KBIS est joint), accompagnées de la facture d'achat, permettant de déterminer l'étendue de la saisie-contrefaçon requise, puis elle liste les termes de la mission de l'huissier de justice, en énumérant et versant les pièces au soutien de sa requête.

Ainsi les conditions formelles posées par les articles L.521-4 du code de la propriété intellectuelle et 494 du code de procédure civile sont respectées.

À cet égard, la cour rappelle que la procédure de saisie-contrefaçon, destinée à procurer au titulaire des droits revendiqués les preuves permettant de faire sanctionner les atteintes portées à ses droits, attribue au président saisi sur requête le pouvoir de fixer les conditions et l'étendue de la saisie contrefaçon mais non celui de refuser l'autorisation d'y procéder qui lui a été demandée dans les formes et avec les justifications prévues par la loi, de sorte qu'en rejetant la requête en arguant d'un défaut de justification de la provenance des bijoux argués de contrefaçon en l'absence de lien avec la facture jointe, le président a exigé une condition supplémentaire non prévue par les textes, étant relevé que les allégations de la requérante sont effectivement étayées par les photographies des bijoux litigieux présentant des ressemblances notables avec les modèles déposés, assorties d'une facture d'achat au nom de la société AN'GEL, sans que la société CHAUMET puisse être tenue pour responsable de l'opacité existant quant au défaut d'identification précise des produits commercialisés par le tiers accusé de contrefaçon, qui ne fait figurer aucune référence sur les bijoux en cause.

Au surplus, la société CHAUMET justifie avoir mandaté un huissier de justice qui s'est rendu le 21 décembre 2020 dans le commerce en cause afin de procéder à un constat d'achat qui n'a pu être dressé, le premier témoin se voyant refuser la vente des produits argués de contrefaçon à défaut de présentation d'un extrait K-BIS, les modèles ayant été enlevés des rayons au passage d'un second témoin dans l'après-midi.

Les explications et pièces fournies sont ainsi de nature à raisonnablement étayer les allégations de contrefaçon des droits exposés par la société CHAUMET.

En conséquence, et sauf à exiger la preuve de la commercialisation incontestable des produits argués de contrefaçon par un magasin grossiste, nullement requise au stade de la saisie-contrefaçon, il convient de faire droit à la requête présentée dans les conditions précisées au dispositif, l'ordonnance critiquée étant infirmé » ;

- CA Paris, pôle 5, 2e ch., 6 nov. 2020, Brahms GmbH c. Beckman Coulter France SASU et al., 20/01647 (B20200053 ; PIBD 2021, 1151, III-1) :

« La cour rappelle que la saisie-contrefaçon est valablement autorisée dès lors que celui qui en fait la demande apporte au juge des requêtes des éléments d'appréciation suffisants pour le conduire à estimer vraisemblable l'existence d'une atteinte à son droit de propriété intellectuelle, que la mesure probatoire sollicitée a vocation à établir.

À juste titre le premier juge a rappelé le caractère exorbitant de cette mesure, obtenue de manière non contradictoire et autorisant des investigations ou des mesures conservatoires chez un tiers, sans son assentiment, ce qui impose au requérant d'agir avec loyauté et de faire au juge, une présentation fidèle des faits motivant sa requête, afin que celui-ci se trouve en mesure d'exercer un contrôle de proportionnalité en considération des intérêts en présence.

[...]

Pour justifier d'une vraisemblable atteinte à son brevet, elle [la société Brahms] affirmait que "les calibrateurs utilisés dans le kit 'ACCESS PCT CALIBRATORS' auraient une stabilité de 42 jours" et affirmait que cela ressort notamment du site internet de la société Beckman rédigé en anglais et produit en pièce jointe DTMV R12 et de la brochure test "ACCESS PCT" également en anglais produite en pièce jointe DTMV R8 (page 9 des requêtes).

[...]

Or, la cour constate que la présentation effectuée qui insiste sur une stabilité des calibrateurs de 42 jours et met en avant des documents en anglais non traduits mais surlignant des termes dont il est à tout le moins suggéré une traduction erronée constitue à minima une présentation trompeuse voire déloyale.

La cour constate, en outre, à la lecture des requêtes, que l'explication de la contrefaçon vraisemblable repose essentiellement sur les allégations erronées relatives à la durée de stabilité des calibrateurs, et, que, contrairement aux allégations de la société Brahms, les requêtes ne contiennent pas d'autres éléments probants permettant d'envisager que le kit des sociétés Beckman France et Immunotech pourrait être contrefaisant.

Dès lors, l'ordonnance déférée [qui a rétracté les ordonnances autorisant les saisies-contrefaçon] doit être confirmée en toutes ses dispositions. » ;

- CA Paris, pôle 5, 1re ch., 25 sept. 2018, Néo Médical SAS et al. c. Safe Orthopaedics SA, 18/04300 (B20180080 ; Propr. intell., 70, janv. 2019, p. 97, J.-C. Galloux) :

« Que les sociétés NEO MEDICAL rappellent à juste raison que selon une jurisprudence constante, le requérant, dans une procédure sur requête, a un devoir de loyauté encore plus impératif que dans une procédure contradictoire et doit présenter au juge tous les éléments susceptibles d'avoir une incidence sur l'appréciation portée par le juge sur les mesures sollicitées ;

Considérant que selon l'article R. 615-2 alinéa 2 du code de la propriété intellectuelle, l'ordonnance autorisant la saisie-contrefaçon en matière de brevet est rendue sur la représentation du brevet ; qu'au soutien de sa requête, le demandeur doit donc identifier le brevet qu'il invoque, établir que ce brevet est en vigueur en justifiant du paiement des annuités et justifier de sa qualité de propriétaire ou de licencié ;

Considérant qu'en l'espèce, il est constant que la société SAFE ORTHOPAEDICS a satisfait à ces exigences en produisant devant le juge des requêtes, comme l'indiquent la liste des pièces jointes aux requêtes critiquées, notamment, un extrait Kbis, un extrait de son site internet, le fascicule du brevet FR 840 avec en annexe le rapport de recherche indiquant que le demandeur avait modifié les revendications à la suite des observations du rapport de recherche préliminaire, ainsi que les justificatifs du paiement des annuités du brevet montrant que celui-ci était en vigueur ; que la société requérante a en outre fourni au juge des éléments (notamment les brochure explicative et notice relatives au système de vis pédiculaire NEO) de nature à constituer un commencement de preuve de la contrefaçon alléguée ; que la société SAFE ORTHOPAEDICS a ainsi satisfait aux conditions édictées par les dispositions précitées ;

Considérant que le juge saisi d'une requête aux fins de saisie-contrefaçon dans une affaire de brevet n'est pas juge de la validité du brevet, ce qui relève de la compétence du juge du fond ;

Qu'il est constant que la société SAFE ORTHOPAEDICS est également titulaire d'un brevet européen EP 674 et d'un brevet américain US 778, tous deux issus d'une demande internationale PCT/ FR2013/051183, déposée le 28 mai 2013, sous priorité du brevet FR 840 invoqué au soutien des deux requêtes contestées, que les revendications de la demande de brevet PCT/FR2013/051183, dont sont issus le brevet EP 674 et le brevet US778, étaient identiques aux revendications du brevet FR 840 et que, dans le cadre de la procédure de délivrance de ces brevets européen et américain, la société SAFE ORTHOPAEDICS a été amenée à apporter des modifications - sur la portée desquelles les parties s'opposent sans que la cour ait à se prononcer sur cette question, n'étant pas, à ce stade, juge de la validité du brevet FR 840 - aux revendications 1 et 12 des demandes de brevets qui ont été délivrés les 6 juin 2017 (pour le brevet américain) et 15 novembre 2017 (pour le brevet européen, l'OEB ayant fait connaître dès le 7 juin 2017 son intention de délivrer ledit brevet) ;

Que, comme le juge du tribunal de grande instance de Paris l'a retenu dans l'ordonnance déférée, le brevet français FR 840 est autonome par rapport au brevet européen EP 674 puisque la société SAFE ORTHOPAEDICS a choisi, au début du mois de juillet 2017, de ne pas désigner la France pour ce brevet européen afin, explique-t-elle, d'éviter un sursis à statuer dans la procédure en contrefaçon qu'elle projetait d'initier en France relativement au brevet français, jusqu'à la délivrance du brevet européen ou la fin de la période d'opposition ; que la société SAFE ORTHOPAEDICS est fondée à soutenir que le brevet européen EP 674 ne conférant aucun droit à la société SAFE ORTHOPAEDICS sur le territoire français, il ne pouvait servir de fondement aux requêtes en cause ;

Que le motif de la société SAFE ORTHOPAEDICS pour expliquer sa décision de ne pas désigner la France pour son brevet européen étant ainsi exposé et n'apparaissant pas illégitime, la manœuvre déloyale alléguée par les sociétés appelantes, qui aurait consisté pour la société SAFE ORTHOPAEDICS à créer artificiellement une fausse indépendance entre le brevet FR 840 et le brevet EP 674 afin d'éviter d'avoir à porter à la connaissance du juge des requêtes tous les éléments essentiels à sa bonne connaissance de l'affaire, n'est pas caractérisée ;

Que dans ces conditions le premier juge a estimé à juste raison que la mention de la procédure de délivrance du brevet EP 674, si elle aurait permis au juge des requêtes d'avoir une plus complète connaissance du contexte des requêtes qui lui étaient présentées, n'aurait pas été de nature à modifier sa décision ;

Que de même, le brevet américain, qui ne produit aucun effet juridique sur le territoire français, ne pouvait servir de fondement aux requêtes en cause et les conditions de sa délivrance n'auraient pas été de nature à modifier la décision du juge des requêtes, le défaut de mention de la procédure de délivrance de ce brevet devant le juge des requêtes ne pouvant donc être qualifié de manœuvre déloyale ;

Que l'ordonnance déférée doit donc être confirmée en ce qu'elle a rejeté la demande tendant à la rétractation totale des ordonnances rendues le 20 octobre 2017 et les demandes subséquentes » ;

- CA Paris, pôle 5, 1re ch., 11 sept. 2018, Arconic Inc. c. Constellium Issoire SAS, 18/01099 (B20180074 ; PIBD 2018, 1104, III-682 ; Propr. intell., 70, janv. 2019, p. 77, C. de Haas) :

« Considérant, en définitive, qu'il ressort du débat contradictoire sur les mérites de la requête qu'il ne résulte nullement des documents qui y sont annexés que le procédé de fabrication des tôles en alliage 6156 de la société CONSTELLIUM comprendrait les étapes du procédé de fabrication du brevet ARCONIC [...] ;

Qu'ainsi, les motifs allégués au soutien de la requête s'avèrent inexacts, et plus spécialement, il n'en résulte aucun soupçon de contrefaçon ni de bonnes raisons de supposer que les plaques d'alliage fournies par la société CONSTELLIUM constitueraient une contrefaçon du brevet ARCONIC ;

Que pour ces raisons, l'ordonnance qui a fait droit à la requête en saisie contrefaçon doit être rétractée ;

Considérant, il est vrai, que la société ARCONIC rappelle que la loi n° 2007-1544 du 29 octobre 2007 n'a pas transposé dans l'article L 615-5 du code de la propriété intellectuelle l'exigence pour le requérant à la saisie contrefaçon de présenter des éléments de preuve raisonnablement accessibles, ainsi que le permettaient, dans l'intérêt des titulaires de droits, les dispositions combinées des articles 2 et 7 de la Directive 2004/48 du 29 avril 2004[3] ; qu'elle en déduit que l'ouverture de son droit à la saisie contrefaçon n'est subordonné qu'à la démonstration que le titre opposé existe sans aucune autre exigence de preuve concernant la contrefaçon elle-même ;

Mais considérant que le droit de propriété conféré par un brevet n'est ni absolu ni discrétionnaire, et reste soumis, en cas de requête en saisie contrefaçon, à l'appréciation de son mérite par le juge des requêtes, notamment lorsque comme en l'espèce les motifs allégués à son soutien s'avèrent inexacts ;

Qu'en outre, l'article 3 de la directive 2004/48 du 29 avril 2004 demande que les procédures nécessaires pour assurer le respect des droits de propriété intellectuelle soient loyales et proportionnées ; qu'en l'espèce, alors qu'il n'existe aucun soupçon tangible de contrefaçon, la cour ne peut qu'observer que la mesure de saisie contrefaçon requise aurait pour effet essentiel de permettre à la société ARCONIC de découvrir le procédé de fabrication des produits en alliage d'aluminium par la société CONSTELLIUM ; qu'alors que ces deux sociétés sont directement concurrentes sur ces produits auprès d'entreprises du secteur aéronautique, notamment AIRBUS, la société CONSTELLIUM peut à juste titre redouter la révélation à son préjudice de secrets de fabrication, ou même une atteinte à sa crédibilité auprès de ces clients communs ; qu'enfin, la cour ne peut que s'étonner, alors que cette concurrence directe auprès de la société AIRBUS existe depuis l'année 2004, que ce ne soit que le 4 octobre 2017 que la société ARCONIC ait décidé d'initier une procédure en saisie contrefaçon » ;

- CA Paris, pôle 5, 2e ch., 26 mai 2017, Telekom Slovenije c. Générale de Téléphone SA, 15/10204 (B20170101; v. aussi : CA Paris, pôle 5, 2e ch., 26 mai 2017, Telekom Slovenije c. Orange SA, 15/10201, B20170100) :

« Considérant en l'espèce, que la société Telekom Slovenije a produit à l'appui de sa requête aux fins de saisie-contrefaçon des pièces relatives au titre invoqué et à son maintien en vigueur, soit la copie du fascicule du brevet EP 1 517 503 B1, la traduction en français de ce fascicule tel que publié par l'INPI et un extrait de paiement des annuités en France du brevet 1 517 503 B1, ainsi qu'un extrait Kbis de la société Générale de Téléphone ;

Qu'elle a indiqué dans la requête quelles étaient selon elle les atteintes portées à ses droits au vu des éléments dont elle avait connaissance, mentionné le détail des revendications et fait mention de ce qu'elle avait préalablement fait réaliser le 22 avril 2011 et le 23 octobre 2013 deux constats d'huissier à l'appui de ses allégations de contrefaçon ;

Considérant que l'appelante a dès lors satisfait à l'obligation générale de motiver sa requête, et d'indiquer précisément dans celle-ci les pièces invoquées conformément aux dispositions de l'article 494 code de procédure civile ; que si elle n'a pas produit les deux constats susvisés, elle en a cependant loyalement fait état et les a explicités, sollicitant que ces commencements de preuve soient complétés par la mesure réclamée ;

Considérant que contrairement à ce que soutient l'intimée, après avoir indiqué que la société Générale de Téléphone était une filiale de la société Orange, la requérante a donc justifié les raisons pour lesquelles elle a demandé à être autorisée à procéder à une mesure de saisie, et ces éléments étaient de nature à permettre au juge des requêtes d'exercer son contrôle de proportionnalité et de faire droit à la demande ;

Considérant, par ailleurs, que conformément à l'article L.615-5 du code de la propriété intellectuelle sur lequel se fonde la saisie-contrefaçon en matière de brevet, la contrefaçon peut être prouvée par tous moyens et toute personne ayant qualité pour agir en contrefaçon est en droit de faire procéder en tout lieu et par tous huissiers à une saisie-contrefaçon dans les conditions et forme que la loi détermine, sans que ne soit exigée la preuve ou même le commencement de preuve de la contrefaçon que la mesure sollicitée a précisément pour but de rapporter ;

Que c'est donc à tort que le juge des référés a, pour rétracter l'ordonnance du 22 mai 2014 ayant autorisé la société Telekom Slovenije à faire procéder à une saisie-contrefaçon dans les locaux de la boutique de la société Générale de Téléphone, située dans le centre commercial les 4 temps à Puteaux, fait reproche à cette dernière de n'avoir pas produit au moment de la requête d'éléments de preuve raisonnablement accessibles étayant ses allégations selon lesquelles la société Générale de Téléphone commercialisait un dispositif qui reproduirait les caractéristiques du brevet dont elle est titulaire » ;

- CA Paris, pôle 5, 1re ch., 16 mai 2017, Commerce Spectacle Industrie SAS et al. c. Koninklijke Philips NV et al., 15/15766 (B20170086) :

« Considérant que si la requête aux fins de saisie-contrefaçon doit être motivée en application de l'article 494 du code de procédure civile, le requérant n'est pas tenu d'établir, par un commencement de preuve, l'existence de la contrefaçon qu'il allègue ;

Qu'il sera en effet rappelé que la saisie-contrefaçon, telle que réglementée par l'article L 615-5 du code de la propriété intellectuelle, a seulement une fonction probatoire de nature à établir la réalité d'un acte mais non pour autant son caractère éventuellement contrefaisant ;

Considérant dès lors que le demandeur à la requête en saisie-contrefaçon doit seulement rapporter la preuve de l'existence du droit qu'il invoque et motiver sa requête en s'expliquant notamment sur les éléments et les indices qui lui laissent croire à l'existence d'une contrefaçon ;

Que l'accord relatif aux aspects de droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC) du 15 avril 1994 précise ainsi en son article 50, 3° : "Les autorités judiciaires seront habilitées à exiger du requérant qu'il fournisse toute preuve raisonnablement accessible afin d'acquérir avec une certitude suffisante la conviction qu'il est le détenteur du droit et qu'il est porté atteinte à son droit"[4], la notion d'"éléments de preuve raisonnablement accessibles" étant reprise par l'article 7 de la directive n° 48/2004/CE du 29 avril 2004 du Parlement européen et du Conseil relative aux respects des droits de propriété intellectuelle dont l'article L 615-5 est la transposition en droit interne ;

Que l'article 41 de l'ADPIC[5] prévoit en outre expressément que "Les procédures destinées à faire respecter les droits de propriété intellectuelle seront loyales et équitables" ;

Considérant qu'en l'espèce les requêtes en saisie-contrefaçon mentionnent pour chacune d'elle le titre sur lequel la société Koninklijke Philips NV se fonde pour solliciter la saisie-contrefaçon en produisant une copie du brevet en cause ainsi que la preuve du paiement des redevances annuelles, établissant ainsi suffisamment être pour chaque brevet, le détenteur du droit invoqué ;

Que la revendication principale de chaque brevet est expressément rappelée dans la requête ;

Que la requête fait ensuite état du programme de licences spécifiques mis en place par la société Koninklijke Philips NV en produisant les pièces justificatives correspondantes ;

Qu'elle présente ensuite la société CSI en faisant état de leurs relations commerciales étant précisé qu'en tout état de cause il n'appartient pas au juge des requêtes d'apprécier la pertinence de ce programme de licences ;

Qu'elle fait encore état des assignations en nullité de ses brevets EP 196, EP 059 et EP 992 délivrées à la requête de la société CSI ;

Que c'est ainsi à juste titre que le juge de la rétractation a dit qu'au vu en particulier de ces assignations en nullité, rendant vraisemblable l'existence d'actes de contrefaçon de ces brevets, il est démontré un intérêt à agir suffisant et un début de preuve de l'existence d'une possible contrefaçon et que les faits et les relations entre les parties ont été loyalement relatés dans la requête ;

[...]

Considérant en conséquence que c'est à juste titre que le premier juge a rejeté la demande de rétractation des saisies-contrefaçon ordonnées le 05 mai 2015 » ;

- CA Paris, pôle 5, 1re ch., 24 janv. 2017, Brevetix SARL c. Newmat SAS, 14/25549 (B20170008 ; PIBD 2017, 1072, III-346 ; Prop. industr., janv. 2018, p. 16, E. Py) :

« Considérant sur le fond que si le requérant n'est pas tenu de reproduire le texte des revendications du brevet qu'il invoque, dès lors qu'il le fait, il doit citer le texte exact de la revendication du titre qui lui a été délivré ;

Que comme l'ont relevé à juste titre les premiers juges, le requérant expose dans sa requête que la revendication principale de son brevet est caractérisée en ce que les lisses fixées sur les parois d'un local et sur lesquelles est tendue la toile du faux-plafond, sont caractérisées par la présence d'un élément profilé comportant à ses parties supérieure et inférieure des moyens d'accrochage permettant d'assurer le maintien sous tension de deux éléments de toile superposés ;

Qu'il demande ainsi que l'huissier de justice soit autorisé à procéder à la constatation de la fabrication, la détention et l'offre en vente de lisses arguées de contrefaçon de son brevet et référencées "GHOST 2LS ALU' et 'DOUBLE GHOST ALU" ;

Mais considérant que la SARL BREVETIX a en réalité cité dans sa requête le texte de la revendication telle que figurant dans la demande de brevet et non pas le texte de la revendication 1 telle que délivrée qui ne protège plus la structure de la lisse mais simplement un faux-plafond caractérisé par l'existence d'éléments d'éclairage entre les deux toiles constituant ce faux-plafond ;

Que c'est à juste titre que les premiers juges en ont conclu que la présentation inexacte, dans la requête, de la protection conférée par la revendication, même si le brevet délivré était joint en annexe, affecte l'objet même des mesures autorisées par l'ordonnance et, par voie de conséquence, la validité de la saisie-contrefaçon » ;

- CA Paris, pôle 5, 1re ch., 13 janv. 2015, Two B Ltd c. Papeteries Sill SAS et al., 12/22214 (B20150003 ; PIBD 2015, 1024, III-219 ; Propr. intell., 56, juill. 2015, p. 329, B. Warusfel) :

« Considérant que les sociétés CLAIREFONTAINE soutiennent ainsi que la pièce 1 versée à l'appui de la requête aux fins d'autorisation de saisie ne refléterait pas, de manière non équivoque, les droits revendiqués, et que si le juge de la mise en état a estimé, le 27 octobre 2011, qu'elles n'avaient pas subi de grief du fait d'une imprécision de l'assignation de ce chef, il n'en serait pas de même pour les saisies;

Mais considérant qu'il n'est pas contesté que la copie officielle de la demande de brevet français était produite, avec les revendications initiales figurant dans la demande et les revendications définitives figurant dans le brevet délivré, et il ressort de la requête que la société TWO B ne visait aucune revendication particulière, ce qu'elle n'était pas tenue de faire ; qu'elle se prévalait simplement d'un brevet en vigueur revendiqué par la société MAILDOR PRODUCTION et précisait sans ambiguïté le but de l'invention revendiquée, ce qui permettait de suffisamment identifier l'objet de la mesure, excluant tout grief quant aux droits invoqués » ;

- CA Paris, pôle 1, 3e ch., 28 janv. 2014, SFR SA et al. c. High Point SARL, 13/08128 (B20140018 ; PIBD 2014, 1003, III-273 ; Propr. intell., 53, oct. 2014, p. 448, P. Candé) :

« Considérant que les appelantes contestent la mesure ainsi ordonnée faute pour la société High Point d’avoir apporté le moindre commencement de preuve de contrefaçon et d’avoir manqué de loyauté ;

Considérant que la cour relève que la société HIGH POINT a indiqué dans sa requête que son invention avait pour objet de proposer une nouvelle architecture pour les réseaux de communication sans fil en prévoyant une méthode dite de commutation par paquets pour acheminer le trafic d'appel entre la station de base et les équipements de commutation ;

Considérant qu'elle a ensuite décrit son brevet faisant état de certaines revendications y figurant ;

Considérant qu'elle a ensuite déclaré que des opérateurs français dont la société BOUYGUES et SFR exploitent un réseau de téléphonie mobile mettant en œuvre son invention ; que le groupe HUAWEY étant le fournisseur d'équipements composant les réseaux de téléphonie mobile exploités par les opérateurs de téléphonie mobile susmentionnés, il convient de procéder à la saisie-contrefaçon ;

Considérant que la cour ne peut que constater que la société HIGH POINT procède par affirmation ; qu'il n'est fourni aucune pièce au soutien de ces assertions notamment pas sur l'usage de réseaux téléphonie mobile utilisant comme elle le dit des stations de base appelées Node B et des contrôleurs de réseau radio ;

Considérant qu'au-delà de la discussion nourrie entre les parties sur l'interprétation du droit national par rapport au droit communautaire, de la notion de produits prétendus contrefaisants ou de celle visant les éléments de preuve raisonnablement accessibles, la cour estime que, s'agissant d'une mesure d'une exceptionnelle gravité puisqu'autorisant la saisie-contrefaçon et l'accès à des documents d'une société de manière non contradictoire, il convient que la demande ne repose pas sur de simples affirmations ou allégations non étayées par un minimum de pièces ; qu'en l'état, la société HIGH POINT n'a même pas établi que les opérateurs recouraient au système de téléphonie avec stations de base et contrôleurs réseau dont elle prétendait qu'ils remplissaient les fonctions que la revendication 1 de son brevet visait ; que l'existence de ces deux éléments essentiels pour que soit présumée ou rendue vraisemblable une éventuelle contrefaçon ne sont pas avérés ; que ne figure aucune pièce en annexe relative à ces deux points ; qu'il n'est pas démontré en outre que ces systèmes de téléphonie mobile fonctionnent nécessairement et obligatoirement avec ces deux éléments ; que dès lors l'autorisation de saisie-contrefaçon n'était pas fondée et aucun élément n'existait pour la justifier » ;

- Cass. 1re ch. civ., 11 déc. 2013, Marotte SAS c. Spie SCGPM SA, 12/14030 (D20130327 ; PIBD 2014, 1000, III-168 ; RLDI, 100, janv. 2014, p. 34, L. Costes ; Propr. intell., 50, janv. 2014, p. 89, A. Lucas ; Propr. industr., avr. 2014, p. 38, P. Greffe) :

« Attendu que la société Marotte fait grief à l’arrêt d’annuler la saisie-contrefaçon du 5 octobre 2004, alors, selon le moyen :

[ ...]

2°/ que la requête déposée par la société Marotte en saisie contrefaçon en date du 1er octobre 2004 requiert du président du tribunal de grande instance, au visa de l’article L. 332-1 du code de la propriété intellectuelle et après avoir exposé les caractéristiques originales de son modèle Fold 31010, "conformément aux articles L. 332-1 et L. 521-1 du code de la propriété intellectuelle, de l’autoriser à faire procéder (…) à la description détaillée avec saisie réelle des panneaux décoratifs contrefaisants afin de rapporter la preuve de la contrefaçon du modèle et des droits d’auteurs dont elle est titulaire" ; qu’en affirmant que "la requête ne développe aucun moyen tendant à faire constater une éventuelle atteinte au droit d’auteur" et que la saisie "repose sur un droit d’auteur non motivé", la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de cette requête en violation de l’article 1134 du code civil ;

Mais attendu que l’arrêt relève que la requête du 1er octobre 2004 ne développe aucun moyen tendant à faire constater une éventuelle atteinte à des droits d’auteur et ne mentionne pas les pièces sur lesquelles la société Marotte se fonde pour prétendre à de tels droits ; qu’il relève encore que l’ordonnance ne porte pas davantage d’indications et que le visa, dans la requête, de l’article L. 332-1 du code de la propriété intellectuelle apparaît de pure forme ; que la cour d’appel, qui ne s’est pas fondée sur la nullité du modèle enregistré pour annuler la saisie-contrefaçon du 5 octobre 2004 en tant qu’elle était fondée sur le droit d’auteur, a pu, hors toute dénaturation de la requête, statuer comme elle a fait ; d’où il suit que le moyen qui manque en fait en sa première branche, n’est pas fondé pour le surplus » ;

- Cass. com., 29 janv. 2008, ABB France SAS et al. c. Citel 2 CP et al., 07-14.709 (B20080009 ; PIBD 2008, 871, III-203 ; RJDA, mai 2008, p. 581, note ; Comm. com. électr., mars 2008, p. 29, C. Caron) :

« Attendu que la société Abb France et la SAS Soulé font encore grief à l'arrêt d'avoir rétracté les ordonnances rendues le 17 janvier 2006 alors, selon le moyen :

1°/ que l'ordonnance autorisant une saisie-contrefaçon est rendue sur simple requête et sur la représentation du brevet ; qu'en retenant, pour rétracter les ordonnances du 17 janvier 2006, que la nouvelle société Soulé aurait dû joindre à ses requêtes les pièces justifiant de "la chaîne des droits des titulaires successifs du brevet" et du "maintien du brevet en vigueur" par le paiement de la redevance annuelle, la cour d'appel, qui a ajouté à la loi une condition qu'elle ne comporte pas, a violé les articles R. 615-1 du code de la propriété intellectuelle et 494 du nouveau code de procédure civile ;

2°/ que la requête aux fins de saisie-contrefaçon doit comporter l'indication des pièces invoquées, lesquelles doivent être jointes à ladite requête ; que les requêtes du 17 janvier 2006 comportaient de manière précise les références des brevets litigieux et leur objet, et que les ordonnances rendues le même jour visaient "la requête qui précède et les pièces à l'appui" ; qu'il en résultait que les brevets avaient été régulièrement produits à l'appui de la requête, conformément aux dispositions de l'article R. 615-1 du code de la propriété intellectuelle ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 494 du nouveau code de procédure civile, ensemble le texte précité ;

Mais attendu, d'une part, que la faculté de faire procéder à une saisie-contrefaçon en matière de brevet n'étant ouverte qu'aux personnes énumérées à l'article L. 615-5 du code de la propriété intellectuelle, il résulte de la combinaison de ce texte et des articles L. 613-9 et R. 615-1 du même code que le requérant est tenu, non seulement de présenter le brevet sur lequel il se fonde, mais aussi de justifier que ce titre est en vigueur et, s'il n'en est le propriétaire initial, qu'il est en droit d'en invoquer le bénéfice, en indiquant précisément, conformément à l'article 494 du nouveau code de procédure civile, les pièces invoquées à l'appui de sa requête ;

Et attendu, d'autre part, que la cour d'appel n'a pas retenu que le brevet n'aurait pas été produit ;

D'où il suit que le moyen manque en fait en sa seconde branche et n'est pas fondé pour le surplus »

[1] V. notamment : Cass. com., 22 mars 2023, Bacchus Bollée SARL c. E. Rémy Martin & Co SASU, 21-21.467 (M20230050 ; PIBD 2023, 1208, III-3 avec une note de C. Martin ; Propr. industr., juill.-août 2023, p. 2, O. Thrierr ; Propr. industr., oct. 2023, p. 41, P. Tréfigny).

[2] Art. 3 (obligation générale) de la directive 2004/48/CE : « 1. Les États membres prévoient les mesures, procédures et réparations nécessaires pour assurer le respect des droits de propriété intellectuelle visés par la présente directive. Ces mesures, procédures et réparations doivent être loyales et équitables [...].

2. Les mesures, procédures et réparations doivent également être effectives, proportionnées et dissuasives [...] ».

[3] Art. 7 § 1 (mesures de conservation des preuves) de la directive 2004/48/CE : « Avant même l’engagement d’une action au fond, les États membres veillent à ce que les autorités judiciaires compétentes puissent, sur requête d’une partie qui a présenté des éléments de preuve raisonnablement accessibles pour étayer ses allégations selon lesquelles il a été porté atteinte à son droit de propriété intellectuelle ou qu’une telle atteinte est imminente, ordonner des mesures provisoires rapides et efficaces pour conserver les éléments de preuve pertinents, au regard de l’atteinte alléguée [...] ».

[4] Art. 50 (mesures provisoires) de l’accord ADPIC : « 1. Les autorités judiciaires seront habilitées à ordonner l'adoption de mesures provisoires rapides et efficaces :

[ ...]

b) pour sauvegarder les éléments de preuve pertinents relatifs à cette atteinte alléguée.

[...]

3. Les autorités judiciaires seront habilitées à exiger du requérant qu'il fournisse tout élément de preuve raisonnablement accessible afin d'acquérir avec une certitude suffisante la conviction qu'il est le détenteur du droit et qu'il est porté atteinte à son droit ou que cette atteinte est imminente [...] ».

[5] Art. 41 (obligations générales) de l’accord ADPIC : « 1. Les Membres feront en sorte que leur législation comporte des procédures destinées à faire respecter les droits de propriété intellectuelle telles que celles qui sont énoncées dans la présente partie, de manière à permettre une action efficace contre tout acte qui porterait atteinte aux droits de propriété intellectuelle couverts par le présent accord [...].

2. Les procédures destinées à faire respecter les droits de propriété intellectuelle seront loyales et équitables. [...] ».